05 / 1999
Depuis 1960, les peuples indiens de l’Amazonie péruvienne ont subi de fortes pertubations (colonisation de leurs terres, croissance démographique, dépendance économique accrue...)qui leur ont fait perdre leur autonomie sur leur propre territoire. A cela, il faut ajouter que le système scolaire national a imposé une scolarisation hispanophone et occidentale, surtout adaptée aux communautés urbaines et côtières du pays. Celle-ci ne tenait pas compte des spécifités indiennes qui sont très éloignées de la culture occidentale et de la réalité de leur vie. Ce type d’enseignement a contribué à la marginalisation des populations indigènes dont les enfants ne dépassent pas le niveau du primaire. Ces jeunes sont donc amener à migrer vers les villes où ils forment une main d’oeuvre sous qualifiée et bien souvent au chômage. Les maîtres ont également un niveau faible et méprisent, le plus souvent, la culture indienne qu’ils connaissent mal. Ils transmettent à leurs élèves des préjugés défavorables quant à leur héritage culturel.
Fort de ce constat, la Confédération péruvienne des organisations indiennes, l’AIDESEP, Asocicion Interetnica de Desarollo de la Selva Peruana (Association interethnique de développement de la forêt péruvienne), dont l’objectif est d’assurer à chaque peuple indien son avenir et une certaine autonomie sur son territoire, lance un Programme de formation d’instituteurs. Ce Programme comporte deux volets :
- Revaloriser les cultures indiennes amazoniennes, y compris les langues
- Elever le niveau de formation des instituteurs, afin de permettre aux enfants indigènes d’accéder aux cycles secondaire et supérieur puis à des carrières professionnelles de bon niveau.
Actuellement, le Programme ne concerne que dix peuples indigènes (sur une soixantaine de groupes ethnolinguistiques), dont les quatre les plus nombreux numériquement. Il travaille avec sept langues indiennes et dix dialectes.
La formation des maîtres proposée par ce Programme délivre un diplôme reconnu par l’Etat. Elle se déroule sur six années et comporte trois phases successives.
Les trois premières années sont consacrées à l’étude des sociétés indigènes et à l’acquisition de connaissances traditionnelles. Elles se passent dans une communauté indienne afin de mieux intégrer les savoirs traditionnels qui sont le plus souvent connus de façon fragmentaire par les futurs instituteurs. La récupération de leur culture, sa valorisation et son appropriation sont des étapes nécessaires pour que les instituteurs puissent la transmettre à leur tour à leurs futurs élèves. Il faut qu’ils puissent rompre avec leur propre éducation qui a été empreinte du "zèle civilisateur" des enseignants des précédentes décennies. Ils doivent "lever l’opprobre que la société dominante, au moyen de son échelle chrétienne des valeurs, fait peser sur les sociétés originelles des Indiens d’aujourd’hui". Afin de mieux apprécier l’enseignement primaire tel qu’il est fait actuellement dans les écoles des villages indiens, ils assistent à des cours et peuvent en observer le contenu et l’impact sur les enfants. Au cours de ces trois années, les élèves-instituteurs sont accompagnés par un groupe d’enseignants (un linguiste, un anthropologue ainsi qu’un ou deux enseignants pour des disciplines spécifiques).
Pendant la quatrième année, l’élève-instituteur aborde la compréhension du Programme et sa conception fondée sur la vision globalisante du monde et l’interpénétration des disciplines, ce qui correspond à la conception indienne. Pour y adhérer plus complètement, un effort important est consacré à éviter les divisions académiques des savoirs et à favoriser une approche interdisciplinaire. C’est au cours de cette quatrième année que les rituels, les fêtes, les récits mythiques sont abordés, non pas sur le plan folklorique mais pour leur contenu et leurs valeurs. L’élève-instituteur doit, alors, rédiger un mémoire sur sa société à partir d’un récit mythique.
En 5ème et 6ème année, les cours sont axés sur les méthodes pédagogiques et l’élaboration de matériels didactiques adaptés au Programme. Cette création de matériels est d’autant plus importante qu’il n’en existe que très peu en langue indienne. Une réflexion est également menée sur le rôle de l’instituteur dans la vie des communautés.
L’école primaire est bilingue espagnol-indien ou indien-espagnol, suivant les écoles et les régions. Les langues indiennes sont apprises sur un pied d’égalité avec l’espagnol. Afin de les valoriser, une modernisation de leur enseignement a été entreprise. Des exercices de style écrit et de grammaire ainsi que des exercices arithmétique sont effectués dans ces langues. Des spécialistes indiens connaissant bien la langue espagnole mais ayant surtout une excellente connaissance de leur langue et de leur culture accompagnent la formation des instituteurs. Ils contribuent à l’intégration des contenus culturels spécifiques de chaque peuple dans le Programme.
En prenant en compte les valeurs spécifiques de la culture indienne et l’originalité de conception dans la vision du monde, le Programme tente de concilier les savoirs et les valeurs indiennes et ceux du monde occidental, à la différence de l’enseignement des décennies précédentes qui avait créé un rapport d’exclusion entre ces cultures.
Il est important de souligner que le Programme est en perpétuelle recherche tant sur sa méthodologie que sur ses contenus. Pour ses initiateurs, il doit continuer à évoluer et garder son caratère expérimental et créatif.
programa de formação, professor, língua materna, língua nacional, bilingüismo, educação e intercâmbio social, apropriação dos conhecimentos
, Peru, Amazônia
Artigos e dossiês
GASHE, Jurg, Un programme inteculturel de formation d'instituteurs in. Ethnies, 1998 (France), 22-23
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