Ma première grande capitalisation, celle du Honduras en 1979, je l’ai faite avec une machine à écrire et du papier, c’est tout. Seul, loin des collègues avec qui j’avais partagé l’expérience, entouré des documents que j’avais conservé, je n’avais pas besoin de beaucoup plus. D’autres se seraient même satisfaits d’un crayon et de papier. Il n’est donc pas indispensable d’avoir un équipement extraordinaire pour capitaliser. Mais…
Mais ce qui nous intéresse dans la capitalisation c’est la valorisation et le recueil des vécus et connaissances d’un maximum d’acteurs, lesquels n’ont pas toujours pour métier d’écrire. Or les apports de chacun dépendent en grande mesure de ce que, au moins dans un premier temps, ils s’expriment sous la forme qui les aide le mieux à élaborer, même si ensuite il faudra veiller à trouver les formes les plus adéquates au partage. L’oral, le dessin, la mimique, la chanson… : la capitalisation doit être à l’écoute (et au recueil) de ce qui sert le mieux les auteurs.
Dans nos expériences d’appui à des capitalisations, la première priorité d’équipement a été consacrée au matériel d’enregistrement des voix : aux magnétophones et leurs cassettes. C’est peu coûteux, peu encombrant et très utile. Très utile car l’oral est une des premières formes d’expression du terrain.
Et nous y avons rajouté un petit instrument que l’on trouve très, très rarement dans nos institutions et nos projets : une machine à transcrire, un appareil à pédale qui permet une écoute plus commode et de meilleure qualité afin de pouvoir passer de l’oral à l’écrit.
Cet instrument (que nos organisations n’ont presque jamais, même celles qui possèdent toutes sortes d’équipements, car nous sommes toujours plus préoccupés de produire nos messages que de recueillir et aider à élaborer ceux des autres) est une clef essentielle pour le passage de l’oral à d’autres formes d’expression. On le confond d’habitude avec le dictaphone- transcripteur qui permet à un cadre ou dirigeant de dicter son courrier à la secrétaire, et qui utilise souvent des minicassettes. Ce que nous recherchons c’est un appareil qui contribue au terrain et qui accepte donc les cassettes standard, les plus communes dans la pratique.
La deuxième priorité d’équipement c’est l’ordinateur. Aussi bien pour la gestion de la documentation écrite que pour l’appui à l’oral et sa transcription.
Sans ordinateur, il m’était arrivé de laisser tomber le produit de semaines de travail simplement parce que le processus de correction des transcriptions d’enregistrement était devenu une corvée insupportable. Dix fois, vingt fois il faut reprendre, surtout lorsque l’on veut restituer pour stimuler de nouveaux apports, de meilleures manières de dire. L’ordinateur aide à diminuer le côté trop pénible de ce travail et même à lui redonner une créativité intéressante.
Quel ordinateur et quels logiciels ? Tout est possible bien sûr mais les conditions de base pourraient être les suivantes: un disque dur avec une mémoire correcte (en commençant le travail par l’enregistrement de l’oral on arrive facilement à brasser des millions d’octets; ajoutons-y la documentation…) ; un bon logiciel de traitement de texte (je n’en ai jamais eu besoin d’autre pour une capitalisation et il y en a d’excellents qui sont déjà du domaine public) et un petit logiciel de gestion visuelle des principales commandes (pour ne pas avoir à « apprendre » l’informatique).
Enfin, pour compléter, une petite imprimante qui serve à restituer. Avec une des plus simples, puis des ciseaux et de la colle, on peut sans problème préparer rapidement des produits artisanaux bien faits, agréables à lire, stimulants pour les auteurs. La photocopieuse permet d’obtenir quelques exemplaires mais on n’a pas besoin d’avoir sa propre photocopieuse.
Tout cela constitue l’équipement de base que l’on pourrait acquérir pour deux ou trois mille dollars. Avec lui il m’est arrivé d’enregistrer un entretien le matin et de le restituer le lendemain après-midi sous forme d’un petit livret de 20 pages joliment imprimé.
Ensuite, on peut améliorer. Par exemple, un ordinateur portable est bien agréable sur le terrain. On peut même rêver. Un scanner permettrait de reprendre par exemple des dessins paysans, de recueillir les évolutions d’une « carte parlante ».
informatique et societé, informatique, communication, décloisonnement des disciplines, capitalisation de l’expérience
,
C’est dans la capitalisation que l’ordinateur, qui suppose des dépendances et une technologie parfois fragilisante pour des cultures locales, prend une nouvelle dimension en favorisant, facilitant et accélérant aussi bien l’élaboration des connaissances locales que leur partage avec d’autres.
Fiche traduite en espagnol : « Capitalización: Las necesidades de equipamiento »
Ce dossier est également disponible sur le site de Pierre de Zutter : p-zutter.net
Version en espagnol du dossier : Historias, saberes y gentes - de la experiencia al conocimiento