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Pour vaincre la difficulté d’appuyer les femmes dans la création d’entreprise au Burkina Faso, une discrimination positive est-elle nécessaire ?

Félicité TRAORE, Maryvonne CHARMILLOT, Séverine BENOIT

12 / 1998

Madame Félicité Traoré, CAPEO (Cellule d’Appui à la Petite Entreprise de Ouagadougou): « On a travaillé pendant 5 ans et à un moment donné on a fait les statistiques de fréquentation et du taux de prestation femmes/hommes. On s’est rendu compte que les femmes c’était environ 18%. On s’est dit qu’il fallait appuyer les entreprises de femmes aussi. La CAPEO jusque là appuyait des entreprises qui existent déjà mais quand on s’est dit qu’il fallait appuyer des entreprises de femmes, on s’est rendu compte qu’on était obligé de mettre l’accent sur la création d’entreprises de femmes. C’était en 1996. Et en 1997, on a fait toute une série d’études sur l’entreprenariat féminin pour mieux comprendre la spécificité des femmes entrepreneurs et en tenir compte. On a fait également un répertoire des entreprises de femmes pour voir celles qui avaient un potentiel et qu’on pouvait pousser à aller plus loin. On a travaillé pour appuyer des femmes à la création d’entreprises. On a démarré par des sessions de formation.

Les femmes qui sont venues ici, on les a contacté suite à nos études, sur la base du répertoire. On a un peu fouillé partout dans les différentes bases de données pour les joindre. Par contre il y en a qui sont venues directement comme cela, sans qu’on viennent les chercher.

Mais cette dernière année, 1998, on n’a rien fait. Parce qu’on trouve que c’est assez risqué de démarrer dans la création d’entreprises de femmes. Cela coûtait trop cher à la CAPEO et la dynamique était différente : ce n’était plus une dynamique de projet mais une dynamique d’autogestion, de couverture des frais, d’instruction des droits burkinabés et tout cela. On ne pouvait pas s’en sortir. Ce qui fait qu’on est obligé, sous la pression de nos partenaires, de laisser tomber un peu la création des entreprises féminines. C’est dommage. Mais la CAPEO est dans une phase spéciale : "on est dans un projet qui est en train de se pérenniser". Donc la tendance dominante est la couverture des frais. Alors si on s’engage dans d’autres activités qui nous prennent beaucoup plus de temps et beaucoup plus d’argent, cela va fatiguer un peu l’équilibre financier.

On ne peut pas dire qu’à l’heure actuelle on fasse une discrimination négative et qu’on n’appuie pas les entreprises de femmes : on les appuie de la même manière que les entreprises d’hommes si elles se présentent à nous. Mais on aurait pu avoir une discrimination positive, c’est à dire écouter beaucoup plus les femmes et leur accorder beaucoup plus de facilités que les hommes. Alors qu’aujourd’hui on a les mêmes critères à la base. Cependant, on a écarté les femmes mais cela n’a pas été volontaire. On se situe dans cette logique-ci : « Que ce soient des hommes ou des femmes, ce sont tous des entrepreneurs, mais il faut que l’entreprise soit ceci ou cela avant d’avoir accès à tel ou tel service ». Quand on fait cela, on ne pense pas qu’on exclue les femmes. C’est à force de fonctionner, au bout d’un certain temps, qu’on a vu qu’on n’avait vraiment pas de femmes et qu’on se demande ce qui se passe. Dans la plupart des programmes, les gens ne se rendent compte de la situation réelle que deux ou trois ans après le début. Dans le cas de CAPEO, par exemple, c’est 5 ans après qu’on s’est rendu compte que les femmes n’étaient pas tellement présentes dans notre portefeuille et qu’il fallait faire quelque chose.

Je pense qu’il faut observer des critères spécifiques. A l’intérieur des programmes il faut adoucir certains critères pour que les femmes puissent passer. Parce ce que quoi qu’on dise, au Burkina, si tu prends 100 femmes il y en a peut-être une ou deux qui ont une parcelle à elle pour servir de garantie. Les 98 autres n’en ont pas. Je pense que dans l’esprit des bailleurs, c’est indifférent que ce soit un homme ou une femme. Je ne pense pas qu’il y ait un problème. Mais en général les programmes ont été conçus en pensant aux hommes. Quand on a mis en place une structure pour appuyer la PME, on a dit qu’il faut des garanties, mais on n’a pas pensé que la femme n’a pas de parcelle, n’a pas de maison. Donc, à partir du moment où on commence par cette condition, d’une manière ou d’une autre, on a écarté les femmes sans le vouloir.

Je pense qu’il faut tenir compte de toutes ces difficultés pour avoir des programmes plus souples et faire une discrimination positive pour les femmes. Et qu’est-ce qu’on peut faire ? Les bailleurs de fonds peuvent peut-être donner des garanties plus élevées pour que les femmes aient accès au financement (et à la formation aussi, si importante pour la clientèle féminine, que ce soit la formation technique ou que ce soit la formation en gestion). Je ne pense pas que les bailleurs soient vraiment au fait de cette dynamique de manque de confiance envers les femmes. Certains bailleurs mettent expressément dans leurs programmes l’appui aux femmes ou, en tous cas, d’observer un certain quota de femmes dans leurs projets. Quand on discute avec les femmes des pays développés, elles te disent : « Ne pensez pas que mon mari me laisse tout faire, ne pensez pas que c’est facile pour nous, on a encore des choses à gagner. C’est sûr que votre cas est quand même assez lamentable mais pour nous aussi ce n’est pas le bonheur total".

Mots-clés

femme, entreprise, formation, genre, création d’entreprise


, Burkina Faso, Ouagadougou

Commentaire

Sans l’avoir voulu, mais parce que cela représentait moins de recettes, plus de dépenses et de risques, une équipe de conseil constate qu’elle appuie -beaucoup moins de femmes entrepreneurs que d’hommes. Comment corriger cette dérive ?

Notes

Entretien avec TRAORE, Félicité

Source

Entretien

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