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Vingt ans d’expérience de coopération dans les Andes péruviennes font l’objet d’un livre encore à la recherche de son public

François GRESLOU

12 / 1999

Il m’aura fallu une quinzaine d’années de travail sur le terrain pour comprendre que le développement des paysans andins ne passait pas par le simple transfert et l’adoption de leur part de savoirs occidentaux : techniques « modernes » de l’agriculture, méthode de recherche-action (études des systèmes agraires, de la gestion des terroirs), modalité « démocratique » d’organisation sociale.

Avec un ami péruvien qui arrivait au même constat, nous voulions inverser la démarche des projets de développement en faisant passer l’idée que le développement devait d’abord s’appuyer sur les savoirs propres de cette civilisation andine, ce qui supposait dans un premier temps de les connaître et de les valoriser. Grâce à l’aide de la FPH qui partageait cette approche, nous avons créé en 1987 le PRATEC (Proyecto Andino de Tecnologias Campesinas), une ONG péruvienne.

Trois ans plus tard, la situation de violence socio-politique dans les Andes m’a contraint à rentrer en France et la FPH m’a proposé une année sabbatique, pour d’une part me permettre d’atterrir dans mon pays après 20 ans d’absence, et d’autre part faire le bilan de mon expérience dans les pays andins (on ne parlait pas encore de capitalisation !).

Le point de départ proposé par la FPH a été de favoriser la rencontre entre quelques personnes pour réfléchir sur la coopération Nord-Sud, fondée sur ce qu’à l’époque nous avons appelé le modèle « missionnaire ». Ce petit groupe a diffusé les résultats de ses travaux dans : « Coopérants, volontaires et avatars du modèle missionnaire"(1) et a organisé une rencontre de Saint Sabin le 19 juin 1991 avec une soixantaine de participants.

Plus tard, la FPH m’a donné l’occasion de présenter et de discuter la démarche du PRATEC lors d’une autre rencontre de Saint Sabin, le 30 septembre 1991 (2). Parallèlement, la FPH insistait pour que je rédige un livre témoignage sur mon parcours de coopérant, en essayant de mettre en évidence l’évolution que j’avais vécue et qui m’avait fait passer de la situation de colporteur des techniques modernes de la « révolution verte » à celle de farouche défenseur des savoirs paysans traditionnels.

Sans être vraiment explicite, le livre-témoignage que je devais écrire devait contribuer à mettre en cause le modèle « missionnaire » et jeter les bases d’une coopération différente qui, plus respectueuse du savoir de l’Autre, devrait se concevoir en terme d’échanges réciproques plutôt que de transferts d’un savoir occidental supposé universel (co-opérer : travailler ensemble).

En dehors de quelques rapports et articles, je n’avais jamais rien écrit. J’étais un homme de terrain et je me sentais tout à fait incapable de me lancer dans cette opération, réservée à des spécialistes, qui consiste à écrire un livre. Mes premières pages font l’objet de deux conseils précieux de la part de Michel Sauquet, responsable des publications à la FPH :

Comme j’étais trop pressé et passionné pour expliquer et faire passer mes idées et mes convictions, le corps du texte était constitué de discours plus ou moins théoriques (et donc fastidieux) que j’illustrais par des petites histoires vécues et des anecdotes reléguées en bas de pages. Michel Sauquet m’a fait comprendre qu’il fallait que je fasse exactement l’inverse : raconter mon vécu pour amener le lecteur à découvrir l’idée de fond et la conviction qu’il a engendré ;

Par fausse pudeur, je n’avais pas oser utiliser le « je »’ et je racontais mon histoire à la troisième personne, ce qui n’avait pas de sens !

J’ai recherché et relu tout ce que j’avais écrit pendant ces vingt ans passés au Pérou : les rapports officiels d’activités, la correspondance avec mes supérieurs français et surtout toutes les lettres que j’avais envoyées à mes parents (en moyenne deux par mois) et que ma mère avait eu la très bonne idée de garder. C’est surtout dans ces dernières que j’ai retrouvé le vrai « vécu » : mes impressions du moment, les détails de certaines anecdotes.

Et petit à petit, ce travail d’écriture que je considérais au début comme un pensum est devenu un vrai plaisir au point que je me suis laissé emporter par l’enthousiasme et que j’ai écrit une centaine de pages de trop. De 350 pages, l’éditeur (Syros) m’a demandé de réduire à 250 !

Avant de remettre mon manuscrit à l’éditeur, Michel Sauquet l’avait fait relire par un « plumiste » qui a fait un gros travail pour simplifier des phrases et remettre un peu d’ordre dans la distribution des paragraphes.

La diffusion est le point faible de l’histoire.

D’abord le titre du livre : Je n’ai pas encore compris pourquoi l’éditeur a imposé un titre aussi incompréhensible (« Le coopérant, missionnaire ou médiateur ?") s’il avait vraiment l’intention de le vendre. Et en effet, des 2 000 exemplaires tirés, seulement 800 environ ont été vendus !

Autres défaillances :

- Nous n’avons pas pris la peine, avec la FPH et l’éditeur, d’organiser une petite réunion pour lancer le livre ;

- Nous n’avons pas pris le temps de demander à une personnalité de bien vouloir rédiger une préface ;

- Je n’ai pas fait beaucoup d’efforts pour promouvoir moi-même mon livre lors de réunions, conférences ou autres manifestations publiques.

A part la quarantaine de lettres que j’ai reçues de mes amis et proches pour me féliciter et me dire combien ils partageaient mes convictions, je n’ai aucune idée de l’impact que ce livre (cette capitalisation) a pu et peut continuer à avoir.

Palavras-chave

projeto de desenvolvimento, valorização dos conhecimentos tradicionais


, Peru, Franca

Notas

(1)Ed. FPH, coll. « Dossiers pour un débat » N°4. (2) qui a donné lieu à l’édition de : « La revalorisation des savoirs paysans : retour au passé ou pilier d’un futur différent ? L’exemple des sociétés andines », FPH, document de travail N° 19. F. Greslou est ingénieur agronome, spécialiste des Andes péruviennes. le livre dont il est question dans cette fiche s’intitule : « Le coopérant, missionnaire ou médiateur : rencontre des cultures et développement dans les Andes : un témoignage », ed. Syros/FPH, coll. « ateliers du développement », 1995.

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