Realizado por Global Chance
01 / 2004
La scène énergétique française a été marquée pendant le premier semestre de 2003 par la tentative du Gouvernement d’organiser des échanges publics d’opinions sur la politique énergétique. L’opération, dénommée « débat national sur les énergies », était a priori louable et l’on peut penser qu’il y avait de la part de ses initiateurs politiques une certaine intention d’ouverture dans un domaine historiquement opaque. L’absence d’une documentation de qualité, l’organisation extrêmement fermée se dissimulant derrière une communication « grand public » donneuse de leçons et l’obscurité soigneusement entretenue par l’administration sur les enjeux du débat aboutirent à un flop. Le « vrai débat » organisé par les associations environnementales apporta toutefois un peu d’oxygène. Il ressortit cependant de cette multiplication de colloques, vrais, officiels et partenaires, que la priorité de la politique énergétique de la France devait être la maîtrise des consommations d’énergie pour des raisons de préservation des ressources, de sécurité internationale, de protection de l’environnement local et global : le Premier ministre comme la ministre de l’industrie l’ont eux-mêmes proclamé.
Toutefois, dans l’introduction comme dans la conclusion du débat, le Gouvernement reprenait à son compte, sans que la question ait été explicitement débattue, la thèse des promoteurs du nucléaire selon laquelle il fallait choisir entre « le nucléaire ou l’effet de serre » (1). L’effet de serre, repoussoir évident, amenait sur le devant de la scène l’objectif caché de toute l’opération : lancer le plus vite possible la construction d’une nouvelle centrale nucléaire en France, équipée d’un réacteur nucléaire EPR (European Pressurized Reactor).
Après l’été vint la période de préparation des décisions. Le désir de montrer une certaine bonne volonté vis-à-vis des associations environnementales actives dans le débat poussa le Gouvernement à publier un Livre blanc sur l’énergie comprenant des propositions pour une loi sur l’énergie devant fixer le cadre du développement énergétique du pays « pour les trente ans à venir ». En parallèle, le Plan Climat 2003 était en préparation, pour une présentation régulièrement repoussée jusqu’en décembre. Grande activité de réunions et d’écriture.
Las, le Livre blanc et la proposition de loi sont d’une facture médiocre et parfois erronée : absence de
cadre prospectif (si ce n’est un scénario « repoussoir »), aucune proposition sérieuse sur le secteur des transports pourtant désigné comme le plus sensible pour l’énergie comme pour l’environnement, pas de politique volontariste sur la maîtrise des consommations d’énergie malgré l’affichage bienvenu de son caractère prioritaire et le lancement de l’opération « certificats blancs » qui n’est pas à négliger mais ne saurait constituer l’essentiel de la politique, rien sur le rôle déterminant des collectivités locales et territoriales dans le développement de la maîtrise de l’énergie. Bref, peut mieux faire.
Mais, en parallèle, l’offensive pour la construction d’un EPR se poursuit. Proclamé « prototype » nécessitant des années d’apprentissage lorsqu’il s’agit de le construire en France, ce réacteur devient un engin éprouvé et commercial lorsqu’il s’agit de le vendre à la Finlande. Profonde contradiction : si la seconde version est la bonne (il faudrait le souhaiter pour les finlandais qui signeraient sinon un marché de dupe), la construction en France est inutile puisqu’on n’a pas besoin de grande centrale de puissance (nucléaire ou non) avant 2025. D’ici là, si l’utilisation de l’énergie nucléaire doit se perpétuer, des réacteurs plus conformes aux exigences économiques de rendement, de sûreté et de gestion des déchets auront vu le jour.
Ce réacteur nucléaire, pompeusement qualifié de « troisième génération » ne serait en fait, s’il était construit, que le dernier représentant de la première génération des réacteurs de puissance producteurs d’électricité, à uranium enrichi et eau ordinaire sous pression (PWR en anglais et REP en français) issus des réacteurs mis au point dans les années cinquante pour être la source d’énergie des sous-marins nucléaires américains.
C’est de ce réacteur, de son utilité éventuelle pour la production d’électricité en France et des risques qu’il présente qu’il va être question dans ce numéro 18 des Cahiers de Global Chance. Dans toute cette affaire, la chose la plus inadmissible n’est pas qu’il y ait des défenseurs de l’EPR (en tout premier lieu ses promoteurs et les entreprises qui désirent le vendre) mais que le Gouvernement n’ait pas exigé de ses services un rapport complet et public présentant l’ensemble des éléments permettant de porter un jugement sur l’opportunité ou non de construire une nouvelle centrale nucléaire équipée d’un réacteur EPR.
Ce document devrait comporter :
La présentation des différents scénarios existants (2) (et pas seulement « le » scénario de l’administration) de la demande d’énergie en France, notamment ceux qui permettent de respecter les engagements de la France dans la lutte contre le changement climatique (rappelons que le Premier ministre a fixé un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’un facteur 4 à l’horizon 2050, ce qui implique une réduction d’un facteur 2 de la consommation d’énergie).
L’évolution de la demande d’électricité dans les différents scénarios et les différentes solutions techniques et économiques susceptibles de répondre à cette demande (les coûts de fourniture étant comparés à ceux de la maîtrise de la demande d’électricité). Les engagements pris dans le cadre européen sur la part des énergies renouvelables pour la production d’électricité et la production de chaleur doivent également être pris en compte. Les solutions de production décentralisée, dont la cogénération, devront être présentées.
Dans ce cadre, examiner la question de la période de remplacement des centrales de grande puissance par une analyse du parc nucléaire actuel, une présentation sérieuse des problèmes de sûreté nucléaire et de gestion des déchets, une argumentation technique et économique concernant l’EPR, le retraitement et l’utilisation du plutonium.
Tant qu’un tel document ne sera pas posé sur la table et soumis à un débat public et contradictoire, on ne saurait accorder foi aux protestations de volonté de concertation du Gouvernement.
Global Chance
Les fiches de ce dossier ont été publiées dans le numéro 18 des Cahiers de Global Chance, en janvier 2004.
Sommaire
L’EPR qu’est-ce que c’est ?
Fiche EPR (European Pressurized Reactor) - Global Chance
Les risques du nucléaire français au temps de l’EPR, Yves Marignac - Wise Paris
Le Blayais dans la tempête ou merci au bogue de l’an 2000 - Monique Sené (Gsien)
Pourquoi construire des EPR ?
Quelle place pour les EPR en France dans les 30 ans qui viennent ?
La durée de vie des centrales nucléaires et les nouveaux types de réacteurs - Benjamin Dessus et Bernard Laponche
Du point de vue de l’environnement
Politiques nucléaires à l’horizon 2050 et effet de serre : que disent les scénarios mondiaux et nationaux ? - Global Chance
Le point de vue économique
Le coût du kWh EPR - Benjamin Dessus (Global Chance)
Du point de vue de l’activité industrielle
EPR ou renouvelables : un choix social - Antoine Bonduelle (association DETENTE)
Fiche EPR (European Pressurized Reactor)
Les risques du nucléaire français au temps de l’EPR
Le Blayais dans la tempête ou merci au bogue de l’an 2000
Quelle place pour les EPR en France dans les 30 ans qui viennent ?
La durée de vie des centrales nucléaires et les nouveaux types de réacteurs
Politiques nucléaires à l’horizon 2050 et effet de serre
EPR ou renouvelables : un choix social
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