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Théâtre populaire de paysannes à Pune (Maharashtra Inde). Une expérience d’autoapprentissage

4 - Premières leçons

Hema RAIRKAR, Guy POITEVIN

10 / 1993

Entre septembre 1992 et janvier 1993, 13 paysannes animatrices et 2 hommes animateurs de VCDA, membres du groupe d’étude mensuel sur le phénomène des femmes abandonnées par leur belle-famille, jouèrent les sketches de théâtre populaire (30 à 40 minutes)qu’elles avaient préparés sur la base de leurs analyses. Onze représentations furent données sur des places centrale de divers villages ou des gares routières, en trois cantons du district de Pune. Les réactions des femmes, premier public visé, tirent elles-mêmes les premières leçons de cette expérience.

Les réactions communes se résument dans les phrases suivantes régulièrement entendues : "Vous avez montré ça sur la place publique, devant tout le monde, c’est bien. Ca mérite d’être dit une bonne fois"."Ces sept derniers soirs, des sermons à écouter. Mais votre pièce, ça fait bien plus d’effet"."Venez donc un jour jouer aussi chez nous : il faut que tout le monde voit çà. Il y a beaucoup de cas semblables chez nous. Une intervention qui vient de l’extérieur comme ça peut avoir de l’effet"."Vous montrez la réalité exactement comme elle est. Mais que faire ? " "Vous montrez la vie quotidienne, réelle. Je croyais que vous vouliez nous amuser. Pas du tout. Mais pourquoi nous faut-il encore voir ce que nous supportons tous les jours ? " "Vous nous ouvrez les yeux", disent des femmes qui n’ont pas d’autre expérience de la vie que celle de la vie domestique quotidienne.

Des réactions plus personnalisées doivent être notées. Des jeunes filles de 15, 16 ans, sur le point d’être mariées par leurs parents : "Vous montrez comment un mari amène une co-épouse. Montrez donc plutôt qu’il en cherche une, mais qu’il n’en trouve pas". Sans doute, ces jeunes filles appréhendent-elles une situation qui les menace et les angoisse.

Répartie fréquente : "Vous avez bien montré ce qu’il en est : ce sont toujours les femmes qui sont punies. Il n’y a jamais de châtiment pour les hommes. Pourquoi seulement pour les femmes ? Les hommes aussi doivent être punis. Faites une pièce pour le montrer". Les femmes n’attendent pas seulement la punition au sens strict, mais la défaite des hommes, sous forme, par exemple, de l’inscription de leur nom dans les titres de propriété foncière de leur mari, ou de pension alimentaire en cas de renvoi. C’est une exigence de reconnaissance et de dignité.

Les femmes de petits commerçants de caste Marwari, sont strictement confinées dans leur magasin et leur maison, autrement uniquement immergées dans des rites religieux, ne sortant que pour aller au temple ou à des pélerinages. Pas de communication sociale. Une d’entre elles vint dans le temple du village où le groupe se préparait, sous prétexte de dévotion, mais s’attardait à tourner à son aise autour du groupe; la pièce fut jouée devant sa maison, dans la rue : elle vint servir de l’eau aux actrices, pour leur chuchoter en catimini dans l’oreille : "Je n’ai pas d’enfant. Mes beaux-parents me harcèlent". Elle allait et venait, de pas hâtifs, pour ne pas éveiller la suspicion, mais l’expression de son visage disait le reste.

Une femme de caste Mali : "J’avais envie de jouer avec vous, en vous voyant. La prochaine fois, dîtes-le moi, je ferai au moins la tournée avec vous". Elle voulait offrir le thé à tous, après l’eau.

Une femme Phasépardi en haillons, un bébé enveloppé dans des guenilles sur son dos, enceinte, vit toute la pièce en pleurant d’un bout à l’autre. Elle tendit à la fin un billet de 10 roupies en disant : "Rendez-moi la monnaie sur 2 roupies". Il ne s’agissait pas de payer les acteurs mais de dire le lien qui l’unissait à eux.

Une femme venait d’acheter une chèvre au marché et repartait en hâte, son mari la hélait. Mais elle s’attardait, attirée et contente de regarder. Une autre vieille femme misérable rentrait du marché : veuve depuis sa jeunesse, elle a deux filles qui furent rejetées par leur mari et revinrent chez elle, elle les remaria en empruntant de l’argent qui n’est pas encore rendu; elle pleurait, anticipait l’action, tremblait de tout son corps et comme en transe, envoûtée, proclamait sans arrêt : "Ces hommes doivent être punis ! "; les yeux disaient sa colère; elle oublia le car qu’elle devait prendre et s’assit pour s’identifier totalement au jeu.

Palavras-chave

comunicação, cultura popular, educação popular, mulher, mudança cultural, teatro


, Índia, Pune

Comentários

Fort soutien masculin, surtout d’adultes dont la fille, la soeur ou la mère ont eu la même expérience.Des jeunes gens enthousiastes invitent le groupe à venir jouer chez eux pour les femmes de leur village, car "il faut que le public sache et comprenne comment ils abîment la vie des filles","vous ne vous exhibez pas pour le plaisir sur la place du marché","il faut arrêter la dot","c’est la réalité, mais la société est aveugle","vous avez bien ridiculisé ceux qui agissent ainsi"."C’est juste. elles ont raison", dit la rumeur publique dans les cars au retour. Mais pourquoi la jeunesse masculine reste-t-elle impuissante devant la volonté des anciens quand ceux-ci la marient ?

L’effet de miroir est essentiel. Mais comment transformer la colère et l’assentiment du public en action ?

Les actrices dominent leur inhibition devant ces réactions et s’enhardissent à communiquer avec un grand public, confiantes dans leurs capacités à s’attaquer aussi à la masse de l’opinion, directement, avec un moyen dont elles vivent la puissance.

Notas

VCDA = Village Community Development Association (Pune). CCRSS = Centre for Cooperative Research in Social Sciences. Ce compte-rendu fait état d’observations recueillies par le groupe d’actrices et retenues lors de leur réunion d’évaluation comme particulièrement significatives.

Fonte

Relatório ; Documento de trabalho

CCRSS (Center for Cooperative Research in Social Sciences) - Rairkar Bungalow, 884 Deccan Gymkhana. Pune 411004 Maharashtra, INDE - Índia - www.ccrss.ws - secretariat (@) ccrss.ws

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