La politique néolibérale mine les relations sociales aux Philippines
08 / 2004
Judy Pasimio représente un rayon de lumière au milieu du paysage sombre qu’offrent au regard les Philippines. Elle est membre de l’Asia Pacific Forum on Women, Law and Development (APWLD), où elle travaille dans deux commissions : celle sur la femme et l’environnement ; celle sur la femme rurale et indigène.
Elle est née dans une famille de la classe moyenne inférieure, et sa jeunesse a été marquée par la dictature de Ferdinand Marcos. Durant cette période, la société philippine était soumise à un régime d’ignorance totale des droits humains et de contrôle de fer exercé sur toute la société. La situation dans le milieu rural devenait simplement insoutenable lorsqu’en 1987, les mouvements sociaux clandestins de résistance provoquèrent la révolution sociale appelée « EDSA », du nom de l’avenue de Manille où se déroulèrent les événements principaux. Dans ce contexte, le gouvernement exerça des représailles contre les paysans qui revendiquaient une réforme agraire plus appropriée. Il y eut des morts. Ces incidents furent le point de départ de l’engagement politique de Judy Pasimio.
Les causes de cette révolte étaient liées à la très mauvaise distribution des terres et des ressources naturelles des Philippines, situation qui persiste encore aujourd’hui.
En premier lieu, il existe une classe sociale appelée Cojuangco, formée par les personnes les plus riches du pays, qui possèdent de grandes plantations, généralement de canne à sucre, qui occupent la patrie centrale du territoire. Ces puissants propriétaires emploient les Philippins pour des salaires journaliers de l’ordre de 3 dollars. Ce système de servitude repose sur l’oppression d’une autre classe, celle des travailleurs agricoles, qui voient leurs revenus diminuer progressivement face à l’augmentation des coûts de production, et principalement ceux des combustibles. Leur situation est souvent si précaire que les femmes doivent offrir leur corps pour obtenir un kilo de riz.
En second lieu, il y a la problématique des indigènes, qui occupent en majorité les zones les plus septentrionales et les plus méridionales du pays. Ce sont eux qui ont été depuis des temps immémoriaux les véritables occupants de la terre, bien avant la colonisation espagnole. Les indigènes avaient travaillé en harmonie avec leurs territoires, cultivant, utilisant et conservant les ressources naturelles. Ils avaient une connaissance profonde de leurs terres, mais avec l’essor de la bureaucratie nationale dans les années 1940, ils ne parvinrent pas à faire traduire cette connaissance dans les plans et documents officiels, et leurs droits furent bafoués pendant longtemps. Ce ne fut qu’en 1987, dans la nouvelle constitution, que leurs domaines ancestraux furent reconnus de manière officielle.
En troisième lieu, les entreprises transnationales firent leur apparition dans le pays. Les trois compagnies les plus importantes des Philippines proviennent du Royaume-Uni, d’Australie et des États-Unis et elles exploitent l’énergie provenant des nombreux cônes volcaniques, ainsi que des ressources minérales (or, argent, cuivre, charbon). Ces deux activités entraînent de graves dommages pour l’environnement dans les territoires indigènes, et ce faisant la destruction des communautés natives elles-mêmes. Mais ces entreprises transnationales peuvent compter sur l’appui néolibéral du gouvernement de l’actuel président Arroyo, et en outre il existe une loi minière qui favorise ce type d’activité.
On voit ainsi que la législation des Philippines n’est pas exempte de contradictions. D’un côté, la loi IPRA (Indigenous Peoples Rights Act) reconnaît aux indigènes leurs territoires ; d’un autre côté, la loi minière promeut l’exploitation de mines situées sur ces mêmes territoires. Selon la Constitution philippine, la répartition de la propriété foncière doit être la suivante : 60% au minimum pour les Philippins et 40% au maximum pour les propriétaires étrangers. La réalité est bien différente, vu que la majorité des Philippins ne dispose pas des ressources économiques suffisantes pour entretenir leurs propriétés. En conséquence, ils se trouvent forcés de les vendre à ceux qui disposent du capital nécessaire, c’est-à-dire les grands investisseurs étrangers. Le résultat est que la quasi-totalité du territoire est entre les mains de grandes entreprises transnationales, principalement australiennes – en contradiction directe avec la constitution. En janvier 2004, la Cour suprême des Philippines a déclaré cette situation illégale. Cependant le gouvernement a fait appel de cette décision et exercé une forte pression sur cette instance, de sorte que le 2 décembre de la même année elle a inversé sa décision.
Les Philippines connaissent actuellement une situation absurde où deux communautés marginalisées, celle des travailleurs agricoles et celle des indigènes, luttent entre elles pour l’accès à la terre. Règne également une atmosphère de violence du fait des activités militaires et paramilitaires (activités militaires non officielles). En outre, on ne compte plus les menaces et les intimidations dirigées contre les leaders de ces communautés, et contre les mouvements sociaux qui cherchent à les aider.
Depuis dix ans, Judy Pasimio travaille avec des indigènes dans le domaine du conseil juridique, et principalement avec des femmes – lesquelles se trouvent marginalisées à différents niveaux (familial, productif, politique, législatif) en ce qui concerne leurs droits humains.
Fruit de cette situation, le Forum APWLD défend une réforme agraire basée sur la redistribution de la terre, qui permette que les indigènes conservent leurs domaines ancestraux et que les travailleurs agricoles cessent de l’être pour se transformer en propriétaires agricoles.
Pour ce qui est du Forum mondial de la réforme agraire, Judy Pasimio propose deux initiatives : défendre les droits des gens qui défendent les droits des autres, et promouvoir une action collective sur les droits de la femme.
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, Filipinas
Foro Mundial sobre la Reforma Agraria (FMRA)
Voilà un autre cas caractéristique de la perversion du système économique mondial actuel, basé sur une approche purement « productiviste ». La libéralisation du marché transforme les terres, les ressources naturelles et les personnes elles-mêmes en marchandises. Les valeurs sociales, culturelles et environnementales, dont le coût est inestimable, ne sont pas prises en compte.
Cette fiche a été réalisée Dans le cadre du Forum mondial sur la réforme agraire (FMRA), organisé par le CERAI à Valence (Espagne) du 5 au 8 décembre 2004. La récolte des expériences a été assurée par ALMEDIO Consulting (www.almedio.fr) avec le soutien de la Fondation Charles Léopold Mayer.
Fiche originale en espagnol : Indígenas y campesinos : dos pueblos enfrentados por una causa común. Traduction : Olivier Petitjean.
Entrevista
Entretien avec PASIMIO, Judy
Asia Pacific Forum on Women, Law and Development, APWLD
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