Cochabamba-Bolivie 1991 : alors que commençait un vaste processus de capitalisation du Projet d’Irrigation Inter-Vallées (le Priv, du Ministère de l’Agriculture et de la coopération allemande GTZ allemande), tout de suite se posait le dilemme de savoir comment organiser l’immense documentation accumulée pendant 15 ans de travail.
Le projet avait sa bibliothèque regroupant les ouvrages techniques nécessaires à son labeur, lesquels se mélangeaient avec les productions intérieures : rapports, fascicules, études, etc. Au moment de démarrer la capitalisation, la bibliothèque était en pleine restructuration pour essayer de l’organiser et l’informatiser avec le système micro-ISIS de l’UNESCO et la codification AGRINTER de la FAO.
D’entrée les logiques s’affrontèrent. La bibliothèque défendait sa vocation d’offrir des produits finis classifiés par sujets- thèmes afin de favoriser la consultation ponctuelle d’informations techniques ou autres. La capitalisation voulait accueillir toutes sortes de matériels (des lettres, des mémos, des plans, des photos…) et les ordonner de façon à pouvoir suivre et comprendre des évolutions, des processus. L’idée ou conclusion finale y était aussi importante que le chemin parcouru pour y arriver.
Finalement il fallut séparer les deux. D’un côté la bibliothèque. D’un autre côté la documentation pour la capitalisation, la « mémoire centrale » du projet.
Comment structurer celle-ci ? Un travail préalable à Cajamarca-Pérou en 1989 avait confirmé que bien des leçons de l’expérience n’apparaissent clairement qu’à travers les rapprochements inter-thématiques (un peu comme ces « relations …-… » du thésaurus DPH). Comment les favoriser ?
Nous avons choisi de privilégier non pas l’idée en soi mais son trajet. Donc les moments et les acteurs du processus.
Les moments ? La chronologie devint un critère fondamental. Les acteurs ? Il s’agissait de retenir aussi bien l’auteur du document que son destinataire, car ce dernier conditionnait la forme et le contenu de ce que le premier allait produire. Le type de relations entre tous deux s’exprimait dans ce que le bordereau DPH appelle la « nature » du matériel (livre, périodique, rapport…), qui devint le second critère essentiel pour le rangement et la codification.
Tout cela en fonction d’un passage à l’ordinateur et des possibilités de correspondance entre un code de classification bibliographique et les huit signes d’un fichier informatique.
Que mettre d’abord ? La date ou la « nature » du document ? Pour des raisons pratiques, la « nature » primait dans le rangement topographique au sein du local. A l’ordinateur, il était facile de jouer et d’utiliser parfois l’un, parfois l’autre.
Il restait à faire le repérage thématique par mots-clefs. Nous n’avons jamais eu le temps de le réaliser… et il ne nous a pas fait défaut. En fait la vision historique d’ensemble aidait à percevoir très vite où pouvaient se trouver telle ou telle source car ce sont les moments forts, ceux de conflits, ceux de prise de décision, qui amenaient à traiter au cours de l’expérience tel ou tel aspect. D’autre part la capitalisation n’étant pas une étude extérieure mais un traitement intérieur, la mémoire individuelle et collective servait de guide principal, les documents venant en renfort ou en contradiction.
Cependant les auteurs de l’expérience eurent énormément de mal à intervenir aussi bien dans l’organisation de la documentation que dans son utilisation. L’abondance était telle que seuls s’y retrouvaient ceux qui l’avaient ordonnée et révisée. Ceux-ci jouaient donc le rôle de fournisseurs d’information en miroir aux perceptions et souvenirs des auteurs de la capitalisation.
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Les formes classiques d’organisation de la documentation se prêtent assez facilement à leur usage pour une « systématisation » : les « tiroirs » correspondent (production, rentabilité, organisation, formation, etc.). Elles sont moins aptes à accueillir un effort de capitalisation dont la clef se cache souvent dans les « vides » entre les tiroirs.
Les critères de chronologie et de sujets-auteurs peuvent être intéressants mais ils ne sont ni exclusifs ni une garantie. En fait c’est toute la question des rapports entre action et capitalisation qui est à poser, donc comment organiser la documentation, dès le début de l’action, en fonction de sa capitalisation, donc comment insérer la capitalisation en tous lieux et en tous moments de l’action et non seulement à sa fin.
C’est peut-être dans une « mémoire centrale » de l’expérience, susceptible d’être redistribuée à tous les acteurs plutôt que de rester en attente d’être « consultée », que l’on pourrait trouver une piste pour mieux relier action et capitalisation.
L’expérience présentée dans cette fiche a surtout été partagée avec SANCHEZ, Loydaà Cochabamba-Bolivie.
Fiche traduite en espagnol : « Capitalización: ¿Cómo organizar la documentación? »
Ce dossier est également disponible sur le site de Pierre de Zutter : p-zutter.net
Version en espagnol du dossier : Historias, saberes y gentes - de la experiencia al conocimiento