C’est un des avantages du travail en équipe : chaque brouillon, chaque version est soumise à la critique et à l’enrichissement du groupe. Parmi les améliorations ainsi obtenues il en est une qui me semble particulièrement intéressante.
Lorsque nous croyons avoir découvert une piste de savoir ou de savoir-faire, nous procédons souvent par comparaison pour mieux marquer les différences par rapport aux connaissances et pratiques classiques. La négation critique de celles-ci sert à mieux affirmer les autres.
A mieux affirmer ? C’est d’abord pour éviter de heurter les susceptibilités et donc de créer des rejets chez certains lecteurs que nous avons commencé dans nos équipes à chercher une autre manière de présenter. « Essaie plutôt de le dire par la positive ! »
En fait, ce qui était en apparence une simple question de style nous a finalement beaucoup apporté quant à approfondir la réflexion de l’expérience. Au lieu de condamner le modèle qui inspire l’autre, l’ailleurs, l’avant, il nous a fallu nous plonger plus à fond dans les évolutions vécues, dans ce qui les avait provoquées. C’est en voulant éviter une présentation en noir et blanc que nous avons appris à mieux apprécier le rôle des réponses et réactions de la réalité à nos propositions et nos actions et que notre tableau d’expérience s’est enrichi en couleurs.
Ainsi, un style de présentation pour la diffusion nous a amenés à modifier nos méthodes d’interprétation !
Mais, tout en voulant échapper au noir et blanc de la condamnation/affirmation, nous n’avons pas pour autant rejeté tout usage des couleurs crues, vives, entières. Pour insérer toutes les nuances désirables, il aurait fallu être artiste et savant encyclopédiste à la fois. Nos terrains sont des globalités que nous ne travaillons et comprenons que partiellement : devions nous nous taire jusqu’à en avoir exploré tous les recoins ou dans l’attente d’un artiste extérieur ?
C’est dans l’optique d’un grand débat pour la reconstruction des savoirs et des pratiques que nous avons procédé. Donc nous n’avons pas renié l’usage des affirmations aux couleurs crues, même si elles étaient incomplètes, même si elles restaient encore schématiques. Nous avons simplement cherché à ce que dans nos capitalisations s’affirment différents points de vue, quand bien même ils pouvaient sembler contradictoires entre eux : le rôle d’UNE capitalisation n’est pas d’offrir des réponses définitives mais d’enrichir le débat commun.
En posant les réponses et réactions de nos terrains sous forme d’affirmations, nous prétendions susciter les réponses et réactions d’autres terrains différents, complémentaires et élargir le débat interne à notre expérience.
Ainsi, dans la plupart de nos récentes capitalisations, nous avons multiplié les affirmations qui interrogent et les questions qui interpellent et nous avons en même temps évité les chapitres de conclusions. Afin que la reconstruction des savoirs et des pratiques s’étende à tous les terrains au lieu de s’enfermer dans les laboratoires ou chez les décideurs !
recomposition du savoir, communication, méthodologie, capitalisation de l’expérience
, Amérique Latine
Personnellement j’ai presque toujours procédé par affirmations pour stimuler le débat, mais je l’ai fait trop souvent en noircissant l’un pour éclairer l’autre, ce qui aboutissait parfois à des blocages. Nos récentes dynamiques de capitalisation m’ont beaucoup servi pour revaloriser le rôle de l’affirmation tout en cherchant à la rendre plus utile au débat.
Ce dossier est également disponible sur le site de Pierre de Zutter : p-zutter.net
Version en espagnol du dossier : Historias, saberes y gentes - de la experiencia al conocimiento