01 / 1996
Je suis assistante sociale en polyvalence de secteur, c’est à dire que je suis chargée de l’accueil des familles d’un secteur géographique donné avec des missions telles que : la protection de l’enfance en danger, l’accès et le maintien dans un logement, l’information et l’orientation concernant les droits, l’insertion : permettre à chacun de prendre une place, dans un quartier de la banlieue ouest de Paris et plus particulièrement dans une cité d’habitations à loyers modérés.
"Développement social du quartier", ""contrat de ville", "Zone d’Education Prioritaire" : cette cité est avant tout un village portant l’image de l’enfant mal-aimé de la famille "ville institution". Ma participation - reconnue par mon employeur - à la création d’un Réseau d’Echanges Réciproques de Savoirs (association qui a pour but de mettre en relation des personnes qui veulent échanger leurs savoirs, sur le mode de la réciprocité ouverte et de façon totalement démonétisée)et mon implication sont nées d’un désir personnel et professionnel, de constats entendus en entretiens individuels : isolement, sentiment de dévalorisation de personnes qui se sont trouvées à un moment donné en rupture, en échec, qui ne s’autorisent pas à désirer pour soi-même en dehors de la famille, restent figées sur un problème. Ce qui me motive c’est de faire venir des personnes extérieures au quartier, réfléchir sur les a priori, favoriser des rencontres inter-culturelles, offrir un lieu, un cadre, des moyens pour créer des liens, grandir, que chacun puisse construire son identité, sa conscience de soi, développer son individualité, comprendre ce qu’il aime, ce qu’il peut rendre possible : qui je suis, ce que j’aime, rendre possible, susciter, se découvrir, prendre confiance, apprendre.
Il y a ce qui m’a fait choisir cette profession, ce qui m’intéresse et ce que mon employeur me demande d’exécuter. Les commandes institutionnelles et la quantité de travail augmentent, se transforment, deviennent plus rigides. Je me sens moulée dans l’application de dispositifs administratifs impliquant l’assistanat. Comment en sortir ? Comment considérer l’autre en dehors de son problème, de ses symptômes ? Simplement comme une personne vivante. Comment expliquer ce que je pense comprendre de l’institution ? Comment expliquer mon point de vue ? Prendre en compte la personne qui s’exprime ? Comment se dégager des notions normatives de "personnes en grande difficulté", d’"insérés", de "désinsérés", d’"intégrés", de "désintégrés", de "déshérités", "en échec scolaire", "paupérisés" ?
Dans le Réseau d’Echanges Réciproques de Savoirs, au lieu de rencontrer l’autre par ses difficultés, je le rencontre à travers ce qu’il sait faire, ce qui le fait rêver et agir, ce qui le questionne et le rend responsable. Je le vois à travers la richesse de ses savoirs et non plus seulement ses ignorances. C’est ce qui est de moins en moins réalisable dans mon travail quotidien où l’on me demande de porter la parole de l’autre, de m’engager pour lui, de faire à sa place, et le rendre dépendant en somme ; d’être dans le faire faire et surtout ne pas se retourner pour réfléchir.
Et puis dans le Réseau, j’ai le droit de ne pas savoir, je le montre ; j’ai le droit de demander. Et le regard des habitants sur moi s’en trouve changé. L’assistante sociale n’est plus une fonction mais une personne.
autoformação, intercâmbio do saber, rede de intercambio de saberes, rede de cidadãos, rede de intercambio de experiencias, trabalho, condições de trabalho
, Franca, Paris
Le MRERS est une association créée par Claire et Marc HEBER SUFFRIN en 1985 et qui fonctionne sur un mode de réciprocité ouverte, chaque participant étant à la fois offreur et demandeur de savoirs. Les fiches ont été produites dans les ateliers d’écriture de ce réseau.
Texto original
(France)
MRERS (Mouvement des Réseaux d’Echanges Réciproques de Savoirs) - B.P. 56. 91002 Evry Cedex, FRANCE - Tel 01 60 79 10 11 - Franca - www.mirers.org - mrers (@) wanadoo.fr