Luttes et résistances indigènes contre la violence en Colombie
09 / 2002
« L’un des principaux facteurs de marginalisation de la lutte pour les droits des peuples indigènes a été le fait de ne pas dénoncer, de ne pas faire connaître, de ne pas socialiser. », déclare le sénateur Efrén Tarapuez, originaire du Sud de la Colombie et membres de l’une des ethnies les plus importantes de cette nation : les paeces.
En Colombie, de la même manière que dans les pays andins comme l’Équateur, le Pérou et la Bolivie, la résistance des peuples indigènes est permanente pour demeurer dans leurs territoires ancestraux, avec leurs propres cultures, leurs propres autorités et leur cosmovision – tout un mode de pensée qui les entoure et qui les lie au monde et à la nature. Aujourd’hui, on peut parfois parler de certaines réussites – les mêmes que l’on peut constater par ailleurs en ce qui concerne le participation indigène au niveau national et international.
Dans le cas de la Colombie, il s’agit d’une histoire de 510 ans de résistance indigène et de 500 ans de guerre. « Dans ce pays, la lutte a été continue jusqu’à ce que dans la Constitution de 1991, les indigènes réussirent à faire intégrer dans la Grande Charte environ 27 articles constitutionnels qui rendent possible la reconnaissance de nos peuples. », dit Efrén avec conviction. Ce moment a marqué, depuis dix ans, le début d’une nouvelle expérience.
Le mouvement indigène en Colombie, depuis il y a environ 50 ans, a été confronté à la guerre et a lutté pour la récupération des terres. Ce processus a entraîné de nombreuses victimes, mais l’on peut dire que le mouvement a permis de regagner du terrain. Fondamentalement, la lutte indigène contre les propriétaires fonciers pour récupérer leurs terres ancestrales a permis qu’en même temps que leurs terres, ils récupèrent également leurs droits.
« Récupérer la terre donne beaucoup de force ; c’est comme récupérer tout, parce qu’un indien sans terre est comme un poisson sans eau. », dit-il avec un sourire. « Les indiens dans les villes bétonnées ne peuvent pas forger une culture ; une culture se forge avec la nature. »
Au cours de ces dix dernières années, les 84 peuples indigènes qui existent en Colombie ont récupéré environ 40% du territoire national total, qui se trouvent aujourd’hui entre les mains des communautés des peuples indigènes. Il est donc possible de visualiser sur une carte du pays l’importance des résultats atteints. Malheureusement, d’autres chiffres peignent une réalité moins rose : sur 40 millions de Colombiens, les indigènes ne réussissent pas à atteindre le chiffre de deux millions.
Il faut tenir en compte le fait que les peuples indigènes sont victimes d’une crise sérieuse en raison de la guerre. Leurs communautés et leurs terres sont le théâtre même de la guerre. Les échanges de tirs les impliquent dans une guerre qui n’est pas la leur, entre les armées d’extrême-droite et de gauche, ce qui menace leurs cultures et leur territoire.
Au mois de mars 2002, 5 parlementaires indigènes ont été élus au Congrès. Depuis cette position, ils entendent mettre en Ĺ“uvre un programme destiné aux peuples indigènes de frontière, afin de chercher des alternatives pour promouvoir l’échange interculturel et commercial, et organiser un mouvement indigène latino-américain. Sur la base de leur cosmovision, ils cherchent à promouvoir l’union des pays et des peuples pour mettre en place un agenda commun, qui raffermisse les liens entre frères et renforce la participation et la représentativité au niveau des gouvernements nationaux.
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, Colômbia
La lutte impulsée par les peuples indigènes pour obtenir la propriété de leurs terres a été d’une très grande importance dans tous les pays. Ils accordent une valeur immense à la nécessité de retourner sur leurs terres. Le dépouillement dans lequel ils se trouvent est la conséquence de ce que les peuples indigènes n’ont pas eu l’opportunité d’accéder au pouvoir. Le pouvoir est directement lié à la propriété, la possession de quelque chose, la capacité de décider.
En Colombie, l’effort réalisé par les peuples indigènes et les communautés a peut-être été plus fort que dans d’autres pays étant donné qu’ils ont eu à résister à deux guerres en même temps : d’une part la discrimination et la négation de l’existence de ces peuples, et d’autre part la guerre des autres, laquelle – comme ils le disent eux-mêmes – n’est pas leur propriété mais qui ne les touche pas moins dans leur vie quotidienne. C’est dans leurs territoires mêmes qu’ont lieu les affrontements pour des intérêts étrangers, qui ne sont pas les leurs.
La crise et le désespoir les motivent et ils cherchent des alternatives pour se renforcer, de meilleures opportunités pour les peuples indigènes à travers la consolidation d’une processus d’autogestion et de développement soutenable. Peut-être sera-t-il possible de profiter des espaces déjà consolidés comme la Communauté andine des nations (CAN) pour donner un visage plus humain aux résolutions qui sont adoptées au niveau de ces espaces, et qui les impliquent sans qu’ils le sachent.
Fiche réalisée sur la base d’un entretien avec Efrén Tarapuez, Sénateur indigène de la République de Colombie ; délégué à la Rencontre mondiale des peuples des montagnes, 17-22 septembre 2002, Quito, Équateur. Contact pour plus d’information : 3504006, Calle 13 3-72, Bogotá.
Fiche originale en espagnol : Un indio sin tierra, es un pez sin agua. Traduction : Olivier Petitjean.
Entrevista
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