Témoignage du secrétaire général du CNCR
2002
M. Samba GUEYE, secrétaire général du CNCR, dit ceci : " Chaque bailleur essaye de mettre en place des mécanismes à travers lesquels l’appui parvient aux bénéficiaires et finalement chaque bailleur a vraiment sa coopération, son aide et ses propres mécanismes. Tous ont pratiquement la même cible ! C’est une première difficulté que de se retrouver dans cette forêt là ! Et puis l’aide est souvent une chose qui vient de là-haut et qui ne répond pas en totalité aux besoins exprimés à la base. En fait le bailleur, pour telle ou telle raison, supporte telle ou telle politique, telle ou telle orientation ou tel ou tel programme. Par exemple, un bailleur essaye de voir au niveau des bénéficiaires s’il y a des possibilités pour que tels ou tels villages s’engagent dans la lutte contre le SIDA, même si ce n’est pas vraiment la priorité de ces villages-là. La coopération, on la ressent comme quelque chose qui est dans un carcan. Peut-être les agents de l’Aide ont-ils des contraintes qui leurs sont tout à fait personnelles mais on a besoin, au niveau du CNCR, d’avoir un partenaire assez souple, qui comprenne très bien ce qu’il y a à faire ici. Certains bailleurs sont assez proches et supportent le développement institutionnel du CNCR. Ces bailleurs-là ont certainement des reproches à faire à l’institution et ces reproches sont justes ; car autant on demande aux bailleurs de s’adapter, autant, je crois, l’institution doit s’adapter pour permettre aux différents agents de l’Aide de voir clairement ce qu’ils font dans le pays.
Au CNCR, nous travaillons avec les organisations du Nord, multilatérales et bilatérales. Nous avons des relations de partenariat, mais aussi des relations d’échanges. Cela nous permet d’avoir un rayon assez large pour pouvoir discuter avec chacun et mettre en oeuvre un programme cohérent. Il nous arrive de discuter directement avec l’Etat en ce qui concerne l’aide extérieure destinée aux producteurs. Il nous arrive aussi, de temps en temps, de discuter avec les partenaires concernés pour régler les problèmes au niveau de l’aide internationale.
L’exemple le plus concret est celui des relations entre le CNCR, l’Etat sénégalais et la Banque mondiale. La Banque, une grosse institution, accepte plus ou moins d’échanger en matière d’appui au développement. Avec elle on essaye de comprendre davantage les bénéficiaires, de voir comment mobiliser ceux pour lesquels on oeuvre pour le développement : la population. On cherche à donner l’initiative au maximum aux gens. Une des premières difficultés avec la Banque, c’est qu’elle a peut être cette volonté théorique, maintenant, de se mettre au service de la population mais dans ses manières de faire, ses procédures, sa façon d’intervenir, elle ne s’est pas véritablement à cet objectif.
Nos discussions avec la Banque ont surtout porté sur le fait que l’initiative est au niveau des organisations paysannes, que ce sont elles qui savent ce dont elles ont besoin. Ce sont donc elles qui doivent garder la maîtrise de la manière dont on va les appuyer pour résoudre les contraintes auxquelles elles font face. Avec les agents de la Banque, on s’est rendu compte qu’il n’était pas facile de leur faire admettre qu’il y a un décalage entre volonté et procédures. Dans les discussions leurs gens étaient assez ouverts quand il s’agissait d’analyser et de proposer mais quand on en arrivait au moment où il fallait mettre en oeuvre, les moyens nécessaires pour traduire concrètement les propositions acceptées n’étaient pas en place. Et même si ces moyens étaient en place, ils l’étaient dans des procédures telles que finalement on ne pouvait pas les mobiliser comme on aurait voulu. C’est vraiment quelque chose qui est assez ressenti au niveau du CNCR "national".
Au CNCR, il y a une cohérence, il ne faut pas accepter tout et il faut une bonne clarification car mettre tout dans un panier et ne pas savoir comment ventiler ou comment orienter, nous ne le voulons pas. Nous voulons des bases solides pour pouvoir harmoniser et s’accorder sur l’essentiel. Actuellement ce n’est plus comme avant, on arrive à mieux négocier. Parmi les bailleurs de fonds, certains sont favorables à ces actions, ils comprennent qu’il y a des situations similaires au niveau de leur pays, qu’il y a des organisations dynamiques qui veulent avoir leur autonomie, par rapport à l’Etat, par rapport à d’autres acteurs. Par contre d’autres bailleurs disent que l’on est de connivence avec l’Etat, que l’on est des politiciens. Il y a des détracteurs qui disent que notre langage d’avant a trop changé, que nous n’avons plus les comportements du type d’une organisation syndicale pour agir, pour faire pression. Ils nous disent aussi : "Le comportement que vous avez, il faut le changer, il faut faire comme cela". Nous, nous disons que c’est un partenariat que nous mettons en place : "Nous avons notre Etat ; et il y a vous, bailleurs. Si vous acceptez de nous aider dans les formes que nous voulons, tant mieux, sinon vous avez la possibilité de chercher d’autres partenaires pour discuter et aller avec eux". C’est ce que nous disons à chaque instant. Dans une discussion ou dans une négociation, chaque partie lâche du lest pour s’approcher davantage. Parfois nous obligeons un bailleur à changer d’attitude car c’est une table de discussion ou de négociation. "
organização camponesa, agência de fundos, financiamento do desenvolvimento, concertação
, Senegal
Un témoignage intéressant sur les relations entre le CNCR et les bailleurs de fonds. Cette organisation faîtière a acquis suffisamment de poids pour négocier certaines exigences avec la Banque mondiale. Une démarche claire en faveur des bénéficiaires et qui se veut apolitique.
Samba GUEYE est président de la Fédération nationale des GIE (Groupements d’Intérêt Economique) de pêcheurs (FENAGIE-PECHE).
Entretien avec GUEYE Samba, réalisé en 1998 par LECOMTE Benoît
Entrevista
LECOMTE Benoît
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