Le coopérant, missionnaire ou médiateur ?

"Ils n’ont rien demandé à personne, écrit François Greslou ; "ils", ce sont les paysans andins avec et pour qui j’ai travaillé (...). En 1971, avec une valise pleine d’idées nobles et généreuses, et un diplôme d’agronome, je suis parti au Pérou pour transmettre mon savoir et aider ces populations montagnardes à sortir de la misère. Ces idées, qui aujourd’hui nous paraissent simplistes, naïves, voire un peu ridicules ont été rapidement bousculées et remises en cause. D’autres, de nouvelles, se sont succédé, et, pas plus que les premières, elles n’ont résisté (...)Malgré nos efforts pour imaginer et transmettre des propositions, des démarches toujours mieux adaptées, toujours plus participatives, force est de constater que nos "bénéficiaires", après nous avoir gentiment accueillis et écoutés, continuaient, une fois que nous avions le dos tourné, à faire comme avant".

La coopération est un dialogue difficile fait de malentendus entre cultures et d’équivoques sur les buts à poursuivre. Pour l’auteur, si le coopérant a encore une place dans la développement, c’est essentiellement dans le domaine de l’appui aux organisations rurales et dans la revalorisation des savoirs paysans.

Pour cela, il lui faut commencer par écouter et non pas par parler. Après quelques échecs et de nombreuses déceptions, François Greslou commence avec quelques collègues péruviens un travail de recueil des savoirs agricoles des paysans quechuas. Une entreprise novatrice qui lui ouvrira trois portes. La première est celle de la connaissance de l’homme andin et de sa dignité, offerte par le respect de son savoir et l’offre qui lui est faite d’une possibilité de le transmettre. Cette prise de conscience mettra en évidence la brutalité habituelle des développeurs - même pétris de bonnes intentions - et leur mépris refoulé envers les bénéficiaires supposés de leurs actions. La deuxième porte est celle des pratiques paysannes, des savoirs en eux-mêmes, de la logique technique qui unit le paysan et son milieu naturel. La troisième porte est celle de leur conception du monde, de leur rapport au vivant et au cosmos, de leur conception du développement.

Trois espaces de découverte étroitement imbriqués, qui remettront en cause bien des présupposés du développement et bien des simplismes sur la satisfaction des nécessités, le soit-disant universalisme de certaines valeurs occidentales ou la légitimité de la coopération internationale. Il faut coopérer en permettant à chacun de vivre sa différence. Est-ce une utopie ou cela ouvre-t-il la voie à de nouveaux échanges de connaissances et des relations plus horizontales ?