Le cas de l’Australie
07 / 1999
Colonisée en 1788 par les Anglais, l’Australie est devenue très vite anglophone, malgré la présence des Aborigènes et l’arrivée quasi-permanente d’immigrés non-anglophones. Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, l’immigration de groupes non-anglophones s’est intensifiée. Ceux-ci n’ont guère d’autres choix que de s’intégrer à la communauté australienne, aucune mesure particulière n’ayant été prise en leur faveur. Mais à partir de 1970, l’amélioration des conditions de vie de ces groupes les entraîne à revendiquer leur égalité avec la communauté anglophone et la reconnaissance de leur culture, de leur religion et de leur langue. Simultanément, l’opinion publique devient plus sensible à ce problème et reconnaît leur contribution active à la vie du pays.
Certains services spécifiques se mettent alors en place : services d’interprétariat, radio puis télévision ethnique. Le gouvernement prend également des mesures en faveur des minorités. A partir de 1980, le multilinguisme est largement accepté. Si l’anglais prédomine, on parle une centaine d’autres langues en provenance de tous les continents (italien, grec moderne, espagnol, turc, coréen, vietnamien, chinois, japonais, arabe…).
A l’assimilationnisme et au monolinguisme se substitue donc le multiculturalisme. C’est l’échec du principe selon lequel il faut éliminer tous les modes de vie autres que le modèle anglo-saxon et toutes les langues autres que l’anglais. Cependant, il ne s’agit pas de créer une nouvelle culture résultant de toutes les cultures qui cohabitent sur le territoire australien. Il faut faire vivre chaque culture.
C’est dans ce contexte que les enseignants australiens se sont résolument engagés dans une politique éducative qui permet de construire cette société multiculturelle. Deux objectifs sont prioritaires : l’apprentissage à la tolérance et l’apprentissage des langues.
Apprentissage à la tolérance
La compréhension d’autrui, le respect des différentes cultures, religions et langues, l’élimination des préjugés et l’éradication du racisme sont une base essentielle à une société multiculturelle. Le racisme ne va pas disparaître facilement et la situation en Australie a grandement besoin de s’améliorer. Les enseignants sont, en effet, inquiets par les attitudes des élèves spécialement face aux immigrés et réfugiés de fraîche date.
L’élimination du racisme suppose la participation de tous les citoyens et l’école est bien placée pour contribuer à ce travail. L’éducation à la tolérance comprend trois étapes :
- encourager la prise de conscience sur la nécessité de lutter contre le racisme
- fournir des informations pour comprendre les mécanismes qui engendrent le racisme
- proposer des stratégies pour éradiquer le racisme.
De nombreux documents pédagogiques sont parus sur ce sujet proposant des méthodes et du matériel d’information. Des ateliers de réflexion et de recherche sont également organisés. Des études présentent des repères pour permettre de comprendre les membres d’autres communautés. Et au cours d’une journée spécifique au milieu scolaire, les élèves sont encouragés à réfléchir sur leur propre culture et sur l’interaction des différentes cultures entre elles.
Apprentissage des langues
L’apprentissage des langues donne également une ouverture très positive sur l’acceptation de la diversité culturelle et facilite la compréhension entre les différentes communautés. Il encourage à réfléchir aux origines et au contexte dans lesquels ces langues se sont développées.
Depuis 1984, plusieurs documents officiels encouragent l’apprentissage des langues. C’est ainsi que la plupart des écoles ont mis en oeuvre des programmes de plus en plus conséquents d’apprentissage des langues en y associant toute la communauté éducative. Un des moyens les plus efficaces d’intégrer une langue étrangère est de l’utiliser pour enseigner certaines autres disciplines. Cette approche place les élèves dans un autre environnement linguistique et structure leur pensée dans la langue étrangère. C’est pourquoi le gouvernement soutient de plus en plus l’éducation bilingue.
Parmi toutes les écoles qui ont mis en place des programmes d’apprentissage de langues, il faut citer l’importante école de langues, Victorian School of Languages, qui enseigne 40 langues dans 30 centres urbains ou ruraux. 13 000 élèves y suivent des cours. Son public généralement d’âge scolaire forme une immense mosaïque multiculturelle. C’est sans doute la plus grande école de langues du monde. Des personnes de toutes origines nationales s’y côtoient. Elles sont souvent issues de pays où règnent de fortes tensions politiques, voire des conflits armés. L’apprentissage des langues leur permet de se rencontrer, de mieux se connaître et d’avoir une autre opinion des conflits qui existent dans leur pays. Ainsi, Serbes et Croates, chrétiens coptes et égyptiens musulmans, élèves de milieux arabisants peuvent nouer des relations autres que celles qu’ont eu leurs parents. L’apprentissage des langues joue un rôle de catalyseur pour rassembler des personnes qui, a priori, auraient eu du mal à s’accepter. Pour les enfants d’immigrés, apprendre et maîtriser leur langue d’origine peut être source d’un meilleur dialogue avec leurs parents et facilite une compréhension réciproque.
Même si de nombreux autres paramètres entrent en compte, l’effort porté sur l’enseignement des langues, au cours de ces dernières années, semble apporter des résultats significatifs pour que l’Australie devienne un pays multilingue et multiculturel.
mother tongue, cross cultural education, racism, prejudice, linguistics
, Australia
Articles and files
CUNNINGHAM, Denis, REDDAN, Fran, Mosaïques australiennes, CIEP in. Revue internationale d’éducation, 1998/03 (France), 17
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