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Notes de voyage en Grèce

Maria Teresa COBELLI

05 / 1993

A partir des nombreuses rencontres avec des représentants d’institutions publiques et privées, ainsi qu’avec des individus (sociologues, journalistes, militants, etc.)que j’ai eues au cours d’un séjour de deux semaines en Grèce, je tiens à faire part de quelques considérations que j’ai pu faire à l’issue de ce voyage. Je souligne,cependant,que ce ne sont que des flash, des éléments pour un débat, qui en aucun cas ne peuvent être considérés comme des conclusions.

L’objectif principal du voyage était l’identification d’initiatives économiques de lutte contre l’exclusion sociale ainsi que des dispositifs d’appui-accompagnement de nature à favoriser l’essor de ces initiatives.Invariablement, dès que j’avais fini d’exposer les raisons de mon voyage, on me répondait:"Vous ne trouverez pas ici ce que vous cherchez". Et c’était en partie vrai.

La plupart des structures qui nous avaient été signalées comme étant engagées dans l’appui aux publics défavorisés, en effet, déploient leurs efforts dans des actions à forte connotation sociale, souvent marquées par une approche d’assistance , mais rarement elles réussissent à impulser la naissance d’initiatives à caractère économique, capables de permettre aux "assistés" de se rendre autonomes, aux "bénéficiaires" de s’auto-organiser, en un mot des initiatives d’auto-développement. On a alors décidé de demander à des collaborateurs grecs de poursuivre la recherche d’initiatives de ce genre hors des circuits classiques des associations ou projets d’appui .La recherche est en cours.

Il est à remarquer que les quelques initiatives économiques qu’il a été possible d’identifier sont presque toutes initiées par des femmes (voir,par exemple,les fiches sur les expériences de tourisme rural de Arachova et Ambelakia et sur la coopérative "Tessera").

L’autre remarque qui s’impose à un visiteur qui s’intéresse aux mouvements associatifs, aux structures organisationnelles de la société civile, c’est qu’il y a (ou il semble y avoir)très peu de formes d’auto-organisation en dehors des schémas classiques, c’est à dire des partis,des syndicats ,qui ,par ailleurs, ressentent aussi de la crise qui affecte toutes les formes traditionnelles de représentation sociale dans les pays occidentaux. Quant aux coopératives,si elles continuent de constituer une réalité agissante dans le secteur agricole, elles ont perdu d’importance dans les autres secteur (voir les fiches IRED "Some historical notes on the Greek cooperative movement").

Le phénomène du volontariat paraît très peu répandu ici et les quelques organisations qui se proposent de le promouvoir butent contre pas mal de difficultés.

Les explications qui ont été données du phénomène sont de différents ordres:

- en Grèce, la famille et son réseau étendu, tout comme les réseaux informels, ont toujours joué un rôle très important de protection sociale, en lieu et place de l’Etat providence et des réseaux formels. Malheureusement, face à la crise actuelle, la famille a de plus en plus de mal à assurer ce rôle et les réseaux de solidarité traditionnels se relâchent.La nécessité se fait alors ressentir de de penser à la création de nouvelles formes d’organisation, à la hauteur des nouveaux défis auxquels la société se trouve confrontée;

- on donne également des raisons qui se situent sur le plan culturel, religieux et idéologique. La culture grecque, en effet, est fortement marquée par la religion orthodoxe,absolument majoritaire dans le pays, qui se caractérise par une éthique ascétique, contemplative qui a peu ou pas d’influence sur le comportement social des croyants.A ce sujet, des interlocuteurs grecs qui connaissent bien les pays d’Europe du Sud ont affirmé que si en Italie, en Espagne et au Portugal le mouvement associatif et le volontariat sont très développés, cela est dû en bonne partie à l’influence de l’Eglise catholique , pour laquelle la croyance en Dieu doit se traduire aussi en engagement social sur cette terre. "Ora et labora" est la devise qui depuis des siècles inspire l’éducation de générations de catholiques, la paroisse étant un lieu où depuis l’enfance on se forme (ou, du moins dans le passé, on se formait)à une vision communautaire et solidaire de la vie.Par contre, chez les orthodoxes la devise est simplement "Ora" et la relation avec l’église ou le clergé se limite aux moments du rite.

Une bonne école d’organisation sur le front laïque était constituée, m’a-t-on dit, par le parti communiste. Mais la crise qui a investi la gauche fait ressentir ses conséquences même à ce niveau.

Par ailleurs, si le parti communiste s’est constitué en 1922, il n’avait pas été précédé en Grèce par la longue tradition socialiste qui avait caractérisé d’autres pays, avec tout ce qu’elle a pu avoir comme influence sur la naissance d’organisations d’auto-défense et d’auto-organisation;

- l’absence d’une politique incitative de la part de l’Etat est sans doute aussi un élément déterminant. En effet, il n’existe presque pas de subsides pour le "social privé", alors que par exemple en Italie la loi 381/91 constitue un des facteur qui sont à l’origine de la forte expansion que connaissent les coopératives sociales. Par contre, en matière de petite entreprise la pression juridique ou fiscale est en Grèce moins lourde qu’ailleurs, ce qui fait qu’il existe des milliers de micro-entreprises, dont 90% sont à caractère familial;

- on nous fait remarquer également que les Grecs sont depuis toujours des " voyageurs"; de ce fait, s’ils ont des problèmes ils s’en vont chercher fortune ailleurs, et à partir de la nouvelle situation ils jouent la solidarité avec ceux qui sont restés;

- enfin, bien que les Grecs soient en général polyglottes, ils ne semblent pas avoir facilement accès à l’information sur ce qui se passe dans les autres pays d’Europe,à moins que ce ne soit dans le cadre des projets de la CCE, qui cependant constituent un philtre bien précis et ne favorisent pas nécessairement l’accès à une information sur ce qui se passe hors des circuits formels, et donc par exemple dans le monde de l’économie alternative et solidaire. C’est pourquoi la plupart des interlocuteurs rencontrés étaient fortement intéressés à connaître et à entrer en contact avec des réseaux capables de faire circuler l’information utile à l’action.

Mots-clés

accès à l’information, milieu urbain, sociologie, développement culturel, modèle culturel, religion, évolution culturelle et changement social, éducation et changement social, famille


, Grèce

Notes

Ces notes ont été rédigées suite au voyage que M.T.Cobelli a fait en Grèce en janvier 1993, dans le cadre de la recherche-action de l’IRED sur le thème "Lutte contre l’exclusion par l’initiative économique".

Source

Entretien

COBELLI, Maria Teresa, IRED NORD

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