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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Environnement et pauvreté

Réalisé par le CRISLA, à partir d’une sélection de textes indiens issus de la revue Down To Earth du Centre for Science and Environnement et traduits par Gildas Le Bihan

09 / 2006

L’idée de ce dossier m’est venue à l’occasion d’une rencontre au Ministère de l’environnement, début 2005. Il s’agissait de débattre des propositions françaises de création d’une organisation des Nations unies pour l’environnement. Parmi les arguments avancés, une ancienne ministre de l’environnement regrettait que désormais la lutte contre la pauvreté constituait la priorité des Nations unies et non plus la protection de l’environnement comme dans les années 1990.

Une telle remise en cause des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) ne pouvait que me choquer, et je fis remarquer que, si on se contentait de mettre en avant la priorité de la défense de l’environnement sans prendre en compte les intérêts des plus démunis, on risquait d’aggraver la situation de ces derniers. J’avais en mémoire les multiples exemples de mesures de conservation et de protection dans le domaine maritime qui ont contribué à aggraver la situation des pêcheurs marginalisés. Je me souvenais aussi de cet article inoubliable qui raconte les difficultés de Phulmai, la porteuse de bois, confrontée à la politique de protection des forêts de l’administration indienne.

A mes remarques, l’ex ministre se contenta de répondre qu’il allait de soi qu’il fallait protéger les poissons pour faire vivre les pêcheurs. Bien sûr…, mais comment vivent-ils en attendant ? J’enrageais de voir ainsi évacué un débat fondamental sur l’articulation entre lutte contre la pauvreté et protection de l’environnement. Avec bonne conscience, de nombreux environnementalistes honnêtes et généreux considèrent comme une évidence que la lutte contre la pauvreté est inscrite dans le droit fil de la protection de l’environnement. Il va de soi qu’un défenseur des animaux est un acteur majeur dans la promotion du développement durable, bien plus qu’un militant qui porte ses priorités sur la lutte contre la misère, à tel point que l’éducation au développement durable est réduite à une éducation à l’environnement.

J’imaginais dans une telle assemblée la colère d’Anil Agarwal, comme il savait la manifester lorsque les intérêts des démunis du Sud étaient passés à la trappe. Les riches et les pays du Nord savent s’y prendre pour faire payer aux plus pauvres le prix de l’ajustement écologique. Nous demandons ainsi naturellement aux pays du Sud de limiter leurs émissions de gaz à effet de serre alors que nous-mêmes, qui sommes responsables des émissions majeures, n’avons même pas commencé à réduire les nôtres !

Comment donc faire entendre aux bonnes consciences de notre pays la voix des pays du Sud, de ces écologistes qui sont confrontés à la fois à la misère et à la dégradation de l’environnement ? Depuis 1987, nous avons participé à la diffusion des analyses du CSE (Centre for Science and Environnement) par des traductions diverses et depuis plusieurs années par la publication d’une sélection en français d’articles de Down To Earth, revue lancée en 1992 au moment du Sommet de la Terre à Rio par Anil Agarwal. Anil avait consolidé ses convictions aux côtés du mouvement Chipko qui luttait contre la déforestation dans l’Himalaya.

A la différence des pays du Nord, dans les pays du Sud les grandes luttes environnementales sont portées par les marginalisés : les paysans, les pêcheurs, les habitants des forêts et des bidonvilles. D’emblée le lien est fait entre protection de l’environnement et lutte contre la pauvreté, ce qui est bien rare dans les pays du Nord, alors que les plus pauvres subissent aussi l’environnement le plus dégradé, dans les banlieues par exemple. Mais c’est rarement le terrain de prédilection des défenseurs de l’environnement !

Dans le même temps, nous avons renforcé nos liens avec des organisations de pêcheurs, en particulier en Asie. Ces organisations se sont mobilisées très tôt contre la pollution des rivages, les dégâts de l’aquaculture, la destruction des mangroves. Pourtant les relations entre organisations écologistes et ces mouvements de pêcheurs ne sont pas toujours faciles, comme le montrent les exemples des mesures de protection des tortues, des requins ou des mangroves. La spécificité des organisations de pêcheurs artisans en Asie, c’est qu’elles associent défense de leurs intérêts et protection des milieux. Malheureusement en Europe, ces analyses et ces exemples sont mal connus, les organisations environnementalistes ont le monopole des analyses sur l’environnement. Pourtant les exemples asiatiques nous seraient bien utiles pour analyser nos problèmes environnementaux avec un autre regard. Comment en effet faire adopter des mesures de protection de l’environnement si on ne prend pas en compte les effets sociaux de ces mesures ? Il n’y a pas meilleur moyen d’échouer dans une politique environnementale que d’oublier cela.

Mais le message des associations indiennes ne concerne pas seulement les écologistes. Pourquoi la lutte contre la pauvreté ne prend-elle pas mieux en compte la défense de l’environnement, pourquoi ces politiques sont-elles souvent déconnectées au lieu d’être articulées et associées ? N’était-ce pas l’objectif des politiques de développement durable ? Il y a plus de vingt ans, Anil Agarwal avait fait une proposition révolutionnaire et simple pour associer les deux politiques. Il proposait de taxer les riches du Nord comme du Sud pour assurer un transfert de revenus vers les plus pauvres et leur permettre de financer l’amélioration de leur environnement, base de leurs ressources (reboisement, récolte de l’eau, lutte contre l’érosion, protection des littoraux). Ces fonds seraient versés à des communautés qui mèneraient ces programmes.

Le choix d’articles que nous avons réalisé montre combien une telle perspective peut être efficace pour sortir les zones rurales de la misère. L’Inde expérimente aujourd’hui de tels programmes en assurant un minimum de journées de travail aux plus pauvres. Pourquoi ne pas l’imaginer à l’échelle du village planétaire ?

Alain Le Sann

CRISLA

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