Cécile BELOUM, Maryvonne CHARMILLOT, Séverine BENOIT
12 / 1998
Madame Cécile Beloum, responsable de l’association AMMIE (Appui Moral, Matériel et Intellectuel à l’Enfant)à Ouahigouya (Burkina Faso): « Au départ, l’association était constituée à 80% de personnel de santé. Pour qu’on puisse apporter de l’éducation à la base et intervenir pour aider, notamment pour certains problèmes compliqués, dus à la pauvreté et à l’ignorance. Toutes les personnes qui ont été ciblées (celles dont je pensais qu’elles étaient sensibles aux mêmes problèmes que moi)ont répondu : "oui" et on a fait l’assemblée constitutive de l’association le 27 août 1992. Aujourd’hui (fin 1998)nous sommes une quarantaine de membres. Sur le plan des statuts il n’y a pas eu de problème. Sur la réglementation non plus parce qu’ici, au Burkina, il y a la liberté d’association. La police fait une enquête de moralité pour voir si c’est des gens crédibles et de bonne foi. Nous n’avons pas traîné du tout pour avoir le récépissé de reconnaissance de l’Etat.
Au sein de l’association, nous avons 4 domaines d’intervention. Le premier c’est la santé, parce que l’objectif initial c’était vraiment la santé. Ensuite, nous intervenons dans le domaine de l’éducation, puis pour la promotion des femmes et des familles et enfin dans le domaine de l’environnement. Dans le domaine de la santé, nous faisons surtout des I.E.C. : Information - Education - Communication, sur tous les problèmes de santé : lutte contre les Maladies Sexuellement Transmissibles (MST), le SIDA, le planning familial, l’hygiène individuelle et collective, les vaccinations, la fréquentation des services de santé. Nous avons même organisé dans un département les pratiques praticiens pour promouvoir la femme dans le domaine traditionnel. Et depuis 1996, nous intervenons dans la prise en charge des malades du SIDA. Et aussi, nous aidons certains malades vraiment démunis, parce que nous avons des amis qui nous envoient des échantillons de médicaments. Il y a des cas où nous intervenons vraiment gratuitement, quand la personne n’a rien, et des cas où nous mettons les médicaments à la disposition des gens pour un prix modique de 500 CFA (5 FF), quelque soit le médicament. C’est la contribution des gens.
Pour les femmes, nous faisons l’alphabétisation depuis longtemps et nous avons abouti à des formations techniques spécifiques et à des rencontres où nous donnons des frais. Des frais de restauration, par exemple, aux participantes des différents ateliers de formation.
Voici un exemple de nos activités. A un moment, je me suis rendu compte que presque 90% des femmes n’avaient ni pièce d’identité, ni acte de naissance. Il y en avait qui n’étaient même pas inscrites sur leur livret de famille. J’ai introduit un projet auprès de l’ambassade du Danemark pour la formation des femmes sur les droits de l’homme et les droits civiques. Et nous nous sommes rendus compte que ce n’étaient pas seulement les femmes qui n’avaient aucune connaissance mais aussi les hommes. En dehors de ceux qui ont voyagé, qui sont par exemple partis en Côte d’Ivoire pour travailler, pas de pièce ! Beaucoup d’entre eux ne jugent pas nécessaire de faire un mariage civil. Ils vivent comme cela, ils n’ont pas de pièce d’identité. J’ai remarqué le même problème (de non-connaissance)sur le plan politique. Au moment des votes, des femmes n’ont pas pu voter parce qu’elles n’avaient aucune pièce pour voter. Au cours de cette formation, où il y avait les responsables religieux, les chefs de famille et les représentantes des femmes, on a pu former les gens sur leurs droits civiques. C’était cette année, en 1998. On a formé les préfets des départements, le haut-commissaire, le maire pour qu’ils puissent sensibiliser les gens, au niveau des villages. Et on est parti former des formatrices-relais pour qu’elles donnent les formations au niveau des villages. C’est le président du tribunal que nous avons sollicité, avec le juge d’instruction, pour assurer cette formation. Cela s’est très bien passé.
Dans tous les domaines on a des sentiments de satisfaction. D’abord le sentiment d’être utile, le sentiment d’avoir aidé à résoudre certains problèmes. Au niveau de la lutte contre le SIDA par exemple, nous avons vu que dans nos villages pilotes il y a un changement de comportement. Les personnes-ressources qui sont les personnes âgées, les notables du village, ont compris, parce qu’on organise des concertations. Eux disent : « C’est nous-mêmes qui sommes en faute, c’est nous qui forçons les filles à se marier, c’est nous qui incitons les femmes à exciser leur enfant, donc désormais, on est partie prenante pour la lutte, on se remet vraiment en cause ». Il y a cette prise de conscience de la population par rapport aux comportements néfastes. On sent que le message a été entendu et que le changement de comportement est déjà là. Au niveau de la lutte contre le SIDA, c’est cela.
Le bon souvenir aussi, c’est quand on sort pour les sensibilisations, les femmes qui n’osaient pas dire un mot prennent le micro. Aujourd’hui, quand on va sur le terrain on a un minimum de 400 personnes. Et les femmes qui n’osaient rien dire prennent le micro et parlent, elles s’expriment. Si on va pour parler de MST et du SIDA, forcément on va aborder le planning familial parce que ce sont les préoccupations des femmes. L’expression des femmes dans les villages où nous intervenons, vraiment c’est un sentiment de satisfaction pour nous".
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, Burkina Faso, Ouahigouya
Quand une association, fondée par des agents de santé, épaule des femmes, c’est tout l’enchaînement des multiples préoccupations qui, petit à petit, l’oblige à agir à la fois sur trois fronts : social, économique, politique.
Entretien d’août 1998.
Entretien avec BELOUM, Cécile
Entretien
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