La capitalisation de l’expérience n’est pas une invention récente, loin de là. Transformer l’expérience en connaissance est une des plus vieilles pratiques de l’humanité! Nos efforts actuels se dirigent plutôt à enrichir la capitalisation traditionnelle en essayant d’offrir de nouvelles possibilités de partage et de dialogue autour des cheminements vécus et autour d’une élaboration collective des connaissances pour une recomposition du savoir.
Il y a donc une condition indispensable pour favoriser l’entreprise: avoir la possibilité de diffuser et d’entrer au partage.
C’est parce qu’on ne croyait pas aux possibilités d’une bonne diffusion que bien des efforts se sont taris ou ont dérivé. A quoi sert de prendre la parole, de la travailler et de l’étoffer si l’on ne sera pas écouté ? Souvent mon apport principal en tant qu’appui à des capitalisations a consisté à offrir une sorte de garantie quant à la création d’un produit et donc quant à l’intérêt des éditeurs.
Mais les circuits classiques de diffusion ne peuvent être suffisants. D’abord les règles du jeu commercial ont leurs contraintes bien spéciales et le marché de nos produits de capitalisation est (encore ?) limité. Ensuite ces circuits ne sont accessibles qu’à certains publics. Nous devons les utiliser au maximum mais nous avons aussi besoin de les compléter.
C’est donc là un aspect essentiel du contexte à considérer : les conditions pour la diffusion. C’est là où pèchent ou se frustrent bien des initiatives.
Quant à la diffusion imprimée (puisque c’est là que se situe ma propre expérience) nous avons dans les Andes à la fois pléthore (et même parfois saturation) et en même temps de graves déficits. Pléthore de publications « institutionnelles » où le prestige d’éditer prime souvent sur l’utilité de l’édition. Déficit de circulation car aucun système de distribution efficace ne nous garantit l’accès généralisé aux pays voisins.
Le bouche à oreille et le contact interpersonnel continuent à être nos meilleures ressources. Sans doute faut-il trouver là la raison pour laquelle, alors que les tentatives de structurer des circuits de distribution ne réussissaient guère leur décollage, les expériences les plus porteuses des dernières années sont celles qui ont cherché à lancer des collections.
C’est le cas du Pratec avec ses livrets technologiques qui capitalisent brièvement savoirs et pratiques paysannes. La collection existe et les livrets y sont numérotés (500 déjà il y a deux ans). Ils ont plusieurs modes de circulation. Quelques privilégiés reçoivent l’ensemble en volumes reliés. Des centaines d’exemplaires de chaque livret naviguent isolément au gré des contacts et des demandes. Souvent d’ailleurs ils ont d’abord une distribution locale, avant même d’être repris par le Pratec. Et combien existent mais ne parviennent même plus au Pratec ?
En quelques six ans et avec des ressources limitées, un format (le livret) et une collection ont apporté une énorme contribution en recueillant et en diffusant des centaines et des centaines de pratiques et de réflexions, et, surtout, en stimulant une dynamique qui va bien au-delà des livrets eux-mêmes, une dynamique de débat et de partage pour la recomposition du savoir, en commençant par le savoir andin dans ce cas précis.
L’exemple du Pput du Paraguay est bien différent. Pour des raisons institutionnelles ses publications ne peuvent être vendues localement. A quoi bon publier dans ce cas ? Mon expérience me faisait prévoir un beau gâchis. Eh bien non. Les premières éditions sont très vite devenues collection. Leurs contenus et leurs styles répondaient à un besoin et comblaient un vide dans le pays. Le projet a lancé une distribution systématique à d’innnombrables interlocuteurs au Paraguay et en dehors. Et ça marche ! D’innombrables références démontrent que la collection est lue et est utile. Et grâce à elle le Paraguay commence à s’insérer dans une dynamique d’échanges et de débats pour une recomposition du savoir sur le développement rural en zone tropicale.
méthodologie, diffusion de l’information, capitalisation de l’expérience
, Pérou, Paraguay, Pays andins
Les exemples cités ne sont que des… exemples, des références. Il y en a d’autres, il existe aussi des potentiels nouveaux, comme pourrait l’être Dph. La plupart des expériences locales n’ont ni l’envergure ni les moyens pour lancer des circuits ou des collections de grandes dimensions. Bien des stratégies sont alors possibles. Comme les petites éditions locales et artisanales : elles sont toujours utiles, ne serait-ce que pour la dynamique intérieure de capitalisation, pour la renforcer et élargir le partage, et pour s’entraîner à participer dans des circuits majeurs.
Il reste le défi de ces circuits majeurs. Nous en avons besoin et de leur existence dépend en grande mesure l’avenir d’une capitalisation de l’expérience qui soit axe fondamental d’un processus collectif de recomposition du savoir et de la pratique.
Le PRATEC, Proyecto Andino de Tecnologías Campesinasa son siège à:Avenida Cueva 595-B, Pueblo Libre, LIMA 21. PERU. Tel/fax (5114)4606423. Le PPUT, Proyecto Planificación del Uso de la Tierraest réalisé par la GTZallemande et la DGP du MAG au Paraguay.
Fiche traduite en espagnol : « Capitalización: La necesidad de circuitos y de colecciones »
Ce dossier est également disponible sur le site de Pierre de Zutter : p-zutter.net
Version en espagnol du dossier : Historias, saberes y gentes - de la experiencia al conocimiento