10 / 1996
L’étude du projet d’agroindustrie rurale à Totonicapán présente un intérêt tout particulier pour son apport à la problématique femme/agro-industrie rurale (1). Le projet fut mené de 1991 à 1993, par l’équipe agro-industrie rurale de l’INCAP (2).
Le département de Totonicapán est considéré commeune zone prioritaire du Guatemala en raison de sa mauvaise situation nutritionnelle. Le projet commença en juillet 1991 avec la réalisation d’un diagnostic qui permit d’identifier les groupes de femmes et un partenaire local, l’ONG "Coopération pour le Développement Rural de l’Occidente " (CDRO). L’étape suivante fut la réalisation de l’étude de faisablilité technico-économique pour la création d’une unité de déshydratation de pommes avec deux groupes de femmes de communautés indigènes du groupe ethnique maya-quiché. L’étude comportait les étapes suivantes : une étude de marché, une étude de disponibilité de matières premières, une étude technologique et une étude financière. En 1992, CDRO approuva le financement proposé, dont une partie en donation et l’autre sous forme de crédit, pour la construction de la petite unité de séchage de fruits et pour sa mise en route.
Après une période de formation et d’assistance technique, l’unité fut construite dans le village de Xolsacmalja. Elle commença à fonctionner durant la période de récolte des pommes de l’année 1993, avec des résultats plutôt encourageants. La force du projet résidait dans l’organisation même du groupe de femmes, fortement liée à la philosophie de CDRO qui cherche à appuyer le développement économique sans détruire la culture communautaire de cette ethnie d’origine maya. Les femmes entrèrent volontairement dans ce processus d’apprentissage dans le but d’acquérir une plus grande autonomie à long terme. Bien qu’il s’agisse d’un processus lent, on peut déjà voir quelques résultats, comme un plus grand dynamisme du groupe et la disparition de leur peur de prendre des responsabilités.
Le projet a bien sûr permis aux femmes qui travaillent directement dans l’unité d’obtenir un salaire et donc d’augmenter leurs revenus de façon substantielle. Cependant leur motivation principale semble être davantage l’acquisition de nouvelles responsabilités et expériences, en particulier pour les femmes célibataires et les plus jeunes. La perspective de recevoir une formation pratique technologique et administrative joua un rôle important dans la décision des femmes de s’approprier la gestion de leur entreprise.
La localisation de l’unité dans le village-même facilite l’approvisionnement en matières premières et permet aux femmes de venir travailler à pied, car les distances sont courtes. D’un point de vue technique, le groupe a bien intégré le processus de déshydratation et travaille maintenant sans assistance technique particulière, malgré les difficultés qu’elle a dû surmonter. De plus, il a réussi à augmenter sa productivité ainsi qu’à diversifier sa production avec des fruits tropicaux tels que la mangue et la papaye. Un autre point fort est le développement du marché pour les produits déshydratés. Le projet a démontré qu’il existait une demande pour les fruits déshydratés au niveau national et CDRO est même en pourparlers avec une organisation allemande pour exporter les produits en Allemagne.
Malgré des difficultés, l’enthousiasme montré par les femmes pourrésoudre les petits problèmes techniques courants constitue un signe d’appropriation réelle du projet par le groupe. Cependant, le processus d’apprentissage et de maîtrise technique et économique est très lent, et les bénéfices les plusimportants n’apparaîtront que dans le moyen ou long terme. L’esprit d’entreprise est encore loin d’être intégré dans la vision de ces femmes. En particulier, les concepts de productivité, qualité et rentabilité ne sont pas encore très bien compris, ainsi que la gestion de l’argent à long terme (crédits, intérêts, inflation).
Cette nouvelle ouverture au monde de la production et aux règles de l’économie de marché ne peut pas se faire du jour au lendemain. La philosophie développéepar CDRO privilégie le long terme, en accord avec la vision maya de la vie et du monde. Le groupe de femmes, dans son ensemble, doit acquérir les attitudes qui lui permettront de préserver son autonomie face au monde extérieur et d’augmenter son pouvoir de négociation.
apprentissage, innovation, femme, assistance technique, développement local, fruit, logique d’entreprise, formation professionnelle, changement culturel, vulgarisation agricole, gestion d’entreprise, association de producteurs, autogestion, petite et moyenne entreprise
, Guatemala
Cet exemple nous montre bien quels sont les enjeux, mais aussi les difficultés rencontrées si l’on veut intégrer les femmes au développement de l’agro-industrie rurale. Mais cela est indispensable pour assurer un développement égalitaire et durable dans les campagnes. Les femmes sont les garantes principales du bien-être et de l’alimentation des familles, comme l’ont démontré plusieurs études (Nieves, 1986)et l’augmentation des revenus mis à leur disposition est donc fondamentale.
(1)Etude conduite par F. Tartanac dans le cadre de sa thèse sur le thème "Agroindustrie rurale AIRen Amérique Latine : dynamique de l’innovation et développement local. Impact socio-économique de huit projets".
(2)INCAP= Institut de Nutrition d’Amérique Centrale et Panamá, Calzada Rossevelt Zona 11. Apartado postal 1188. GUATEMALA/Tel (502)2-72 37 62/Fax (502)2-73 65 29
Texte original ; Document interne
TARTANAC,Florence; RACANCOJ, Miguel Angel; DE LEON, Leonardo; PORCHERON, Céline, Desarrollo de una agroindustria rural feminina en la región de Totonicapán, Guatemala, INCAPREDAR (Guatemala); Lire également : <PORCHERON, Céline>. 1993. Appui à la mise en route d'une petite unité de déshydratation de pommesgérée par un groupe de femmes quichées dans la commune de Totonicapán, au Guatemala. CNEARC/ESAT/TAA/INCAP.52 p. Mémoire d'Ingénieur en agronomie tropicale, spécialisation Technologie agroalimentaire.
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