Le lien entre les participants et l’animateur doit exister dès la préparation de la rencontre
09 / 1998
Sandro Guiglia nous livre son expérience d’animateur à travers les nombreuses rencontres qu’il a organisées et animées.
Première étape de toute rencontre : définition des objectifs
Pour être efficace, une rencontre doit être productive. Et pour qu’elle le soit, les objectifs que l’on veut atteindre doivent être au préalable clairement définis. On peut alors évaluer les besoins requis pour les atteindre et s’en donner les moyens. On peut aussi aménager la méthode de convocation et d’animation en fonction.
Le lien entre animateur et participants commence dès la convocation à la rencontre
Le propre d’une rencontre, c’est d’abord de réunir des personnes. Autrement dit, le choix des participants et le contact avec eux pendant la durée de la préparation sont essentiels, et le fait que l’animateur prenne part à ces prises de contact avant une rencontre joue beaucoup sur la qualité des échanges pendant la rencontre.
Sandro devait organiser une rencontre en 1967-68, avec des membres du ministère italien, sur la politique minière. L’objectif était d’établir un dialogue avec eux et d’arriver à faire évoluer leur point de vue sur la question.
Le premier but de la convocation est bien sûr de motiver les invités. Il faut pour cela adapter une méthode en fonction du public ciblé et du thème de la rencontre. La méthode de convocation était dans le cas de cette rencontre basée sur la provocation. Cette méthode a été déterminée à la fois par le thème, l’objectif de la rencontre et le type de participants invités. L’invitation présentait le motif précis de la rencontre et son objectif : elle était rédigée avec une certaine partialité tout en exprimant la neutralité sur le sujet lui même. L’objectif exprimé présentait un point de vue précis, mais la manière d’atteindre cet objectif restait neutre, en tout cas jusqu’à un certain point : il ne fallait pas non plus paraître hypocrite ! La lettre de convocation doit aussi présenter un point de départ commun entre les personnes invitées. Et les personnes qui auront accepté l’invitation auront d’autant plus de points communs qu’ils sont à priori d’accord avec l’objectif défini et le choix des invités. Ce choix avait d’ailleurs été stratégique : il fallait cibler des personnes à la fois susceptibles de répondre à la convocation basée sur la provocation et ouvertes à ce genre de débats.
Une méthode d’animation adaptée aux participants
Pendant la rencontre, l’animateur doit utiliser une vraie technique d’animation, avec une tactique précise de gestion de la parole et de l’échange. Voici quelques exemples de méthode, bien que, ne l’oublions pas, chaque cas est particulier selon la situation, le moment, les participants, les thèmes :
- pour vérifier ou approfondir les propos exprimés par l’un des participants, l’animateur peut exprimer son désaccord, en argumentant son point de vue. Il fait ainsi réagir les autres personnes dans la salle qui vont elles mêmes vérifier ce qui a été dit.
- lorsqu’un débat devient complexe parce qu’on entre dans le coeur du sujet, bien souvent un flou finit par s’installer car la complexité met un temps à prendre sa place, à se structurer dans le débat collectif. A ce moment là, pour éviter ce début de crise et tempérer l’ambiance et les esprits, une pause café s’impose. Et bien sûr, la conviction de l’animateur que ça ira mieux après est aussi importante que la pause elle-même! Car c’est bien lui le chef d’orchestre.
Même si la technique d’animation est importante, le plus important reste toujours de bien savoir où l’on veut arriver. L’exemple suivant montre la difficulté d’animer une rencontre lorsque l’objectif est vague et vaste à la fois, mais il prouve aussi combien les dynamiques de groupes peuvent se créer dans la spontanéité aussi, à partir d’une volonté forte.
Sandro a animé en à trois reprises (en 1997 et 1998)une réunion avec les alliés potentiels de la région : il fallait vérifier auprès des participants, qui avaient au préalable exprimé leur intérêt pour l’Alliance pour un monde responsable et solidaire, que cet intérêt pouvait se transformer en une activité commune. Ces rencontres, mais surtout la première, étaient difficiles à mener car leur objectif était justement de définir des objectifs communs à partir d’intérêts partagés ; or les personnes estimaient que l’invitant, également coordinateur et animateur, avait pris la responsabilité de les inviter, et ils s’attendaient donc à être guidés jusqu’au bout et à gérer la complexité de cet objectif. La technique a été de "les faire souffrir un peu", tout en évitant les malaises pesants : les faire réfléchir ensemble, avec l’animateur, sur les objectifs à définir. Ils ont donc choisi deux thèmes et se sont divisés en deux groupes pour travailler sur ces thèmes. A la fin de la réunion, Sandro a proposé que les personnes ne se revoient pas avant d’avoir des propositions concrètes. La réaction a été l’inverse de celle du début : ils ne se demandaient plus ce qu’ils faisaient là ensemble mais au contraire ont demandé à refaire une réunion entre eux, même si aucune proposition concrète n’était encore avancée. Ils voulaient se revoir pour discuter, avoir un lieu de discussion, croiser les points de vue, échanger les expériences en tenant compte de la complexité de chaque enjeu et contexte.
Mais encore une fois, chaque rencontre a sa propre méthode d’animation en fonction des critères qui la définissent. Et le fait que les personnes invitées se connaissent au préalable ou pas change beaucoup la dynamique de groupe et le type d’animation à appliquer.
La qualité d’une rencontre dépend beaucoup de celle de l’animation. Cette animation requiert à la fois une connaissance du métier et de l’expérience, deux qualités très complémentaires. Le métier suppose une bonne connaissance de la technique d’animation, à commencer par la capacité à suivre les objectifs définis ou à les modifier au cours de la rencontre si cela s’avère opportun. L’expérience, c’est savoir mettre en pratique ce metier, c’est pouvoir guider les participants pour créer le dialogue et le structurer en fonction des objectifs et des personnes : intervenir au bon moment dans les débats pour apporter une simple nuance ou souligner une idée lancée, relancer un sujet... L’expérience, c’est aussi avoir une attitude socratique, autrement dit être un bon pédagogue, aider les participants à faire sortir le "jus" sans leur donner les recettes toutes faites. C’est avoir le courage de résister aux pressions qui orienteraient vers une animation trop protectrice, pour responsabiliser les participants au maximum. C’est aussi avoir le courage de refuser d’animer une rencontre lorsqu’elle semble inutile! Enfin, c’est savoir que chaque rencontre est une aventure particulière et demande une animation spécifique.
Cette fiche a été réalisée à partir d’un entretien avec Sandro Guiglia. On peut le contacter à l’adresse suivante : Podere Cipollino - Rosia I-53018 SOVICILLE (Siena). tel/fax : +39 0577 345784 courrier-e : guiglia@comune.siena.it
Entretien avec GUIGLIA, Sandro
Entretien
FPH (Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme) - 38 rue Saint-Sabin, 75011 Paris, FRANCE - Tél. 33 (0)1 43 14 75 75 - Fax 33 (0)1 43 14 75 99 - France - www.fph.ch - paris (@) fph.fr