Entretien mené par une journaliste indienne auprès d’un membre de WWF-Royaume-Uni.
- Quel est l’état de l’environnement en Inde ?
Delhi est une ville plus propre maintenant. On voit moins de triporteurs. Lors de ma dernière visite, il y avait comme une voûte de fumée bleue au-dessus des routes. Il semble que ce phénomène ait disparu. J’ai été surpris de ne voir aucun vautour. La disparition des oiseaux est un phénomène universel. Il y a quelques années, les alouettes étaient très nombreuses dans le ciel anglais. Au printemps dernier je n’en ai vu aucune. Même au Vietnam on trouve des forêts vides d’oiseaux. Tout cela est inquiétant. C’est peut-être dû à l’agriculture intensive, à un usage intempestif des engrais chimiques et à une rupture de la chaîne alimentaire.
- Parlez-nous de votre nouvelle approche
Une personne « non éduquée » est celle qui n’a pas pris conscience que son univers est menacé par un certain nombre de problèmes. L’éducation à l’environnement s’est vite diffusée au Royaume uni. Mais il ne faudrait pas en faire une matière parmi d’autres, parce que ce serait une option facile pour les enseignants et cela deviendrait une matière ennuyeuse pour les élèves. L’éducation à l’environnement doit au contraire s’intégrer à tout ce que nous faisons avec conviction : les mathématiques, la physique, les matières littéraires, l’art. Les écologistes se trompent lorsqu’ils croient aider les professeurs à faire de l’éducation à l’environnement en produisant des panneaux faciles à accrocher au mur. Cela ne marche pas ! Les écologistes qui connaissent bien les contraintes de la pédagogie et des programmes ne sont pas si nombreux. Ma technique est de repérer les enseignants qui ont de bons rapports avec leurs élèves. S’il s’agit d’un professeur de mathématiques, je lui demanderai comment on peut faire passer la problématique de l’environnement à travers des cours de mathématiques. C’est ainsi qu’on arrive à accrocher l’élève.
- Comment faire participer les gens à la gestion des ressources naturelles ?
Au fil des ans, je me suis fait mal voir d’un certain nombre de personnes au Fonds mondial pour la nature (WWF) parce que j’ai toujours pensé que si on trouvait des solutions aux problèmes humains, alors les animaux pourraient très bien s’occuper d’eux-mêmes tout seuls. Si vous cherchez une solution à un problème de la forêt humide au Brésil, il faut d’abord commencer par parler aux gens. Les « conservationnistes » qui débarquent dans un pays avec en tête uniquement telle ou telle plante, telle ou telle bestiole sans s’intéresser aux populations locales sont bien arrogants, et leur travail se révèlera inefficace de toute façon. Pour les populations locales, la première urgence c’est de survivre. La préservation de l’environnement passe évidemment après. Si pour assurer leur subsistance ils sont obligés de commettre des dégâts dans leur environnement, ainsi soit-il ! Si j’étais paysan en Afrique, par exemple, et que ma famille avait faim, qui aurait le droit de m’empêcher de vendre une corne de rhinocéros, sachant que cela permettrait de faire manger ma famille pendant un an ?
- Et l’abattage raisonné d’animaux sauvages ?
Je pense à un geste particulièrement ridicule : cet ivoire saisi en Afrique de l’Est et qui est parti en fumée, ça n’a pas de sens ! Comment des gens aisés de pays privilégiés peuvent-ils interdire la vente de la partie la plus rentable des éléphants tués (vente qui aurait pu rapporter quelque chose aux pauvres gens du coin) tout en leur laissant l’usage des autres parties de la carcasse ? Il est curieux de constater que les organisations environnementalistes s’intéressent surtout aux grands animaux. Or 99,5 pour cent du règne animal est composé de créatures qui sont plus petites qu’un oeuf de poule. Si les éléphants et les tigres disparaissaient de la face du monde, ce serait un effroyable désastre. Mais cela ne perturberait pas de façon significative l’équilibre naturel. Trop peu de gens se soucient du sort des nématodes et autres petites bestioles. Pourtant il en disparaît tous les jours, ce qui a des effets calamiteux pour la vie sur terre.
- Que pensez-vous des OGM ?
Les pays européens sont très sensibilisés à ce problème. Lorsque le débat devient public, le gouvernement se retrouve du mauvais côté. Il investit dans un projet, puis lorsqu’il sent qu’il va perdre la bataille il fait marche arrière. Mais la question la plus importante, c’est de savoir comment empêcher les dérives éventuelles de la biotechnologie.
- Il y a de plus en plus de procès pour la défense de l’environnement
C’est bon signe, à condition que les écologistes gagnent au moins une fois sur deux. Sinon leur capacité à convaincre sera dévaluée. Ils doivent faire preuve de vigilance et de constance car les milieux industriels et les gouvernements disposent de grandes ressources. Ils agissent avec méthode et sont capables de soutenir un procès pendant de longues années.
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, Royaume-Uni, Inde
A chaque Ong sa spécialité : à l’une la conservation de la faune et de la flore, à l’autre le développement rural ou l’humanitaire. Mais ne perdons pas de vue que le but ultime du militantisme associatif devrait être un plus grand bien-être pour le plus grand nombre. Les écologistes indiens du Centre for Science and Environment (CSE), que l’on peut qualifier d’écologistes sociaux, expriment de fréquentes critiques à l’encontre de certaines grandes associations environnementalistes internationales qui joueraient trop le jeu des grands intérêts économiques et politiques des pays industrialisés. Le cas exemplaire a été l’affaire récente de l’embargo imposé par les Etats-Unis sur les importations de crevettes en provenance de quelques pays asiatiques. Soucieux de protéger certaines tortues de mer, les autorités américaines agissant sous la pression de groupes écologistes « conservationnistes », exigeaient que les chaluts des bateaux producteurs soient équipés de dispositifs évacuateurs de tortues. Manifestant une fois de plus son non-alignement, l’Inde a porté l’affaire devant l’organe de règlement des différends de l’OMC. « Il y a aussi des êtres humains dans la nature », lit-on dans Down To Earth.
Ce texte est extrait de la revue bimensuelle Down To Earth, publiée par le Centre for Science and Environment, 41 Tughlakabad Institutional Area, New Delhi 110 062, Inde ; e.mail : cse@cseindia.org ; www.cseindia.org.
Ivan Hattingh, qui fait partie de WWF-Royaume-Uni, s’entretient ici avec une journaliste indienne, Jittendra Verma.
G. Le Bihan traduit les articles de Down to earth pour la revue Notre terre, vers un développement durable. Il a repris cet article sous forme de fiche DPH.
Articles et dossiers ; Entretien
Entretien avec Ivan HATTINGH, Entretien avec.. in. Notre Terre, vers un développement durable, 1999/10 (France), 1
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