Quand les chasseurs s’engagent dans la protection de l’environnement
04 / 1995
La gestion des ressources naturelles au Mali n’est plus l’affaire exclusive de l’Administration. Jusqu’à présent, la Direction nationale des eaux et forêts, sous la tutelle du Ministère de l’environnement et du développement rural était seule chargée de cette mission. Aujourd’hui, la défense de l’environnement naturel est devenue la préoccupation de l’Association nationale des chasseurs du Mali (ANACMA) et de la Fédération nationale des chasseurs du Mali (FNCM). Ces deux structures émanant d’une part de l’Association des chasseurs du Soudan français datant de 1957, et d’autre part de l’Association des chasseurs du district de Bamako (ACDB), ont été créées sous l’impulsion de la révolution de mars 1991. L’ANACMA et la FNCM ont vu le jour officiellement en septembre 91 et en novembre 1993. Selon Drissa Keita de la FNCM, les associations de chasseurs étaient autrefois « uniquement vouer à abattre les animaux en brousse ». Elles participaient en outre, aux manifestations telles que les fêtes nationales, les réceptions des officiels en visite, les cérémonies d’initiation, d’intronisation ou de funérailles de chefs chasseurs. Les associations de chasseurs veulent désormais « travailler avec l’Administration sur des actions données… Elles ont maintenant des idées pour s’impliquer dans des démarches de développement national, participer à la protection de l’environnement, veiller à l’application des lois et des conventions ». Le reboisement, la protection de la faune et de la flore, vont devenir leurs préoccupations quotidiennes. Des actions concrètes sont déjà amorcées par quelques structures locales. A Kita, par exemple (chef lieu situé en première région, à l’ouest de Bamako) des associations affiliées ont commencé à reboiser une partie de la forêt. « Le reboisement, c’est dans l’intérêt des chasseurs, parce que s’il n’y a pas de couvert végétal, il n’y a pas d’animaux » explique Drissa Keita. Pour protéger la flore, les chasseurs, de concert avec l’administration, ont pris des mesures contre les feux de brousse. Ces feux non seulement détruisent la végétation, mais aussi font fuir les animaux, quand bien même ils ne les tuent pas. C’est pourquoi les chasseurs ont demandé, et obtenu du gouvernement en 1992, la légalisation des feux de brousse uniquement lorsqu’il s’agit des « feux précoces », c’est-à-dire juste avant les pluies hivernales, ce qui provoque moins de dégâts qu’en saison sèche. L’administration des eaux et forêts voulait depuis longtemps que soit autorisés les feux précoces, mais n’avait jamais réussi à obtenir du gouvernement de telles mesures durant toute la deuxième république (de 1979 à 1991).
Parallèlement à leur action contre les feux de brousse, les chasseurs veulent protéger les arbres contre l’abattage. Connaissant parfaitement la brousse, ils identifient les contrevenants et les dénoncent à l’Administration. C’est ce qui s’est passé dans le Mandé (région de Kangaba), où des chasseurs se sont interposés pour empêcher les paysans d’abattre les arbres. Les responsables locaux des organisations de chasseurs sont tenus informés des actions des chasseurs lors des réunions. C’est lorsqu’un problème survient, une décision importante s’impose ou bien encore à la demande de l’administration que les chasseurs se réunissent en assemblée.
La défense des animaux fait aussi partie des préoccupations de chasseurs, bien que cela puisse paraître paradoxal. « En décembre 1993, on a fait remarquer au ministre de l’environnement que malgré l’interdiction de la chasse, des gens puissants continuent de la pratiquer sans en être inquiétés. Les gens du pouvoir abattent les animaux comme ils veulent !", explique un chasseur. « Comme le font aussi certains touristes, ils poursuivent les animaux en voiture et les tuent avec des armes sophistiquées ». Les associations ont dénoncé un phénomène qui a lieu chaque année : les chasses des princes du Golfe (Koweït, Emirats arabes,…), expéditions meurtrières pour certaines espèces animales pourtant protégées par la loi. Ces grandes chasses sévissent au nord du pays.
Les associations de chasseurs croient qu’elles sont ou peuvent être utiles dans la gestion des problèmes d’environnement. « Les chasseurs pensent qu’ils doivent être concertées dans ce domaine car ils sont mieux placés pour protéger la faune que les agents des eaux et forêts, connaissant mieux la forêt. » (B.Samaké, de l’ANACMA). Donc, entre les organisations de chasseurs et l’administration des eaux et forêts, doit exister un rapport de complémentarité.
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, Mali
Biodiversité : le vivant en mouvement
Les associations de chasseurs ont un objectif noble : la protection de l’environnement. Leurs actions dans ce domaine sont très salutaires surtout quand elles apportent un soutien aux services techniques concernés de l’administration. Grâce à elles, des propositions telles que les feux précoces ont pu être appliquées, et on peut constater une diminution certaine des chasses destructrices des notables, notamment.
Cependant ces actions ont des limites. Certes les associations sont un moyen de pression sur les décideurs, mais faudrait-il pour autant que l’intérêt national passe après la protection des animaux ? La dénonciation des chasseurs du Golfe, par exemple, ne va-t-elle pas freiner les actions de coopération des pays du Moyen-Orient au Mali (construction d’écoles, de ponts, de barrages, de routes) ? dans quelle mesure faut-il faire des concessions en défaveur de l’environnement, pour sauvegarder des relations diplomatiques fructueuses pour le développement du pays ?
En tout cas, il faut reconnaître que l’union, surtout lorsqu’elle est légitime, fait la force, car depuis que les organisations de chasseurs ont vu le jour officiellement, le chasseur est reconnu comme un acteur à part entière de la sauvegarde de l’environnement.
Cette fiche a été réalisée sur la base d’une enquête effectuée entre 1994 et 1995. L’ensemble dans lequel elle s’inscrit a fait l’objet par la suite d’une publication séparée, sous le titre : On ne ramasse pas une pierre avec un seul doigt : organisations sociales au Mali, un apport pour la décentralisation, FPH; Centre Djoliba, juillet 1996. S’adresser à la Librairie Fph, 38 rue Saint-Sabin, 75011 Paris.
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