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L’association des Glénans en Bretagne : un projet et une organisation en évolution par paliers depuis sa création en 1947

Elisabeth BOURGUINAT

08 / 2000

L’association des Glénans a été fondée en 1947 par deux anciens animateurs d’un réseau de la Résistance pour réinsérer dans la société des jeunes gens qui, pendant plusieurs années, avaient dû se cacher. Elle doit son nom à l’archipel des Glénans, au sud de Concarneau, où un camp de vacances avait été installé, ce qui nécessitait l’usage de la voile ; ce sport étant alors réservé aux milliardaires, les fondateurs se sont formés auprès des marins-pêcheurs et le projet initial a évolué vers la création de liens collectifs entre les hommes et les femmes à travers diverses activités maritimes.

L’association s’est fortement développée entre 1947 et 1977, car elle était alors la seule école de voile ; en 1977, elle totalisait 130 000 journées de stage dans l’année. Les difficultés sont venues de ce que l’association, vieillie, n’avait pas su s’adapter au développement de la plaisance sur des bateaux modernes, à l’arrivée de la planche à voile et de la voile légère hors régates, et surtout à l’apparition de la concurrence ; or ses moyens économiques ne lui permettaient pas de renouveler les bateaux.

Des mesures draconiennes ont alors été prises : plan de licenciement de 25 pour cent des salariés et instauration du contrôle de gestion ; par ailleurs, l’association a acquis de nouveaux bateaux et s’est rapprochée de la Fédération Française de Voile.

La question fondamentale était la suivante : fallait-il faire évoluer l’association vers une entreprise de formation ou profiter de ce nouvel élan pour réaffirmer son projet fondateur ? Une démarche d’analyse stratégique a été menée avec l’aide bénévole d’un membre du Boston Consulting Group, ancien des Glénans, et une très forte mobilisation des membres de l’association : des permanents sont allés interroger d’autres associations, des bénévoles ont fait des interviews au Club Méditerranée. Cette mobilisation et l’aide du consultant ont permis de retrouver une croissance forte et de baisser les tarifs, renouant ainsi avec le projet de l’origine.

Entre temps, pour accroître son activité en la désaisonnalisant, l’association avait fait appel à de nombreux objecteurs de conscience et à des jeunes en contrat de qualification. Peu à peu s’est fait jour l’idée que la réinsertion sociale pouvait devenir un objectif de l’association ; une opération baptisée Frère des Mers a été lancée pour favoriser l’insertion des jeunes en difficulté à travers la construction de petits bateaux.

Selon Jean-Louis Laville, sociologue au CNRS, la survie et le développement d’une association se heurtent à deux écueils : le fait de ne considérer que le projet, en négligeant l’organisation par laquelle celui-ci se réalise ; le fait de réduire l’association à son organisation et de travailler sur les moyens indépendamment des finalités.

Par ailleurs, alors que les associations représentent, en France, 800 000 emplois en équivalent temps plein, elles ne sont toujours pas considérées comme un véritable objet d’étude, distinct de l’entreprise et de l’administration. Les changements organisationnels plaqués sur l’association à partir du modèle de l’entreprise ou de l’administration ne peuvent aboutir ; les démarches de changement doivent nécessairement prendre en compte, pour réussir, l’imbrication des différentes logiques qui fondent l’association : logique civique, logique marchande (beaucoup d’associations vendent des services), logique professionnelle (le militantisme de l’origine évolue généralement vers une professionnalisation, même bénévole), qui entrent parfois en conflit les unes avec les autres, au fil de l’histoire de l’association. Ainsi, une étude menée dans une fédération d’Emmaüs a montré qu’il existait en son sein une forte demande de rationalisation des procédures, mais que ceux qui conduisaient cette rationalisation étaient rapidement exclus, parce que toute tentative de rationalisation apparaissait, en fait, insupportable.

Mots-clés

mer, association, entreprise, consultant, gestion d’entreprise


, France, Concarneau, Glénans

Commentaire

Qu’est-ce qu’une association ? Autant il est facile de se représenter comment elle naît et comment elle se développe dans les premiers temps, autant son inscription dans la durée pose problème : ne s’agit-il pas d’un modèle instable, destiné à évoluer soit vers le secteur strictement marchand, soit vers l’administration ? Si la création d’une association traduit un véritable besoin - et sa survie après les premiers mois ou les premières années qui exigent une dépense d’énergie considérable tend à le démontrer - il semble logique que ce besoin soit rapidement pris en charge par le secteur privé s’il est solvable, par le secteur public dans le cas contraire. On ne peut qu’approuver la recommandation selon laquelle on ne doit oublier ni le projet ni la dimension organisationnelle de l’association, mais il me semble qu’en définitive c’est malgré tout le projet qui doit prévaloir, même au détriment de la forme associative : on peut se réjouir que les initiatives mutualistes du XIXe siècle aient abouti à la création de la Sécurité sociale, même si c’est actuellement au détriment du nombre d’adhérents des mutuelles, ou qu’une association d’aide aux personnes âgées comme Accueil et Service (voir fiche 25)s’attire la concurrence de nouveaux services marchands.

Sans doute l’apport le plus original d’une association se fait-il dans ses premières années ; or, comme le souligne J.-L. Neuville, lorsque les associations sont consultées dans la vie économique et sociale, ce sont généralement vers les plus institutionnalisées qu’on se tourne : ainsi, alors que les Régies de quartier ont acquis depuis 15 ans une réelle audience dans les quartiers difficiles, seules les associations de locataires, qui selon lui ne mobilisent pratiquement plus personne, sont consultées pour la conception des nouvelles politiques de la ville. Peut-être faudra-t-il, lorsqu’on aura étudié la vie des associations, s’interroger aussi sur la façon dont elles doivent accepter de mourir (sauf à prouver qu’elles continuent de remplir leur rôle de façon incomparable...).

Source

Compte rendu de colloque, conférence, séminaire,… ; Articles et dossiers

BOSC HADDAD, Yoram, LAVILLE, Jean Louis, CLAES, Lucien, La montée des associations - séminaire 'Vies collectives' in. Les Annales de l'Ecole de Paris, 1999 (France), V

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