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Les jeux de Siva

Jean Christophe LALLEMENT

03 / 1999

Le Kannada est une langue endémique du Sud de l’Inde dont la limite géographique correspond à l’État du Karnataka. Complètement étrangère à la famille indo-européenne, elle relève de la famille linguistique dravidienne et son écriture dérive de l’écriture Brahmi. Le premier écrit en kannada est une inscription du Vè siècle mais son histoire littéraire commence seulement au IXè siècle avec un ouvrage intitulé " La voie royale des poètes ". Dès 1346, le Karnataka devint le centre d’un Empire englobant presque tout le sud de l’Inde et qui devait être le dernier empire hindou. En tant que tel, il se singularisa par son combat pour la conservation de la religion et de la culture hindoues mais devait finir par succomber en 1565 face aux musulmans.

Au milieu du XIIè siècle, un grand réformateur religieux devait prêcher une nouvelle voie. Pour véhiculer ses idées il choisit une forme littéraire simple, les Vacana ou " paroles ", afin de louer les dieux et parvenir à la libération de l’âme. En son temps, parmi le panthéon hindou, Siva était le plus vénéré des dieux et cette dévotion devait alimenter considérablement la littérature. C’est dans ce contexte, durant la première dynastie de l’empire du Karnataka, que vécut Lakkana Dandesa. à la fois ministre du roi, général et poète, il était doté d’un esprit très religieux et d’un goût prononcé pour les lettres. Sa grande uvre est un long poème consacré à Siva, intitulé " Joyau des réalités de Siva " et daté de 1441. Parmi les " réalités " de Siva figurent vingt-cinq mythes appelés " jeux ". Quatre de ces mythes, traduits par Vasundhara Filliozat, constituent cet ouvrage. Inspiré des textes sacrés du Védisme, ces poèmes déclinent les trois réalités du dieu selon les différents niveaux de représentation que lui accordent ses croyants. Bien que l’hindouisme soit un polythéisme, Siva est un dieu unique pour les sivaïtes et tout autre figure divine émane de son essence. Il est le maître du feu et son originalité consiste en son goût pour la danse. Danse de destruction lors de la fin du monde, danse de création lors de la renaissance, de félicité lorsque la connaissance éclaire les ténèbres de l’ignorance, Siva apparaît ainsi comme la manifestation divine des forces qui président aux métamorphoses du monde.

Nandisa jouait du tambour ; celui qui est né dans le lotus, Brahma, tenait les cymbales pour marquer le rythme ; avec ostentation Visnu chantait sous son déguisement féminin. Jetant ses regards vers son épouse, le dieu Siva dansait la danse cosmique de la félicité avec des mouvements de mains très réguliers. Les sages suprêmes, Bhrgu, Pulastya et d’autres, dans la joie faisaient l’éloge du dieu. (...)Ayant vu les ascètes faire son éloge, l’époux de la fille de la montagne, Siva, leur accorda sa grâce et réalisa leurs souhaits. Puis, dans la joie il retourna à sa résidence, le mont Kailasa. Les hommes aux bonnes qualités et à la bonne conduite, qui écoutent cette histoire, seront gratifiés d’une richesse immense dans ce monde et auront la place de Rudra dans l’autre.

Mots-clés

linguistique, tradition, développement culturel, religion, diversité culturelle


, Inde

Source

Livre

Les jeux de Siva, Alternatives, 1997 (France)

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