La question de l’accès à la tere comme axe principal
01 / 2010
Le Comité d’Unité Paysanne (CUC), créé en 1978, rassemble des paysans, travailleurs ruraux et peuples indigènes, des hommes, des femmes, des jeunes, des anciens et des enfants de diverses cultures du Guatemala. La question de l’accès à la terre est leur principal axe de travail, dans ce pays où la concentration des terres aux mains de grands propriétaires est impressionnante : en effet, 3% de la population détient 72% des terres cultivables, tandis que la majeure partie des guatémaltèques vivent dans l’indigence. Au Guatemala, lutter pour la terre est risqué, le pouvoir n’hésitant pas à user de la force pour réprimer les militants.
Un peu d’histoire…
Bien avant la création de l’État guatémaltèque, le territoire était peuplé essentiellement par les Mayas (dès 2000 ans avant J.C). L’incroyable évolution du peuple maya va cependant rencontrer un obstacle : la colonisation. La période coloniale qui débute au 16ème siècle aura un terrible impact sur le monde maya. L’apparition des haciendas coïncide avec une période de domination et d’exploitation des peuples autochtones. Pendant près de 200 ans, le Guatemala vit alors sous l’emprise étrangère. Ce n’est qu’en 1821 que le pays obtient son indépendance. Entre 1898 et 1944, le Guatemala se retrouve sous la tutelle virtuelle des États-Unis. Les deux dictateurs, Manuel Cabrera (1898-1920) et Jorge Ubico (1926-1944) laissent la United Fruit Company s’approprier le Guatemala en constituant un véritable empire bananier. Pendant ces années de dictature, le pays se voit contrôlé par les grandes compagnies américaines. C’est à ce moment que certains métis, les « ladinos », vont s’enrichir et devenir les principaux propriétaires terriens. Juan José Arévalo est élu président en 1945. Il prône une politique de développement qui soustrait le Guatemala à la tutelle américaine. Plusieurs projets sociaux sont développés et une importante réforme agraire est lancée. Toutefois, les propriétaires terriens et les compagnies américaines s’opposent fortement à ces changements ; ce qui va inciter les États-Unis, avec l’aide de la CIA, à fomenter un coup d’État. En 1954 prend fin l’expérience démocratique. Les militaires arrivent au pouvoir, ce qui marque le début de la longue guerre civile.
Les réformes proposées successivement sont défavorables aux populations paysannes et réduisent de beaucoup leurs ressources. La pauvreté et la frustration augmentent. C’est ce qui pousse à la création du CUC au début des années 1980, qui va essentiellement lutter pour se réapproprier les terres volées depuis le début de la colonisation. À partir des années 1980 commence alors une des périodes les plus difficiles pour les guatémaltèques. Les résultats de ces années de répression sont terribles. On considère que la guerre civile aura fait plus de 200 000 victimes. D’après la Commission d’éclaircissement historique, 83% étaient des Mayas et 17% des Métis. La majorité de ces victimes étaient des civils non combattants, des paysans, des syndicalistes, des étudiants, etc. Plus de 44 000 veuves et orphelins survivent à cette guerre. Il faudra attendre le 29 décembre 1996 pour que soient signés les Accords de Paix. Ces derniers prévoyaient des changements constitutionnels importants dont la révision des formes de propriété et de tenure agraire.
Historiquement, c’est après la signature de la paix en 1996 que le gouvernement a incorporé des terres nationales au régime de propriété privée et que des particuliers ont commencé à acheter ces terres. Se sentant en danger, les paysans ont alors demandé des titres de propriété, ce qu’ils se sont vus refuser avant d’être expulsés. De ce fait, le CUC continue de lutter pour l’accès à la terre, le respect du droit au travail et la formulation de propositions politiques publiques en faveur des paysans.
Une répression sanglante des paysans luttant pour l’accès à la terre
Malgré la signature des accords de paix et les engagements pris par le Gouvernement, la répression est toujours sanglante et viole les textes protégeant les droits humains et les droits indigènes. Les membres du CUC en sont malheureusement souvent victimes. En effet, ces dernières années, plus de 25 syndicalistes du CUC ont été assassinés et d’autres sont en prison tels des criminels, alors qu’ils se battent pour une cause juste. Le 13 février 2003, trois véhicules de la police nationale civile accompagnés de militaires de haut rang se sont rendus au domaine rural (finca) de San Basilio, dans le département de Suchitepéquez. Ils auraient menacé de tuer les membres du CUC de ce domaine si ceux-ci ne renonçaient pas à chercher à obtenir des terres dans la région. L’armée affirme qu’elle a des droits sur les terres du domaine de San Basilio appartenant à l’État. Elle avait en effet été autorisée à occuper ces terres lors de la guerre civile mais les accords de paix prévoient que les paysans doivent être autorisés à les acheter. Depuis 2002, l’armée et l’administrateur du domaine intimident et menacent régulièrement les paysans, y compris les membres du CUC, en vue de les dissuader d’acheter les terres du domaine de San Basilio. Les militaires s’en sont récemment pris à Rafael Gonzalez, représentant du CUC au Forum de Montreuil. En effet, ce dernier a été menacé de mort lors d’une manifestation organisée contre une entreprise occupant des terres qu’une communauté paysanne locale estime vacantes.
30 ans de batailles et de victoires pour le CUC
Le CUC ne baisse pas pour autant les bras. En avril 2008, à l’occasion du 30ème anniversaire de l’organisation, le CUC a organisé une grande marche de 4 jours. Lors de la dernière étape à Guatémala City, 5 000 personnes étaient présentes pour soutenir les droits des paysans face au Gouvernement et aux grands propriétaires et producteurs d’agrocarburants, complices dans l’accaparement illégal des terres paysannes et indigènes. C’est le fruit d’un long travail d’animation sur le terrain, le CUC travaillant dans 46 communautés (environ 3618 familles), qui se réunissent en assemblées communautaires. À force de combats, d’occupations des terres, de luttes juridiques, et de l’aide de la solidarité internationale, la situation des paysans au Guatemala connaît des victoires. De plus, de nouveaux courants progressistes venant de Cuba, d’Équateur, du Salvador, de Bolivie et d’autres pays d’Amérique latine, agissent dans le sens de l’accès à la terre et influencent progressivement l’orientation du pouvoir guatémaltèque.
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, Guatemala
Actas de colóquio, seminário, encontro,…
D’après les propos de Rafael Gonzalez (Sous-coordinateur du CUC), recueillis lors du Forum International sur l’accès à la terre des 18 et 19 avril 2009.
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