Le point de vue d’un évaluateur des méthodes de l’aide
11 / 2001
La multiplicité des initiatives d’aide sur le terrain en Afrique de l’ouest ces dix dernières années est le produit d’un grand nombre d’intentions, le fruit de toutes sortes de procédures et la conséquence de décisions parallèles prises de l’extérieur par les nombreuses institutions placées en haut du système d’aide. Comment coordonner "par le bas" un tel système ?
1/ Chercher à obtenir la conjugaison des efforts par des réunions de coordination durant lesquelles on tente de faire coller entre eux plusieurs interventions déjà décidées est un premier pas dont l’avantage est de provoquer la rencontre entre les différents acteurs et la rectification de trop grandes incohérences. Mais cette voie trouve vite ses limites car chaque projet ou programme continue à s’exécuter au rythme et au bon vouloir de la chaîne d’acteurs qui l’a produit. De plus, elle ne réduit pas le nombre d’intermédiaires et on peut craindre que certains d’entre eux cherchent à garder le dispositif classique des multiples dossiers de projets qui leur est aujourd’hui profitable. Progresser vers plus de maîtrise "ascendante" demande d’utiliser conjointement quatre procédures :
a) la maîtrise d’ouvrage locale : elle facilite l’intégration des efforts des différentes entreprises et associations existantes au sein du territoire. Elle donne à ces dernières des moyens et une possibilité de faire évoluer le système d’aide puisqu’elles en sont partie prenante ;
b) la planification locale : il s’agit, dans chaque territoire aidé, de "tracer la voie" en élaborant et en négociant une sorte de guide stratégique;
c) le déboursement rapide, décidé sur place et partiellement flexible : il suffit que 20 ou 30% d’un budget d’aide constitue un fonds non affecté d’avance pour assurer la flexibilité de l’ensemble. Cette procédure semble être acceptée par les bailleurs à deux conditions : que les institutions de concertation soient crédibles, légitimes et transparentes et que les fonctions de suivi-évaluation et de contrôle financier soient efficientes ;
d) le suivi-évaluation : cette fonction n’est pas facile à introduire, tant du côté des agences d’aide (souvent avides de tellement de renseignements que la méthode de suivi s’étouffe elle-même) que du côté des bénéficiaires et de leurs organisations car elle est exigeante et rend (trop) transparente la relation entre les membres d’une association ou entre les villageois et leurs leaders. Mais une fois qu’un groupe a pu vivre la série d’étapes permettant de se mettre d’accord sur des outils de suivi et d’évaluation (critères, indicateurs, etc.) et qu’il utilise ces derniers, l’ouverture obtenue par cette attention au réel est féconde.
2/ Comment faire les premiers pas vers la maîtrise "par le bas" sinon par un double mouvement : ascendant et descendant ?
D’un côté, les associations paysannes cherchent à éviter d’être instrumentalisées par tel ou tel agent du système d’aide, puis lâchés par lui. Elles souhaitent un partenariat moins dissymétrique, de longue haleine, permettant une critique mutuelle, apportant des innovations. Elles ne pourront orienter le partenariat que si elles expriment un dessein commun. La première tâche des leaders est donc de fonder le dialogue entre elles et d’ouvrir ce dialogue à l’ensemble des villageois et des acteurs influents du territoire considéré.
De l’autre côté, les différents intervenants externes doivent d’abord se concerter entre eux et admettre, sinon la constitution d’un consortium entre eux ou leur apport en pourcentage d’un fonds commun de développement local, au moins l’échange d’informations et la pratique d’une cartographie commune de leurs interventions. Simplement pour voir qui fait quoi et à quel endroit. Leur deuxième pas en avant sera d’accepter de travailler avec des interlocuteurs qui ne seront pas parfaits du premier coup ; de ne pas les charger de trop de devoirs avant qu’ils ne soient quasiment prêts à les supporter.
3/ Comment faciliter l’articulation entre la maîtrise au niveau local et les maîtrises au niveau régional et national ?
Distinguons deux cas :
- là où la "région" a obtenu le statut de collectivité locale, c’est une chance à saisir. La région peut être un lieu où l’arbitrage entre les échelons locaux peut être établi. C’est aussi un niveau où peuvent être mieux prises en considération les politiques nationales. Dans ce cas, les divers "cadres de concertation locaux" existant dans la région négocient leurs demandes d’appui avec le dispositif régional et les agences d’aide peuvent ne pas s’introduire dans les décisions et les mises en oeuvre au niveau local.
- ailleurs, le choix se fera au cas par cas en regardant l’état de la décentralisation et les niveaux de capacité des organisations paysannes. Un niveau élevé peut justifier une négociation directe des organisations paysannes coordonnées entre elles avec un groupe de bailleurs publics. Des ONG et/ou des équipes mixtes d’accompagnement seront par contre nécessaires en cas de niveau faible des capacités.
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, África
Au niveau d’une collectivité locale, coordonner les apports d’aide extérieure est un casse-tête. Un premier pas est franchi quand plusieurs intervenants se mettent d’accord entre eux pour adopter des procédures identiques. Le deuxième pas est celui de la connaissance mutuelle obtenue non par les têtes à têtes appelés partenariats mais par des rencontres régulières entre tous les acteurs (locaux et externes) en un lieu où les décisions sont préparées en commun.
Ce texte est extrait (et adapté par Bernard Lecomte) d’une note rédigée par l’équipe du GRAD à l’intention des participants à la Rencontre Internationale d’Yverdon les Bains (CH), en octobre 1999, organisée par le Club du Sahel.
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