Baba OUEDRAOGO, Christophe VADON
10 / 1998
Baba Ouedraogo, Président de l’ASSY (Association pour la Survie dans le Sahel au Yatenga) :
" On ne produit plus de coton ici même, il est acheté à Dédougou. Avant on en cultivait, mais c’était l’époque où il pleuvait bien et c’était l’honneur de la femme que d’avoir du coton à filer. L’idée est venue de femmes lors d’une réunion du BIA (Bureau Intermédiaire de l’Association ASSY) qui existe au niveau de leur village. C’était durant la saison sèche en 1995. Le BIA a 7 membres, dont 2 femmes (l’une s’occupe de la trésorerie et l’autre des activités féminines). L’une d’elle a dit : "Avant, il y avait un moulin Naam dans le village, maintenant il est en panne. On n’a pas ce qu’il faut pour réparer. Nous sommes donc obligées d’aller dans un village voisin". Nous avons dit que ce n’est pas notre association, qui est toute petite, qui pourra leur trouver un moulin. Alors une femme a dit : "Filer le coton, c’était notre activité et aujourd’hui on est là les bras croisés." J’ai dit que c’était une bonne idée. C’est de là que nous sommes partis pour contacter les marchands de bandes tissés, etc. pour essayer de faire un petit compte d’exploitation prévisionnel. On a vu qu’elles ne gagneraient pas beaucoup mais que c’était une activité qu’elles aimaient qui leur permettrait aussi de se retrouver, de s’occuper. Alors pourquoi ne pas rechercher un crédit pour commencer cela ? On a étudié cette idée d’abord en se demandant pourquoi cette activité avait tendance à disparaître : est-ce qu’il n’y a plus de demandes ? Ou parce qu’il n’y a plus de coton ? Ou est-ce que ces femmes ne veulent plus le faire ? Etc. Les autres femmes ont envie de le faire vraiment ? On s’est rendu compte que les femmes en voulaient et que cela leur rapporterait un petit bénéfice et enfin que la bande tissée se vendait bien, en particulier vers Bamako où elles sont vendues à des Mauritaniens. Un commerçant nous a expliqué qu’il devait attendre 3 mois pour arriver à faire un camion de 10 tonnes de bandes tissées, alors qu’avant c’était beaucoup plus facile. Il manquait donc de production. 2 ou 3 commerçants nous ont confirmé la chose. Et les commerçants étaient intéressés à ne plus envoyer dans les villages profonds des acheteurs mais d’avoir quelqu’un en face d’eux qui soit capable de leur sortir 10 tonnes par mois.
On ne connaissait pas les conditions du PERSAP. Les allemands qui travaillent dans le PAE sont impliqués dans la commission qui étudie ces crédits et eux nous ont toujours soutenus. C’est le coordinateur de PAE qui nous a parlé de ce fonds juste au moment où nous étions en train de chercher des gens capables de nous aider pour cette opération de fils. C’est donc avec lui qu’on a élaboré une demande. La demande a été signée par la présidente du comité des familles concernées, on a obtenu un avis favorable du PAE sur le dossier; en fait, ils nous ont parrainé, et c’est comme cela que nous avons eu le financement. Finalement c’est le PAE qui a soumis le projet au FAGRA (Fonds des Activités Génératrices de Revenus pour les Agricultrices). Cela a pris environ 7, 8 mois. On a eu un crédit avec le PERSAP (Banque Mondiale) pour aider les femmes à filer. Un crédit de 1.087.000 CFA (10.870 FF) pour 84 femmes. Avec cela, les familles achètent du coton, les femmes filent, les maris tissent. Ce sera vendu sous forme de bandes tissées et à ce moment-là, on pourra rembourser les crédits. C’est chaque femme qui prend du crédit. Elles remboursent et tout le reste est pour elles.
On aurait voulu avoir le fonds en octobre, mais on l’a eu fin décembre. En octobre, le prix du coton est peu élevé mais nous avons été obligés de faire l’achat en janvier où il était plus cher. L’argent est arrivé le 28 décembre 1995. On a payé 750 CFA de plus pour trente kilos. On n’a pas voulu laisser passer une année, et donc on a pensé qu’il y aurait de toute façon quelque chose à gagner. Cette année, en juin 1998, nous aurons déjà remboursé plus de la moitié du prêt !"
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, Burkina Faso, Yatenga
Un exemple de ce que veut dire l’expression clé d’une action de développement (dit autocentré) : "ne pas mettre en avant ses besoins mais réfléchir aux ressources sous-exploitées". Un exemple aussi de l’efficacité d’une concertation sur place entre un comité gérant un fonds souple destiné à des crédits, un projet bilatéral capable de s’entremettre, une association locale exigeante et les femmes d’un groupement auquel personne n’a imposé cette initiative.
Entretien avec OUEDRAOGO, Baba réalisé en janvier 1998 à Ouahigoudou.
Entrevista
VADON, Christophe
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