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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

La transparence permet la responsabilité de la base (Burkina Faso)

Le dégoût d’un responsable d’association devant tout ce que l’on cache pour continuer à être aidé (ASSY, Yatenga)

Baba OUEDRAOGO, Christophe VADON

07 / 1998

Baba OUEDRAOGO, président de l’ASSY (Association pour la survie au Sahel et au Yatenga) décrit ceci :

"Prenons l’exemple du petit projet de compostage financé par les groupements Naam. Nous, les acteurs, n’avons même pas su que la Fédération Naam était financée pour cela. Or le bailleur est venu contrôler sur le terrain. Est-ce qu’il faut qu’il y ait un secret au sein de l’aide ? Pourquoi y a-t-il un secret entre l’acteur de la base et le bailleur de fonds ? Entre le promoteur et le bailleur de fonds ? C’est sûr que "toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire", mais si on prend ce principe on ne va pas échapper à des choses désagréables. Petit à petit, plus ce sera caché, plus cela deviendra grave car un jour, les problèmes n’arriveront pas à se cacher. Et alors cela peut détruire en une seule fois tout un effort de 10 ou 20 ans. C’est malheureux.

Je prends un autre exemple, au Yatenga, l’alphabétisation ; il y a un problème aujourd’hui en 1998. C’est difficile à gérer mais depuis des années entre bailleurs de fonds, leaders et paysans, cela marche. En 1997, les bailleurs de fonds ont fait une enquête plus précise et ont découvert une quantité de centres d’alphabétisation fictifs. J’avais souligné ce problème au séminaire de programmation, dès juillet 1995. Car en 1995 on avait 93% de réussite ; je leur ai dit : "Si ce taux est vrai, alors en l’an 2000, on aura plus que 100 !" On fait attention à cela à l’ASSY. Si on ne peut pas ouvrir une classe, comme prévu lors de la séance de programmation on le dit, on le signale. Tu comprends, si tu l’as programmée, tu es sûr de recevoir le salaire de l’animateur et la nourriture, même si tu n’ouvres pas le centre ! C’est bien que je leur ai écrit que je n’ouvrais pas le dernier centre par exemple parce que si je ne l’avais pas fait par écrit, j’aurais eu un centre fictif comme les autres ont fait. Pour éviter que cette chose recommence, j’ai proposé à l’évaluateur qu’il marque dans son rapport que chaque partenaire qui travaille sur ce programme d’alphabétisation, connaisse ce qui est donné par le bailleur pour l’alphabétisation. En effet auparavant, l’évaluateur m’a demandé si j’avais reçu des ardoises ou des livres pour les femmes. J’ai dit : "non, j’achète les livres et les ardoises avec le produit du champ d’arachide." Il m’a dit : "Est-ce que l’animateur reçoit 23.000 CFA (230FF) ?" J’ai dit que je ne savais pas. On m’a alors dit : "Il reçoit 20.000 CFA" et non pas les 23.000 inscrits au budget. Si j’avais su moi que cet animateur ne recevait pas tout son argent, que les femmes devaient recevoir des livres, etc., j’aurais pu vérifier. Mais pour vérifier, il faut que les bénéficiaires soient au courant de ce qui est à leur disposition. Il faut que l’ensemble de la chaîne - pas seulement le service alphabétisation, mais aussi le donateurs, mais aussi les bénéficiaires finaux - soient au courant.

Moi, je pense que le vrai problème du développement, c’est la responsabilité. C’est quoi ? Ce n’est pas recevoir de l’argent d’un groupement, ce n’est pas s’occuper des signatures, ce n’est pas négocier : pour moi, la responsabilité c’est - comment expliquer cela en français - tu es devant un groupe, il faut que tu ressentes le problème du groupe comme tu ressens ton propre problème. C’est cela qui se passe dans une famille. Les membres d’une famille sentent ton problème comme leur problème. C’est très différent dans un groupement que j’appellerais artificiel. Si dans un groupement le président par exemple reçoit quelque chose, s’il détourne quelque chose, il va le donner à sa famille. Mais si il est le président de la famille, il ne peut pas voler sa famille ! Un proverbe mossi dit "On ne se chatouille pas pour rire". Si je prends l’argent de l’aide en parlant des problèmes du groupement et que finalement je prends cet argent pour résoudre mes propres problèmes, est-ce que je suis responsable ? Est-ce que je suis vraiment un responsable ? Non. Tandis que dans une famille, même s’il va bouffer, il ne prendra pas beaucoup, il ne le peut pas. Par contre, un chef de famille même s’il va bouffer, il ne peut pas prendre 500 CFA, bouffer 300 et remettre les 200 qui reste à la famille. Parce que s’il va bouffer, ce sera probablement avec une de ses femmes et cela n’est pas possible : les autres vont le savoir. J’ai connu des présidents d’associations qui bouffent vraiment tout alors que pendant ce temps-là, les gens au village attendent sous le soleil, parce qu’il leur a promis des choses ..."

Mots-clés

organisation paysanne, évaluation, bailleur de fonds, alphabétisation, développement local


, Burkina Faso, Yatenga

Commentaire

En s’appuyant sur l’exemple d’une action très connue dans la région (les classes d’alphabétisation animées par une large gamme d’associations et cofinancées par l’Etat et la Coopération Suisse), notre interlocuteur analyse l’un des défauts du système d’aide : le secret sur les volumes d’argent fourni à un intermédiaire pour satisfaire les besoins des bénéficiaires. Ces derniers ne sachant rien sur ce qui a été négocié en leur nom ne peuvent exercer un contrôle et encore moins une responsabilité ni sur la dépense effective, ni sur les parts prélevées par l’intermédiaire. La transparence doit aller jusqu’à la base sinon elle illusionne le ... donateur.

Notes

Voir la fiche DPH n° 7439 du même auteur.

Entretien avec OUEDRAOGO, Baba réalisé à Ouahigouya en janvier 1998.

Source

Entretien

VADON, Christophe

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