Le Gouvernement indien s’apprête à lancer une offensive paramilitaire majeure dans le Centre de l’Inde, peuplé principalement de tribus et de basses castes, contre la guérilla naxalite ou maoïste très active dans ces régions.
L’Opération « Green Hunt » fait l’objet de vives critiques de la part des défenseurs des droits de l’Homme en Inde et des organisations de la société civile. Ils dénoncent une opération destinée à faciliter l’appropriation des terres, sur lesquelles vivent principalement des populations défavorisées, par les multinationales exploitant les matières premières dont regorgent les sols de ces régions.
Le naxalisme, avatar indien du maoïsme
L’appellation et le mouvement naxalites sont nés avec la première insurrection de type maoïste qui, en 1967, a pris la forme d’une révolte paysanne contre les propriétaires terriens du village de Naxalbari, au Bengale Occidental. Ce mouvement, réprimé par l’État dans les années 70 avec notamment l’arrestation et la mort du leader charismatique Mazumdar, s’est par la suite scindé en plusieurs factions qui l’ont affaibli.
Mais la création, en septembre 2004, du Communist Party of India (Maoist) ou CPI(M), interdit en Inde, par fusion de deux groupes naxalites parmi les plus importants, le Peoples War Group, actif en Andhra Pradesh, et le Maoist Communist Centre, présent surtout au Jharkhand, a marqué le renouveau du mouvement et l’intensification de la confrontation armée avec l’État indien. On estime que le nombre de maoïstes indiens s’élève aujourd’hui à environ 20,000 combattants armés (chiffre qui a doublé en 5 ans) sans compter les 40,000 « cadres » permanents. Ces chiffres sont à comparer avec les quelques 3,000 militants insurgés armés du Jammu Cachemire, au plus fort de leur mouvement.
Les naxalites sont désormais actifs dans 231 des 626 districts de l’Inde (contre 56 districts en 2001), soit sur plus d’un tiers du territoire indien, des frontières himalayennes au Karnataka en passant par les États du Jharkhand, de l’Orissa, du Chhattisgarh, du Maharashtra, du Bengale occidental et de l’Andhra Pradesh, ce qui leur assure une très grande mobilité. Cette situation inédite a conduit le Premier Ministre indien Manmohan Singh à affirmer à de multiples reprises depuis 2006 que « le naxalisme représente la menace la plus grave à la sécurité intérieure de l’Inde ».
Au cours de son histoire et de ses scissions idéologiques ou de personnes, la guérilla naxalite a pratiqué différentes formes de lutte. Ces dernières années, le CPI(M) a privilégié la lutte armée, l’assassinat politique, l’enlèvement et l’exécution de personnes, mais aussi les attaques de lieux symboliques ou d’institutions gouvernementales tels que les postes de police, les gares, les train, les prisons ou encore le boycott de produits.
Cette lutte s’accompagne également, dans les régions où les naxalites parviennent à s’implanter durablement, de mesures politiques, sociales et économiques visant à restaurer une certaine forme de bonne gouvernance là où l’État se distingue par son absence ou sa corruption. La défense de l’accès à la terre et aux produits de la forêt est au cœur de leur stratégie. Ils ont ainsi contraint le Gouvernement à offrir un prix décent aux tribus pour la vente des feuilles de tendu, récoltées dans la forêt et utilisées pour la fabrication des petites cigarettes bidis. Leur intervention a également permis d’imposer un salaire minimum pour les travailleurs du bambou, de rendre aux intouchables leurs droits sur la pêche, de lutter contre les pratiques usurières, etc. (1)
Des régions tribales exploitées
Historiquement, le naxalisme s’est développé en Inde partout où les droits fondamentaux des populations étaient bafoués au profit des intérêts des grands propriétaires terriens, du grand capital et des multinationales soutenus par l’État indien.
Dans cette stratégie, les régions tribales constituent un terrain particulièrement fertile. Réparties sur les États du centre de l’Inde, ces régions forestières sont extrêmement riches en matières premières (minerai de fer, charbon, bauxite, uranium pour n’en citer que quelques unes) qui constituent pour l’industrie en pleine expansion une manne financière colossale, face à laquelle le sort des tribus ne pèse guère.
En Inde, les populations tribales ou adivasi, qui représentent 8,2% de la population soit 84 millions d’individus, ont toujours été considérées de fait comme des citoyens de seconde zone dont les droits, qui existent en théorie, ne sont guère appliqués. Ainsi, la loi sur la forêt et les tribus (Scheduled Tribes and Other Traditional Forest Dwellers - Recognition of Forest Rights) de 2006 accorde 2,5 hectares de terres à chaque famille tribale. Elle défend leurs droits par rapport aux forêts, à ses produits et à la propriété de leurs terres. Mais elle n’a toujours pas été ratifiée dans les États du Jharkhand, du Chhattisgarh et du Madhya Pradesh où la population tribale est majoritaire ou très importante. Et pour cause, ce sont bien ces richesses que la classe politico-économique dominante a pour dessein de leur ravir.
Ainsi dans les districts de Bastar et de Dantewada (Chhattisgarh) où la guérilla naxalite est fortement implantée, de nombreuses entreprises indiennes ou étrangères (Tata, Essar, Vedanta, National Mineral Development Corporation) exploitent les matières premières avec des effets dévastateurs sur les conditions de vie des populations déplacées et sur l’environnement (2).
La nouvelle législation sur les « zones économiques spéciales » de 2005, qui vise à établir des zones industrielles privées sur des milliers d’hectares, concerne également les régions tribales où des centaines de partenariats public-privé ont été conclus entre l’État et des entreprises pour implanter des industries bénéficiant d’avantages économiques et fiscaux. Ces zones ont été clairement identifiées comme objectifs de conquête par les naxalites dans leur circulaire du 12 juin 2009.
Malgré un ensemble de textes de loi destinés à améliorer et protéger les conditions de vie des adivasi, les régions tribales n’ont en réalité jamais fait l’objet de l’attention des pouvoirs publics indiens et restent gangrénées par la corruption et la violence de l’État. Ce dernier ne s’intéresse à ces territoires qu’en termes d’exploitation de leurs richesses naturelles et non de développement social, économique et culturel des populations locales dont la situation s’avère être l’une des plus catastrophiques de l’Inde : pauvreté extrême touchant plus de la moitié de la population tribale, malnutrition sévère (3), notamment chez les enfants, absence totale de structures sanitaires, éducatives et d’infrastructures de base (électricité, eau, routes).
Dans un tel contexte, le naxalisme apparaît fondamentalement comme un symptôme, la manifestation d’un malaise profond et ancien sur lequel la guérilla maoïste a fondé son action.
La réponse sécuritaire de l’Etat indien
Dès son émergence à la fin des années soixante, la guérilla maoïste a été traitée par l’Etat indien uniquement comme un problème d’ordre public qu’il s’agit de réprimer par les forces de l’ordre.
Plus récemment, en juin 2005, face à la recrudescence des actions naxalites au Chhattisgarh, un mouvement « contre-révolutionnaire » a vu le jour, présenté comme spontané mais ayant largement été récupéré et appuyé par le Gouvernement du Chhattisgarh. Au nom de Salwa Judum (« mouvement pour la paix » ou « de purification » en langue locale Gondi), cinq mille personnes ont été armées par l’Etat, formées au maniement des armes et promues au statut d’« officier de police spécial » (Special Police Officer). Cette force paramilitaire composée de villageois, parfois mineurs (4), ayant pour mission de lutter eux-mêmes contre les naxalites a donc été utilisée comme un instrument de la politique gouvernementale.
Après des années de déni, le Gouvernement a fini par admettre que Salwa Judum était un échec et en avril 2008, la Cour Suprême a demandé à l’État de retirer son soutien à cette campagne considérant qu’il était illégal d’armer de simples citoyens.
Le rapport d’enquête sur le Chhattisgarh de la Commission nationale des Droits de l’Homme relève lui-même que les forces de sécurité ont été impliquées dans des « assassinats, enlèvements, viols, incendies criminels » et exécutions extra-judiciaires. Environ 1,000 personnes auraient été tuées alors que l’État de droit a été entièrement démantelé, les forces paramilitaires bénéficiant d’une totale impunité.
Les habitants sont encore une fois les victimes principales de cette tragédie : pris entre les tirs croisés des deux belligérants, accusés de trahison par les maoïstes d’un côté et de complicité avec les naxalites par le Gouvernement de l’autre, ils n’ont eu d’autre choix que de fuir leurs villages. Dans le district de Bastar, environ 200.000 adivasi se sont retrouvés sans toit suite à la mise en œuvre de Salwa Judum (5). Sur 350.000 adivasi déplacés, environ 70.000 se sont entassés dans l’un des 17 camps gouvernementaux, vivant sous la menace constante des attaques maoïstes qui n’hésitent pas à tuer ces déplacés « traîtres » (comme en juillet 2006 où les naxalites ont attaqué le camp d’Errabore, tuant 33 personnes et incendiant les maisons) tandis que les autres se sont enfoncés davantage dans la jungle ou se sont réfugiés dans les États mitoyens (6).
Ainsi le Gouvernement indien a-t-il choisi d’organiser de vastes déplacements de population afin de priver les maoïstes de leur soutien local plutôt que de protéger les habitants dans leurs propres villages, de garantir le respect de leurs droits fondamentaux et de leur apporter les infrastructures de base dont l’absence cruelle est en dernière analyse au cœur du « problème » naxalite.
L’Opération « Green Hunt » : un pas de plus vers la confrontation totale
La nouvelle stratégie du gouvernement sous la forme de l’opération « Green Hunt » (« chasse verte ») est officiellement conçue en deux temps : tout d’abord des attaques massives et localisées des forces paramilitaires pour « éliminer » les maoïstes, ensuite, la mise en œuvre de plans de développement socio-économiques.
La plupart des analystes, qu’ils soient militaires (7), politiques ou sociaux, prévoient un échec total de cette opération, qui risque de n’avoir pour effet que d’aliéner davantage la population.
Les termes utilisés pour baptiser les opérations et forces spéciales (« chasse verte », « cobras », « meute grise », « jaguar ») témoignent d’emblée d’une conception de l’État comme agresseur, partant à l’assaut de ses propres citoyens. La mobilisation massive de forces paramilitaires (on prévoit le déploiement de 75.000 hommes) s’inscrit dans une logique de confrontation voire de destruction totales qui augure des pires déchaînements de violence : car comment différencier un militant maoïste d’un villageois défendant comme il peut ses moyens de subsistance ou même sa vie dans un tel chaos ?
D’ores et déjà l’opération qui a commencé en septembre 2009 au Chhattisgarh avec l’intervention des commandos CRPF (Central Reserve Police Force) et CoBRA (Commando Battalion for Resolute Action) a vu son lot de massacres. Une enquête de 15 militants d’ONG a apporté les preuves de l’assassinat de 16 villageois, parmi lesquels des vieillards, femmes âgées, enfants, dans des conditions le plus souvent atroces.
Parallèlement à l’offensive paramilitaire, le Gouvernement lance une campagne de dénonciation des naxalites afin de gagner le soutien de l’opinion publique notamment en publiant dans la presse régionale et nationale une « publicité » montrant des cadavres de personnes soi-disant tuées par les naxalites avec la légende suivante : « Les naxalites ne sont rien d’autre que des assassins de sang-froid ». Ce raccourci dramatique, ne mentionnant d’ailleurs pas les atrocités commises par les forces de l’ordre, témoigne du décalage manifeste entre le discours politique, cherchant à apaiser les critiques de militants des droits de l’homme en affirmant la volonté de développer les régions tribales, et l’objectif réel d’en finir militairement avec les « naxalites », sans véritablement faire de différence entre les populations locales et les groupes de guérilleros qui sèment aussi la terreur.
Pourquoi un tel déploiement de force inédit qui semble disproportionné quand on sait que le bilan des attaques maoïstes est évalué officiellement à 2.600 personnes tuées depuis 2006 (8) (à comparer avec les 2.000 musulmans massacrés par des fondamentalistes hindous au Gujarat, avec le soutien du Ministre en Chef Narendra Modi, toujours au pouvoir) ? Il ne semble en effet pas que les maoïstes constituent une menace directe pour le Gouvernement de Delhi, malgré leur objectif de prise du pouvoir politique au plus haut niveau. Ce serait oublier que leur action et le soutien partiel de la population locale constituent avant tout un obstacle sérieux aux intérêts économiques, et donc politiques, qui se déploient dans ces régions les plus pauvres de l’Inde mais regorgeant de richesses naturelles.
Cette opération, plus qu’une entreprise de sécurité nationale proprement dite, s’inscrit davantage dans la politique économique néolibérale débridée qui exploite l’Inde et ses ressources naturelles et humaines sans préoccupation de démocratie ou de respect des droits fondamentaux. La corruption du système politico-économique a ainsi partie liée avec une vision réductrice du « développement » économique censé propulser l’Inde au niveau des grandes puissances économiques et politiques de demain.
La société civile malmenée
La « question naxalite » reflète le mépris que la majorité de la population indienne, et particulièrement des classes sociales élevées et occidentalisées, voue aux populations tribales, premières habitantes du territoire, considérées comme primitives et condamnées à l’extinction, sur le modèle de la plupart des pays dits « développés » (9). Leur sort importe seulement à quelques humanistes et militants des droits de l’Homme pour qui le développement signifie avant tout le respect et la dignité de chaque être humain dont l’État démocratique a pour devoir d’assurer les conditions d’une existence décente et libre. Ce qui est loin d’être le cas en Inde malgré sa prétention à être « la plus grande démocratie du monde ».
La mobilisation actuelle de la société civile et de la presse éclairée contre la gestion de la guérilla naxalite est certes forte et salvatrice, mais la bataille, inégale, sera difficile à gagner. Sur le terrain déjà, les militants et défenseurs des droits de l’Homme sont systématiquement intimidés, arrêtés, emprisonnés, battus, voire tués. Deux personnages symboles de la résistance active contre l’oppression de l’État et la violence des maoïstes illustrent cette situation tragique : Binayak SEN et Himanshu KUMAR (10).
Le Docteur Binayak Sen, médecin pédiatre, est vice-président de l’organisation de défense des droits de l’Homme People’s Union for Civil Liberties (Union populaire pour les Libertés publiques, PUCL). Il est connu notamment pour son engagement en faveur des populations tribales du Chhattisgarh auxquelles il dispensait des soins. Il a également créé l’ONG Rupantar qui organise des réseaux de travailleurs de santé communautaires.
B. Sen a également participé à des enquêtes sur les atteintes aux droits de l’Homme commises dans le cadre de Salwa Judum. Bien qu’il se soit toujours fait l’avocat de la non-violence et du dialogue entre les naxalites et le Gouvernement, il a été emprisonné le 13 mai 2007, détenu sans inculpation pendant 7 mois, accusé d’avoir transmis des informations sensibles aux prisonniers maoïstes qu’il soignait dans les prisons. Il n’a été libéré sous caution par la Cour Suprême que le 25 mai 2009 en raison de la dégradation de sa santé, après deux années d’emprisonnement illégal, sans qu’aucune preuve des accusations portées contre lui n’aient jamais pu être fournie. La pression internationale des médias et des ONG a peut-être aussi joué en faveur de sa libération.
Autre figure emblématique, Himanshu Kumar est un « activiste » social engagé, fidèle aux idéaux du gandhisme. Il travaille avec les populations tribales pauvres de Dantewada et Bijapur au Chhattisgarh. En 1992 Himanshu et son épouse ont établi le « Vanvasi Chetna Ashram » (VCA), une organisation qui vise à améliorer la situation des pauvres à travers la santé, l’éducation, la prise de conscience de leurs droits ou la gestion des ressources naturelles. A partir du lancement de Salwa Judum en 2005, VCA a été la cible autant des naxalites que de l’Etat. Himanshu et son équipe ont commencé à rassembler des témoignages sur les violations des droits de l’Homme et à fournir une aide légale aux victimes de tortures, attaques et déplacements dans le cadre de Salwa Judum. La police a fait détruire au bulldozer les locaux de son ashram le 17 mai 2009 sous le prétexte fallacieux d’occupation illégale du terrain.
Ces attaques répétées contre les défenseurs des droits de l’Homme et les acteurs sociaux travaillant sur le terrain vont à l’encontre d’une résolution pacifique du conflit entre les populations locales et les forces politico-économiques dominantes. Celle-là ne passe certainement pas par une offensive armée de grande envergure qui ne saurait que renforcer la misère économique et humaine de populations qui ont subi des décennies voire des siècles de privations et de discriminations.
Publié en 2008, le rapport sur le naxalisme du très respecté Comité d’experts (11) nommé par la Commission au Plan souligne que face à l’échec de la solution militaire et paramilitaire il s’agit avant tout de répondre au malaise socio-économique engendré par la non-application des droits constitutionnels des plus pauvres et des plus défavorisés. Se démarquant de la vision purement sécuritaire du Gouvernement, il identifie les conditions socio-économiques et la question agraire comme centrales et recommande l’application des différentes lois protégeant les populations tribales et les basses castes : la Panchayat (Extension to Scheduled Areas) Act de 1996 qui reconnaît aux adivasi le droit de décider de l’usage de leurs terres, la Loi de Garantie de l’Emploi rural de 2005 qui accorde 100 jours de travail par famille rurale et par an et la Scheduled Tribes and Other Traditional Forest Dwellers (Recognition of Forest Rights) Act de 2006.
La lutte contre la corruption et l’investissement dans les infrastructures de base sont aussi des conditions sine qua non du retour de la paix civile dans ces régions au cœur de la tourmente… devrait-on dire maoïste ou néolibérale ?
politique de développement, droits des minorités, violation des droits humains, droits humains
, Inde
Pour plus d’informations :
Cédric GOUVERNEUR, « En Inde, expansion de la guérilla naxalite », le Monde diplomatique, décembre 2007
Dossier “Maoist Challenge”, Frontline, Volume 26 - Issue 22, Oct. 24-Nov. 06, 2009
Shoma CHAUDHURY, « Weapon of mass desperation », Tehelka, 3 Octobre 2009
Himanshu KUMAR, entretien avec l’Association for India’s Development (AID)
Arundhati ROY, « The heart of India is under attack », The Guardian, 30 octobre 2009
Arundhati ROY, « Walking with the comrades », Outlook India, 29 mars 2010
Lire également:
Valérie FERNANDO, En Inde, les droits de l’Homme minés par l’industrie
Texte original
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