La capitalisation de l’expérience est une affaire de processus.
D’abord parce que ce dont elle s’occupe c’est de processus, ceux de la réalité et de la pratique qui ont permis d’acquérir une expérience qui soit source de connaissance. Dans la mesure où elle ne se limite pas au produit final, à la connaissance obtenue, mais où elle s’intéresse au comment cette connaissance a été produite, la capitalisation étudie des processus.
La capitalisation elle-même est un processus, celui au cours duquel un acquis de l’expérience est transformé en connaissance partageable avec d’autres.
Et puis, dès l’instant où elle privilégie que les propres acteurs de terrain deviennent les auteurs de ces connaissances partageables, la capitalisation entraîne d’importants processus personnels de ces acteurs-auteurs qui développent de nouvelles capacités.
On pourrait continuer: cette optique de capitalisation s’inscrit dans une option, celle d’une vaste recomposition du savoir à travers un processus collectif de nos sociétés. Etc.
Tout cela peut être très banal ou très enrichissant… selon la manière de comprendre ce qu’est un processus et donc d’agir.
Le processus désigne une évolution, un changement, une transformation, et la manière dont celle-ci s’ordonne, s’organise, c’est-à-dire les phases par lesquelles elle passe. Mais le regard et les pratiques changent suivant que l’on priorise le point de départ de l’évolution ou au contraire le point d’arrivée que l’on en attend. Dans le premier cas il s’agit surtout de connaître, comprendre et aider la confrontation entre les potentialités et les limitations. Dans le second cas on a tendance à vouloir tout organiser, tout ordonner pour s’assurer d’atteindre le but, mieux encore: l’idéal.
Entre ces deux extrêmes, la capitalisation va et vient au rythme des besoins, des personnes, des moments.
Dans nos pratiques de capitalisation nous avons surtout cherché à appuyer des processus plus qu’à les structurer en phases rigides, car on ne transforme pas l’expérience en connaissance comme on fabrique une voiture. Il ne s’agit donc pas de tirer à présent de ces pratiques des normes sur la marche à suivre mais plutôt des références sur un certain nombre de composantes qui ont tendance à s’ordonner dans le temps mais sans que cela soit impératif.
Ainsi pourrait-on parler, pour la capitalisation de l’expérience, c’est-à-dire pour la transformation de l’expérience de terrain en connaissance, de trois phases principales. La première serait la collecte des informations, aussi bien les faits que les manières de les vivre et les impressions-opinions que l’on en a tirées. La deuxième serait celle de la révision et élaboration, donc de la réflexion, et elle serait guidée par la préparation de la troisième, le partage, car c’est souvent au moment où l’on essaye d’exprimer ces acquis sous une forme utile et accessible aux autres que l’on enrichit le plus l’interprétation. La troisième serait ainsi celle du partage lui-même, lorsque la capitalisation se diffuse et entre au dialogue de la recomposition des savoirs et des pratiques. Mais il ne s’agit pas là d’une séquence impérieuse: c’est parfois en commençant par un essai de partage que l’on entrevoit mieux les nécessités d’information et de révision…
Quant aux processus personnels, ils sont tous tellement différents qu’il serait vain de prétendre les caractériser. Mais il y a des moments ou des passages spéciaux dont il importe de tenir compte car c’est là où sautent certains blocages, permettant de développer des capacités latentes. Ainsi pourrait- on parler de divers pas ou sauts qui méritent une attention particulière. Par exemple : du témoignage à sa transcription, de la transcription à la diffusion, du témoignage à l’écriture, de l’écriture à la publication, etc.
Alors, la méthode de capitalisation ? La nôtre ne consiste pas à conduire un processus prédéterminé mais elle tend plutôt à appuyer et à accompagner, activement, les divers processus correspondant aux différentes caractéristiques des multiples acteurs de l’expérience.
recomposição do saber, cultura e desenvolvimento, metodologia, capitalização de experiência
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Parler de processus est devenu un peu la tarte à la crème du développement. On les trouve à toutes les sauces. Et ils servent bien souvent de prétextes pour masquer des incuries, des incapacités, des schématismes, de tout.
Pourtant ils existent, ils sont essentiels et ils sont tellement révélateurs! Ils sont révélateurs des richesses de l’expérience et ils sont révélateurs de nous-mêmes quand nous les regardons. Car la vision des processus est extrêmement culturelle, extrêmement subjective: c’est toute notre conception du changement ou de l’histoire ou du progrès (terme qui a la même origine latine que « processus ») qui s’y exprime ; ce sont toutes nos catégories mentales qui dictent la mise en ordre ; c’est notre idéologie, consciente ou inconsciente, qui inspire les rôles que nous nous y attribuons, depuis celui de l’observateur passif jusqu’à celui de grand ordonnateur.
Fiche traduite en espagnol : « La capitalización y sus procesos »
Ce dossier est également disponible sur le site de Pierre de Zutter : p-zutter.net
Version en espagnol du dossier : Historias, saberes y gentes - de la experiencia al conocimiento