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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Les coopératives sociales en Italie -2-

Analyse des éléments qui sont à l’origine du phénomène

07 / 1993

En Italie, il existe plus de 1300 ou 1400 expériences d’entreprises économiques, sous la forme de coopératives, qui ont été réalisées en partant de motivations non économiques et qui ont des finalités sociales (voir fiche IRED "Les coopératives sociales en Italie - 1). L’ampleur du phénomène, une certaine rapidité de son développement et surtout son originalité en Europe, exigent une analyse des conditions qui ont été à son origine.

Au premier plan, il faut mettre le mouvement dit de "dé-institutionalisation" et le processus de rénovation qu’il a déclanché. Dans les années soixante, après le deuxième boom économique italien, la question des réformes sociales a commencé à se poser. Intellectuels, politiciens progressistes, travailleurs sociaux, syndicalistes ont produit une réflexion sur les rapports citoyens - Etat, services sociaux - société et ont amorcé les idées pour la modernisation des services offerts par l’Etat aux citoyens. A l’intérieur de cette recherche s’est développé un mouvement contre l’institutionalisation qui pour (faussement !)protéger la societé, sort de son corps les individus qui posent des problèmes, cache ses maladies sociales. Sous la poussé contestatrice et rénovatrice du mouvement de 1968, la dé-institutionalisation devient un projet d’action pour démanteler les institutions d’exclusion (orphelinats, instituts pour personnes âgées, asiles psychiatriques, prisons pour mineurs)et pour expérimenter des solutions alternatives qui renvoient à la société les problèmes qu’elle engendre.

Le fer de lance du mouvement a été la lutte pour la fermeture des hôpitaux psychiatriques qui a été sanctionnée par une loi nationale (la loi n.180 du 1978)qui malgré les difficultés de l’application (et les sabotages subis)est sûrement la législation la plus avancée d’Europe. Cette mouvance était porteuse d’une idéologie de la liberté et de la valeur de la "différence", qui a produit un profond changement dans la culture de la population : les fous ne sont pas des gens dangereux dont il faut avoir peur et se défendre, mais des personnes souffrantes qu’il faut aider à ne pas se couper totalement du corps social. D’autre part, c’était aussi une proposition de modernisation qui ouvrait de nouvelles perspectives d’action aux travailleurs de la santé et qui a même donné un apport scientifique pour une nouvelle approche à la psychiatrie.

Le mouvement de réforme des services sociaux a été influencé et, à son tour, a produit de profonds changements au niveau culturel : un service public, dans sa manière de répondre aux besoins, doit être efficace, savoir éliminer les causes qui produisent la demande ; un service public doit savoir et pouvoir s’adapter aux nouveaux besoins. La "qualité" d’un service n’est pas seulement une somme de technicités mais une question de prise en compte de la complexité du porteur des besoins et de coparticipation à la recherche de la solution. Un exemple manifeste est celui du mouvement féministe qui ouvre, dans des quartiers des grandes villes, de façon bénévole et autogérée, des centres de santé pour les femmes (Consultori)pour les passer ensuite aux Municipalités.

Un autre élément important a été celui du mouvement de solidarité qui s’est développé à la suite de la forte croissance du nombre de personnes mises en marge par le processus de restruturation de l’industrie et de l’agriculture, lié à l’entrée de l’Italie dans le Marché commun européen.

Le mouvement de solidarité a été renforcé par des éléments qui ont aussi provoqué un changement d’attitude au niveau psychologique et individuel. La chute des luttes socio-politiques dans les usines, la perte de vitesse du mouvement de gauche a entraîné une modification du concept de la militance politique et le passage à une militance dans le social. Dans le mouvement chrétien, sous la poussée des luttes sociales, il s’est développée une tendance pour chercher l’efficacite de la "charité" : une action a valeur dans la mesure où elle change les conditions de vie des destinataires et non seulement parce qu’elle est un don ou un partage.

Un apport important est venu du mouvement pacifiste qui a été à l’origine des premières banques alternatives. Le refus de déposer l’épargne dans les banques qui financent les guerres (Iran/Iraq, Afrique du Sud, etc...)a amené à financer des actions de développement des entreprises sociales.

De même, les mouvements écologistes qui sont en train de produire une nouvelle conscience critique : le modèle actuel de développement produit lui-même de la marginalité et il est nécessaire de trouver une alternative.

A la recherche des éléments qui se sont fondus pour créer les conditions qui ont permis le développement de la coopération sociale, presque comme dans un creuzet, il faut ajouter l’importante expérience du mouvement coopératif qui a marqué une partie de l’histoire sociale et économique de l’Italie, dans le XXème siècle.

Les élements indiqués jusqu’ici ont produit, à leur tour, des changements dans la culture sociale et l’action politique. La conception du rôle de l’Etat, par exemple. A l’Etat omnniprésent, qui gère tous les services, hérité du fascisme et alimenté, pendant un certain temps, par l’étatisme de la gauche, est en train de se substituer le concept de l’Etat garant de la solidarité entre les citoyens, garant des possibilités concrètes d’accès aux droits de citoyenneté, garant de l’existence d’un réseau des services à la disposition de tous les citoyens, mais qui peuvent être gérés par les usagers ou par des coopératives, à travers ce qu’on appelle, en Italie, le privato-sociale, "le privé social" opposé au privé spéculatif.

Mots-clés

coopérative, rôle de l’Etat, innovation sociale, politique de santé, économie sociale, législation, service social


, Italie

Commentaire

La loi 381 promulguée le 8.11.1991 (Voir fiche IRED "Law 381/91")peut être considerer comme le couronnement de ce long processus qui aujourd’hui est encore en train de se transformer, vu l’ampleur de la crise économique et sociale italienne ; en même temps on peut affirmer qu’en Italie ces coopératives sont aussi des instruments avec beaucoup de potentialités pour la sauvergarde des droits sociaux et pour la lutte contre l’exclusion sociale par l’économique.

Notes

Intervention faite par Sandro GUIGLIA à une session de travail de l’IRED NORD à Rome le 26 juin 1993.

Source

Compte rendu de colloque, conférence, séminaire,…

GUIGLIA, Alessandro

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