Projet du CECOPAL (Argentine)
2000
L’ouvrage, intitulé "Accès à la terre et construction de la citoyenneté. Capitalisation d’une expérience de services juridiques alternatifs", retrace l’histoire d’un conflit né il y a plus de 10 ans à Córdoba, en Argentine, entre une association d’habitants de bidonvilles luttant pour l’accès à l’habitat et des agences immobilières de la place.
L’Argentine se trouve à cette période là confrontée à la crise de la dette, période que l’on appellera plus tard "décennie perdue". L’inflation est galopante. L’indexation (augmentation des prix et des salaires proportionnellement à l’augmentation de l’inflation) cause des effets néfastes pour la population, en particulier pour les couches les plus défavorisées. Les classes populaires qui ont acheté un terrain à bâtir sont prises dans l’engrenage et ne sont plus en capacité de faire face aux échéances ; les sociétés immobilières tentent d’abuser de la situation en augmentant encore plus que prévu les prix de remboursement des terrains.
Certains habitants affectés par l’indexation abusive décident de se regrouper et demandent une assistance juridique à des avocats pour pouvoir résoudre le conflit qui les oppose aux sociétés immobilières. Une expérience d’usage alternatif du droit va alors s’engager.
Mise en place progressive d’un mécanisme de résolution alternative des conflits
Première étape, des réunions d’information sont instaurées où victimes et avocats dialoguent, une assistance juridique légale ainsi qu’une défense légale devant les instances judiciaires sont assurées, des stratégies avec d’autres acteurs sociaux (syndicats, associations...) élaborées.
Suite à ces premières démarches, victimes et avocats décident de se regrouper en deux associations distinctes qui lutteront de front face au problème de l’indexation.
Les victimes se rassemblent au sein de la CLI, la Coordination des Lots Indexés (Coordinadora de Loteos Indexados). Elle apporte sécurité et solidarité aux personnes confrontées à une situation juridique qui les dépasse.
Les avocats et travailleurs sociaux se regroupent au sein du CECOPAL, le Centre de Communication Populaire et d’Assistance Légale (Centro de Comunicación Popular y Asesoramiento Legal).
A partir de là, diverses stratégies vont être menées pour résoudre le problème juridique émanant de l’indexation : aides collective et individuelle, appui et représentation devant les pouvoirs publics, médiatisation du problème et des revendications des habitants, formation populaire et éducation civique, manifestations et mobilisations de rue...
Toutes les actions se basent sur les mêmes principes directeurs : réappropriation de la démocratie, action de protection et de prévention de la population, utilisation des moyens de communication, construction d’un pouvoir pour être un interlocuteur crédible.
Autre étape du processus, la CLI et le CECOPAL s’agrandissent et "s’institutionnalisent". Les stratégies s’affinent : consolidation des aspects méthodologiques, priorité donnée à la qualité et à l’impact des services offerts par le CECOPAL. S’instaurent notamment une rotation des interventions des professionnels dans différents quartiers, la participation des travailleurs sociaux dans la résolution des conflits, le développement d’instances centralisatrices des requêtes et des actions.
De nouvelles orientations sont prises par le CECOPAL et la CLI notamment en ce qui concerne la formation populaire. Des instances de formation à l’usage alternatif du droit se multiplient. Les formations portent, en particulier, sur les aspects organisationnels, informatifs et techniques des actions à entreprendre.
L’éducation populaire comme outil d’accès au droit : la pérennisation du programme de résolution alternative des conflits
L’optimisation des modes alternatifs de résolution des conflits implique la mise en oeuvre d’une combinaison d’éléments juridiques, communicatifs et pédagogiques qui passe par la formation populaire, maillon essentiel de la pérennisation des actions engagées.
Cette dernière se réfère à un processus de construction de la connaissance fondée sur l’échange du savoir et soutenue par une méthodologie de travail cohérente et pertinente. Le droit à l’habitat est un droit basique et inaliénable : la lutte pour ce droit implique une réflexion, une formation et l’incorporation d’instruments qui contribuent à la construction de citoyens actifs.
Toutefois, la formation populaire mise en place au cours de cette expérience n’a pas forcément toujours eu la même valeur ni la même force. Ainsi, dans un premier temps, la recherche de la crédibilité et de la confiance fut tellement capitale que la priorité a été accordée à la formation dans l’action. Un premier atelier de formation a centré sa thématique sur l’analyse de l’origine du problème de l’indexation en tant que problème social, sur l’évaluation des actions réalisées de manière collective et sur l’importance de la participation des habitants dans les stratégies d’action.
Puis, peu à peu, les habitants, plus actifs, ont commencé à intervenir dans le schéma des objectifs et modalités des instances de formation : ils ont apporté des changements aux contenus en fonction de leurs demandes. Les dirigeants les plus anciens ont ensuite assumé la formation des nouveaux membres.
En bout de course, bien que des difficultés et des conflits apparaissent entre dirigeants (problème de hiérarchie, de communication...) comme dans toute autre organisation, l’expérience semble largement positive. La mise en place de nouveaux centres d’accueil dans d’autres quartiers et le développement des instances de formation sont là pour témoigner du succès de l’opération.
direito à moradia, educação popular, formação jurídica, organização comunitaria, modo de resolução de conflitos
, Argentina
Pratiques du droit, productions de droit : initiatives populaires, 2003
Livro
RE Maria Cecilia ; TAQUELA Maria Eugenia, Acceso a la tierra y construccion ciudadana. Sistematizacion de una experiencia en servicios legales alternativos, Editions CECOPAL, 1998 (Córdoba, ARGENTINE), p 205
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