Une solution au niveau mondial c’est de s’orienter vers des sources d’énergie qui ne produisent pas de carbone
03 / 2002
Même sur cette question compliquée du réchauffement climatique qui devient un vrai panier de crabes, on peut sans doute aussi avancer. Brièvement, le problème vient de ce que nous continuons à utiliser des carburants fossiles qui émettent du carbone. La solution c’est donc de s’orienter vers des sources d’énergie qui ne produisent pas de carbone. L’énergie solaire a fait des progrès rapides et si elle se vulgarisait il suffirait de quelques décennies pour échapper aux scénarios catastrophes du réchauffement climatique. Sinon la menace va rester là pendant des siècles.
On entend souvent dire par des gens du Nord que si les pays industrialisés réduisaient leurs émissions de gaz à effet de serre tandis qu’on laisserait les pays en développement accroître les leurs, tout cela serait peine perdue. Les Etats-Unis ont adopté sur ce sujet une position forte : il faut que tous les pays, y compris les pays en développement, participent à l’effort de réduction des émissions de dioxyde de carbone et des autres gaz qui provoquent le réchauffement de la planète. Les industriels des pays occidentaux soutiennent aussi ce raisonnement. S’ils sont les seuls à devoir supporter les coûts de réduction de ces émissions de gaz nocifs, ou bien ils fermeront boutique, ou bien celles qui ont des taux d’émissions élevés délocaliseront vers des pays qui n’imposent pas de mesures restrictives dans ce domaine. Les émissions de gaz à effet de serre sont très liées à la croissance économique. Dans le monde il y a beaucoup de pays qui sont très pauvres, et ils vont malheureusement augmenter leurs émissions à mesure que se développe leur économie. Il serait déplacé de croire que les leaders des pays en développement accepteront de prendre de nouveaux engagements qui alourdiraient encore plus leur fardeau économique alors que tous inspirent à une croissance rapide de l’économie nationale. Ils ne peuvent non plus accepter les inégalités et distorsions qui prévalent aujourd’hui dans l’économie mondiale.
Ces problèmes apparemment insolubles peuvent cependant être résolus à condition que le monde entier fasse un effort vraiment sérieux en matière de politique énergétique. Nous devons nous libérer de notre dépendance actuelle vis-à-vis de l’énergie fossile (charbon, gaz naturel, produits pétroliers) et nous tourner vers des énergies qui n’émettent pas ou peu de CO2 (solaire, biomasse, énergie éolienne et hydroélectrique…). Les menaces que fait peser sur nous le changement climatique seraient alors repoussées et chaque pays pourrait consommer autant d’énergie qu’il le souhaiterait.
Recherche, développement et volonté politique
Pour opérer cette transition, il faudra satisfaire à deux conditions préalables : premièrement, consacrer beaucoup plus d’argent à la recherche, deuxièmement, développer au plus vite le marché de l’énergie solaire afin que la production de masse fasse baisser les prix du matériel. Les échanges de droits à émettre des gaz à effet de serre, basés sur des quotas, peuvent ici se révéler utiles. Cela inciterait les pays à tendre vers des taux d’émissions faibles afin de pouvoir disposer le plus longtemps possible d’une part non utilisée de droits à émettre et en tirer avantage sur le marché des échanges.
Dans cet environnement économique, il serait plus facile de créer un marché mondial pour les technologies du solaire produites par les pays occidentaux, d’abord dans les pays en développement puis dans les pays industrialisés également. Cela donnerait une solide impulsion à la transition mondiale vers des technologies zéro émission de gaz. Cette façon de procéder est rationnelle car les pays en développement peuvent généralement capter plus d’énergie solaire que les pays occidentaux, et plus ils utiliseront d’énergie solaire au lieu du pétrole ou du charbon, mieux ce sera pour lutter sur le long terme contre le réchauffement climatique. Dans les pays en développement, il y a même de nos jours des millions de localités, de villages, de hameaux qui ne sont pas reliés à un réseau de distribution d’électricité : plus de deux milliards de gens n’ont pas l’électricité. Pour eux il faudrait de l’énergie solaire plutôt que des réseaux de distribution d’électricité classiques qui produisent du carbone.
On fait aussi des progrès avec le moteur à hydrogène qui jouera un rôle majeur dans le secteur des transports. Vers 2010 on verra circuler sur les routes des véhicules fonctionnant avec une pile à combustion ou des batteries. Cela devrait réduire considérablement les émissions de carbone dans ce secteur. Mais bon nombre de ces technologies ne parviendront pas jusqu’aux pays en développement si l’on ne tient pas compte de leurs besoins particuliers. Actuellement il y a environ 4 millions de véhicules en Inde. On en compterait 500 millions si le pays avait le même pourcentage de véhicules par habitant que les Etats-Unis. Dans quelques dizaines d’années, il y aura certainement plus de 100 millions de scooters dans ce pays. Les scooters représentent déjà aujourd’hui 70 pour cent du total des véhicules. Ailleurs en Asie, à Bangkok, à Taipei, on est aussi envahi par les scooters. Or les entreprises ne s’intéressent guère au développement de scooters fonctionnant à l’électricité ou à la pile à combustion. Ils oublient tout simplement d’investir dans des technologies accessibles aux pauvres.
Il est clair que les grands changements du XXIème siècle ne porteront pas seulement sur la nature des choses que le monde produira mais aussi sur la façon dont les choses se feront. Pour opérer ces mutations, il faudra pouvoir compter sur des leaders qui acceptent de mettre en place un système de gouvernance décentralisé pour la gestion des ressources naturelles. Ce système devra veiller au respect du principe d’équité en attribuant des droits appropriés aux populations concernées ; il devra favoriser des technologies plus autonomes qui donnent à la fois plus de liberté et plus de responsabilité aux ménages et aux communautés. La transition ne se fera pas nécessairement sous l’égide des pouvoirs politiques ou des industriels. L’impulsion peut venir aussi de la société civile mondiale. Mais pour cela il faudra entreprendre de gros efforts d’information et de formation pour que, de par le monde, les citoyens prennent conscience de leurs responsabilités et militent pour la justice sociale et le développement durable. Le Mahatma Gandhi est souvent considéré comme un apôtre des pauvres. Mais son message d’attention et de partage sera encore plus pertinent dans un monde prospère. L’esprit de Gandhi s’impose dans l’aisance et la richesse encore plus que dans la pauvreté.
changement climatique, pays en développement, énergie renouvelable, politique de l’énergie
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Texte traduit en français par Gildas Le Bihan et publié dans la revue Notre Terre n°8 - mars 2002
Texte d’origine en anglais publié dans le livre : AGARWAL Anil, NARAIN Sunita, Global Environmental Negociations 2- Poles Apart. Center for Science and Environment, 2001 (INDE), p.7-8, n° bleu 3556
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