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Capitalisation : que recueillir dans les témoignages

Pierre DE ZUTTER

08 / 1993

Que recueillir dans les témoignages ? Cette question revient sans arrêt dans nos négociations et débats à l’heure de commencer une capitalisation d’expérience.

Notre première tendance est de constituer une liste des thèmes qui seraient « intéressants ». C’est ce que j’avais essayé de faire en mars 1991 à Cochabamba, Bolivie, au moment de lancer la capitalisation du Priv: en quelques minutes j’avais plus de 50 rubriques possibles ! Heureusement nous en sommes restés là : cette liste nous a servi de référence et d’exemple de toute la diversité existante mais nous ne l’avons pas prise comme guide.

Car en fait nous avons découvert très vite que le témoignage n’est pas là pour recueillir un thème mais un auteur, c’est-à-dire une expérience à travers ses acteurs.

C’est donc vers les différentes caractéristiques des auteurs et le rôle que pouvait jouer le témoignage dans la capitalisation de chacun et de l’ensemble qu’il a fallu nous tourner.

Bien sûr il y a une sorte d’axe thématique qui nous inspire : si nous nous efforçons de capitaliser telle expérience plutôt que telle autre, c’est parce qu’elle semble porteuse de connaissances dans telle ou telle direction. Pour le Priv c’était d’abord toute la question des rapports entre projet et paysans, entre techniciens et paysans. Mais par la suite de nouvelles pistes sont apparues. Si le contexte s’y était prêté, nous aurions par exemple pu réaliser toute une capitalisation sur la question des rapports entre professions, par exemple, car il y avait là matière à bien des réflexions et des apports.

D’informateurs à auteurs ! C’est là un des défis que nous assumons dans la capitalisation. Il s’agit donc que les paysans, les techniciens, en général tous les acteurs directs de l’expérience élaborent leurs acquis, deviennent auteurs de connaissances. Cette priorité a des conséquences importantes dans le travail du témoignage : plus que le recueil d’informations que d’autres élaboreront par la suite ou ailleurs, nous privilégions le rôle du témoignage dans le processus de chacun et de l’ensemble.

Dans cette optique nous avons pu constater au moins quatre dimensions du témoignage : le lancement ou le déblocage de processus personnels et/ou groupaux; le recueil d’informations qui s’expriment rarement sous d’autres formes, telles que le vécu, les anecdotes marquantes; l’élaboration de messages sur la base de l’expérience; la définition des besoins et possibilités de diffusion.

Tout cela bien sûr en fonction de l’auteur de témoignage.

Ainsi, un dirigeant paysan habitué à délivrer des messages au sein d’assemblées ou même dans les médias verra dans le témoignage l’opportunité d’enregistrer ses dires pour qu’ils puissent être transformés en écrits ou en autres produits de diffusion. C’est cela qui le motivera. Alors que d’autres (techniciens ou paysans de base) trouveront là l’occasion d’une prise de parole à laquelle ils ne sont pas habitués et commenceront à y faire leur apprentissage.

Ainsi, un groupe pourra désirer reconstruire et enregistrer une histoire controversée et avancera au rythme des informations et opinions qu’il désire recueillir, alors que pour certains cela sera l’opportunité de se libérer, de raconter, de dire, et la parole commencera par ruisseler dans tous les sens.

Alors, que recueillir dans les témoignages ? Nous croyons souvent que pour améliorer le recueil il s’agit de bien se préparer quant à la thématique. C’est important, mais nous avons vu dans la pratique qu’il s’agissait d’abord de bien se préparer quant à l’auteur, qu’il peut y avoir différentes phases dans un même témoignage, ou qu’un témoignage peut être parfois meilleur s’il se fait en plusieurs fois, par exemple une fois pour prendre la parole, une autre pour approfondir le message, une autre pour améliorer sa forme, etc. Tout dépend si la capitalisation va se poursuivre par l’oral ou si elle va adopter d’autres formes. Tout dépend de l’auteur.

Que recueillir dans le témoignage ? C’est ce que nous nous demandons pour savoir quelles questions poser ou aider chacun à se poser. Mais plus que poser des questions il s’agit peut-être surtout de motiver, de préciser les tenants et aboutissants du travail que l’on entreprend, de mieux sentir vers où l’on va.

Mots-clés

technicien et paysan, recherche et développement, information, communication, méthodologie, valorisation de l’expérience, capitalisation de l’expérience


, Bolivie, Pays andins, Cochabamba

dossier

Des histoires, des savoirs et des hommes : l’expérience est un capital, réflexion sur la capitalisation d’expérience

Commentaire

Tout cela ne signifie en aucun cas qu’il n’y a pas de questions « thématiques » à poser. Elles peuvent être utiles dans la mesure où elles aident à motiver, à mieux cerner l’entreprise, à mieux placer l’auteur face à sa responsabilité de produire des connaissances. Mais le danger permanent, hérité des relations classiques entre terrain et académie, c’est que l’auteur disparaisse derrière le thème, qu’il se replace (ou se sente replacé) en situation de simple informateur.

Notes

Le PRIV : Proyecto de Riego Inter-Valles est réalisé à Cochabamba-Bolivie, entre l’Etat bolivien et la Coopération Allemande, depuis 1977. La capitalisation s’est faite sur un budget de la GTZallemande.

Fiche traduite en espagnol : « Capitalización: ¿Qué recoger en los testimonios? »

Ce dossier est également disponible sur le site de Pierre de Zutter : p-zutter.net

Version en espagnol du dossier : Historias, saberes y gentes - de la experiencia al conocimiento

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