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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Chine : la prospérité permet-elle de créer une société plus libre ?

L’ouverture économique engendrera nécessairement une libéralisation des Droits de l’Homme, mais jusqu’où et à quel rythme ?

Pierre JUDET

09 / 1996

Alors que les autorités chinoises continuent de réprimer les dissidents, voici qu’à Wuhan, au coeur du pays, le professeur Wan avec une équipe de jeunes associés crée un Centre pour la Protection des Droits des Citoyens Victimes de Préjudices. Les juristes de ce centre ont défendu avec succès plusieurs citoyens victimes d’injustice. Ils ont déjà reçu 1600 demandes d’aide.

C’est un des signes de la révolution tranquille qui est en train de se développer en Chine. Le débat sur les droits de l’homme est ainsi dépassé par des changements plus radicaux dans ce pays le plus peuplé du monde.

L’explosion de l’information (téléphone, télécopie, antennes paraboliques), la croissance des médias locaux créent un terrain favorable à l’expression des opinions et de la protestation contre la corruption, les licenciements, les impôts.

La prospérité rend la vie de millions de Chinois plus facile et plus libre. On discute, on proteste, on fait grève, on fréquente les églises souterraines. Le pouvoir du Parti de dicter aux citoyens le lieu de leur habitation, la date de leur mariage, le nombre de leurs enfants s’affaiblit. Cela ne veut pas dire que la transition après la mort de Deng sera facile. Mais le fait est là : le système central est en train de perdre son pouvoir de contrôle non seulement sur les provinces, les villes, les grandes sociétés mais sur chacun des citoyens. Selon certains, la Chine serait en train d’aller vers un régime d’autoritarisme modelé tel que les régimes coréens et taïwanais au début des années 1980.

Alors que la règle et la loi ont pendant longtemps été subordonnées au guanki (relations personnelles), les chinois commencent à se tourner vers le système judiciaire pour résoudre les conflits relatifs aux affaires ou aux personnes, y compris lorsqu’il s’agit de poursuivre des officiels du gouvernement ou l’Administration.

Il est vrai que le système judiciaire est mal préparé pour traiter un si grand nombre d’affaires et qu’il a, d’autre part, du mal à faire exécuter ses jugements.

Par ailleurs, les mouvements collectifs de protestation se multiplient. En mars, il y a eu 270 grèves dans 3 provinces, d’une durée allant jusqu’à 40 jours et intéressant jusqu’à 10 000 travailleurs.

Le mécontentement ouvrier touche le secteur public ainsi que le secteur privé (joint ventures)où l’exploitation des travailleurs est parfois éhontée.

Tandis que l’emprise du parti sur les travailleurs des sociétés d’Etat diminue, la multiplication des sociétés étrangères (qui emploient à Pékin 100 000 à 200 000 personnes)développe de nouveaux cadres de travail. Dans le Guang Dong des millions de Chinois reçoivent les informations diffusées par les chaînes de télévision de Hong Kong. Dans le même temps, journaux, radios, TV se multiplient où le contrôle s’exerce de manière moins stricte ; la presse d’affaire devient plus entreprenante allant jusqu’à lever le voile sur la corruption. Les débats se multiplient sur les radios dans les grandes villes, où l’on critique le gouvernement et la brutalité de la police.

La Chine dispose aujourd’hui de plusieurs presses "officielles", où l’on fait état, d’une part du mécontentement et des grèves ainsi que, d’autre part, du succès des réformes. Même si on ne peut pas parler de liberté de la presse, la divergence entre les opinions exprimées met en lumière l’impossibilité croissante pour le centre de contrôler les esprits et les opinions.

Même si le Parti Communiste ne veut pas lâcher, il apparaît difficile que les durs puissent réprimer la totalité de la société tout en préservant la poursuite de la réforme économique.

Dans ce contexte, la meilleure chose que Washington puisse faire pour favoriser l’épanouissement des droits de l’homme en Chine, c’est de faire en sorte que les portes demeurent aussi ouvertes que possible aux investissements et aux idées.

Mots-clés

droits humains, dictature, influence des médias, processus de démocratisation, monopole de la communication, système judiciaire, mobilisation populaire, mouvement ouvrier, transition politique


, Chine

Commentaire

Un point de vue qui tranche sur le pessimisme habituel en France sur la situation de la société chinoise.

Source

Articles et dossiers

Business Week, 1994/06/06 (ETATS UNIS)

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