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La banlieue dakaroise, un nid d’insécurité

Face à la montée de la violence urbaine et à la démission de l’Etat, une partie de la population organise l’autodéfense

Sidiki Abdoul DAFF

08 / 1999

Retranché derrière la ligne de chemin de fer, G. est un quartier situé dans le département de Pikine qui correspond à la banlieue de Dakar. Ce quartier, peuplé de 150 000 personnes, est un quartier irrégulier car les populations d’origine ouvrière ou paysanne ont squatté les lieux sans aucun plan d’urbanisation préalablement défini, avant d’obtenir de l’Etat une régularisation foncière.

Il est marqué par une précarité sociale trés forte, une carence en infrastructures (deux écoles, deux dispensaires, etc.) et un service public presqu’inexistant. L’essentiel de la population est au chômage ce qui l’oblige à développer des activités informelles souvent en marge de la légalité. Cette misére ambiante doublée d’une promiscuité trés forte ont favorisé le développement d’une violence prenant la forme de vols à la tire ou en bande et d’agressions souvent sanglantes. Le lieu de manifestation de cette violence est la ligne de chemin de fer, zone de passage des voyageurs et des marchandises. Cette violence a été accentuée par la configuration urbanistique du quartier qui est trés mal loti avec des culs de sacs infinis, des labyrinthes et un éclairage public déficient. La police d’Etat, méprisée et crainte à cause de sa carence, de son caractére corrompu et de sa brutalité n’a pas pu juguler cette violence.

Elle a été d’autant plus inefficace que les populations refusent de lui apporter toute forme de collaboration, ce qui donne aux délinquants un sentiment d’impunité et de complicité tacite. Face à cette situation, 125 jeunes du quartier décident de créer un comité de vigilance pour gérer la sécurité du quartier qui s’érige de fait en une police informelle. Ce comité se structure autour d’un leader du quartier connu pour ses prouesses sportives et son courage physique. Pour la prise en charge de l’équipement des vigiles (armes blanches, bombes anti-agression, lampes-torches, location d’un quartier général etc.), chaque maison est tenue de cotiser mensuellement 500cfa (5FF).

Les membres ne recevront une forme de compension financière que lorsque toutes les dépenses de fonctionnement seront couvertes car au départ il a été clairement établi que l’engagement était volontaire et bénévole c’est-à-dire que la participation ne signifie pas de facto une rétribution financière. Ce travail se fait en collaboration avec la police qui tolère leurs activités, initie les membres du comité aux méthodes policières (filature, traque, etc.). Cependant elle demande que lui soient livrés les délinquants arrêtés par le comité. Par moments les deux partenaires font des ratissages en commun pour démanteler des bandes de voyous ou échangent des informations pour repérer des malfaiteurs.

En un temps court, les vols et la violence ont décru, ce qui s’explique par le fait que les jeunes vigiles évoluent en terrain connu. De plus ils bénéficient de la collaboration de la population ce que la police n’a jamais pu avoir. Mais cette mission est périlleuse pour les membres du comité qui parfois sont pris à partie par certaines bandes de jeunes qui ont eu maille avec eux ou la police. Comme réponse, le comité organise des opérations punitives qui parfois dépassent sa sphère géographique d’évolution et peuvent se terminer par des blessés de part et d’autre.

Avec le retour de la sécurité mais aussi la multiplication des opérations punitives organisées par le comité contre les bandes de délinquants, il y a une chute des cotisations, ce qui entraîne la démission de beaucoup de jeunes qui préférent chercher d’autres activités rénumératrices. Certains d’entre eux retombent dans des activités délictueuses. Des campagnes de sensibilisation sont organisées à travers le quartier mais les résultats sont peu probants. Le comité décide alors de marquer d’une croix rouge les maisons ne s’acquittant pas des cotisations. Ce signe est une indication pour les voleurs car il signifie que cette maison n’est pas surveillée par le comité et qu’ils peuvent opérer en toute impunité mais c’est aussi une forme de chantage. Cet acte disqualifie davantage le comité aux yeux des habitants.

Palavras-chave

bairro urbano, violência urbana, equipamento coletivo, pobreza, milicia, polícia, autodefesa, justiça popular, cidadania, segurança pública, desengajamento do estado


, Senegal, Dakar

dossiê

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Citoyenneté et proximité

Comentários

La création de ce comité de vigilance dénote la volonté des habitants de prendre le relais de l’Etat dans l’une de ses prérogatives les plus avérées : en tant que garant de la sécurité des personnes et des biens. Un tel acte est un niveau de conscience citoyenne car l’espace quartier est vécu ici comme un bien collectif à sauvegarder. Mais la précarité est un facteur limitant car de la volonté de gérer la tranquillité du quartier, les jeunes passent rapidement à l’urgence de la survie ce qui les pousse à exercer une forme de chantage sur les populations pour recouvrer les cotisations. La mutation est d’autant plus facile que la création du comité de vigilance ne découle pas d’une large concertation entre habitants mais de la volonté de quelques jeunes qui fixent eux mêmes les critéres de participation dont l’un des piliers est le courage physique.

L’existence de ce comité est symptomatique de la déliquescence de l’Etat dont certaines institutions (la police) passent des compromis avec des segments de la société (les jeunes) pour pouvoir exercer leur rôle. Or s’il est possible de faire participer les populations à la gestion du phénomène de la violence urbaine (la prévention), par contre il ne saurait être question de leur laisser la gestion de celle-ci. Ce rôle doit être assumé pleinement par l’Etat de droit qui a un rôle de régulation, sinon on risque d’assister à un éclatement de la société avec l’éclosion d’une justice populaire et de milices pouvant se mettre au service du plus offrant.

Notas

Fiche du dossier préparatoire au forum des habitants qui s’est tenu à Windhoek, Namibie (12-18 mai 2000) dans le cadre du sommet Africités.

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