03 / 1996
A Grenoble, au premier étage d’une ancienne usine, un troubadour dessiné sur une feuille de papier blanc vous indique que vous êtes arrivés à "Solexine". La porte s’ouvre sur un espace spontanément sympathique, chaleureux, convivial : le bar-accueil. "Solexine" est ouvert depuis mars 1996.
Culture et Solidarité, soucieuse de promouvoir l’accès à la culture comme outil d’insertion, a fait appel à Françoise Gros pour monter ce projet. Rentrée en France, après dix années consacrées à la coopération internationale en Afrique et en Asie, elle souhaitait établir un lien entre l’art (elle-même a suivi une formation aux Beaux-arts)et le développement social. Un an de démarches et de rencontres aboutissent à la création de "Solexine" (solidarité expression initiative)en partenariat avec quatre associations grenobloises : l’Office dauphinois des travailleurs immigrés (ODTI), Le bon Plan, ATD Quart monde, Oasis 38 (accueil et hébergement de femmes en difficulté). Ces partenaires ont constitué un comité de pilotage qui se réunit tous les mois avec la coordinatrice. L’objectif est double :
* "mettre en place un lieu de rencontres et d’échanges où des personnes en situation de marginalisation et des personnes en activité pourront se retrouver et partager ;
* animer autour de ce lieu un espace de création et d’activités artistiques et culturelles".
Pour faire connaître "Solexine", l’information passe par différents relais : centres sociaux, associations et structures d’insertion, personnes rencontrées, collectifs de chômeurs... et par différents canaux : émission de radio, articles de presse notamment dans "le Bon Plan", journal qui fait un lien entre les différentes structures et les bénéficiaires du RMI de l’agglomération (7000 personnes)qui le reçoivent gratuitement. Mais rien ne remplace le bouche à oreille, les contacts de personne à personne pour inciter les gens à faire le premier pas et venir voir "j’ai amené un jeune voisin qui ne voulait pas sortir de chez lui, aujourd’hui, il est venu tout seul".
Dès l’ouverture, les premiers usagers se sont approprié le lieu et se sont investis dans l’accueil. Ce lieu leur paraît essentiel et leur rôle leur tient à coeur. "Ce qui fait qu’on se sent bien ici, c’est l’accueil, les gens quand ils viennent ici, ils ont une demande, ils viennent en rencontrer d’autres, il faut les mettre en confiance. Ils rentrent et il y a quelque chose qui se passe, ils font un pas et nous on en fait un autre. Pour les gens qui sont très loin de l’emploi, Solexine permet de ressortir, sourire, reprendre contact avec la société. Peut-être que les gens viennent parce que justement Solexine n’est pas dans leur quartier, ici, il n’y a pas le regard des voisins; il y a un regard neuf sur eux".
Lors de notre discussion, tout ce qui rappelle le vocabulaire et les pratiques sociales provoque des réticences. "Solexine, c’est différent des MJC ; il y a une participation, tout le monde est acteur du projet, rien n’est imposé et tout le monde peut avoir des initiatives et contribuer à ce que ça marche. Les centres sociaux, je ne m’y sens pas bien, c’est tout calculé, je ne m’y sens pas libre. Ici, on a eu la liberté de créer le lieu, de le mettre en place. C’était passionnant, ça donne envie de se lancer, de se risquer. On se rend compte qu’avec un minimum et à mini prix (avec du mobilier de récupération), on arrive à aménager un lieu accueillant, ça prouve que tout est possible."
A ce jour, deux types d’ateliers existent. Certains, comme le théâtre ou la danse, sont animés par des professionnels rémunérés; le choix de faire appel à des artistes expérimentés correspond à une exigence de qualité envers les usagers. D’autres sont nées de l’initiative d’usagers qui souhaitent faire partager leur passion. F. Gros accueille favorablement toute proposition d’activité. Parfois même, elle incite la personne pour qu’à partir de sa passion elle arrive à bâtir une proposition pouvant être présentée à d’autres.
Le rôle de F. Gros est d’accompagner chaque personne pour qu’elle puisse s’impliquer et s’épanouir dans l’activité où elle s’est inscrite. Certains ne font que donner des idées, d’autres refusent de trop structurer au démarrage leur activité. F. Gros laisse l’initiative en comptant sur la pédagogie de l’action. Pour elle, l’important est que ceux qui viennent à "Solexine" aient la possibilité d’exprimer leur désir et de trouver les moyens de le satisfaire. Cela constitue une première étape permettant de reprendre confiance en soi. Ensuite, il est possible de proposer une collaboration avec des professionnels. Le but est d’éviter que les gens viennent en consommateurs ou se dessaisissent de leur initiative.
Tous les quinze jours le collectif d’animation réunit toutes les personnes impliquées dans la vie du lieu. La dynamique du groupe permet de soutenir les bénévoles qui tiennent l’accueil ou qui initient des ateliers. Les échanges, voire les confrontations, permettent de mieux se connaître et de poser les exigences liées à une responsabilité partagée. "Organiser la vie d’un lieu à partir de bénévoles est exigeant. Ca oblige chacun à être régulier dans son implication et à tenir ses engagements par rapport aux autres. Et on sait que quelqu’un qui est au chômage est d’abord en recherche d’emploi; après, il est impliqué dans un lieu comme celui-ci."
Selon une bénévole qui a connu des périodes difficiles et qui est très investie dans le projet, les personnes défavorisées peuvent apporter beaucoup aux artistes intervenants : "Les gens qui ont un vécu difficile, qui ne sont pas sur une ligne droite, ont une émotion très forte qu’il peuvent exprimer. Ils sont capables de produire des choses très belles. Pour les artistes, la source d’inspiration, c’est la vie. Ils sont hyper sensibles et peuvent être attirés par ces gens là." Actuellement des démarches sont en cours avec des comités d’entreprises de la région afin d’étudier ensemble le moyen de créer des relations entre des salariés et des usagers de "Solexine". Au-delà d’une seule solidarité financière, des rencontres permettant une ouverture réciproque et des projets communs pourront être envisagées.
développement culturel, valorisation du savoir faire, partenariat, formation, vie associative, lutte contre l’exclusion, création artistique
, France, Isère, Grenoble
Les activités de Solexine ont commencé en Janvier 1996. Le projet semble correspondre à une véritable attente. Pourtant même si la spontanéité et la liberté sont primordiales, le projet ne pourra durer qu’avec un minimum de structuration, d’organisation et d’obligations pour les bénévoles. Une des préoccupations majeures de F. Gros est de conserver à "Solexine" un équilibre entre les personnes de milieux différents en faisant en sorte qu’il n’y ait pas d’appropriation du lieu par tel ou tel groupe qui exclurait les autres. L’inscription dans la durée d’un tel lieu ne sera pas facile ; les personnes impliquées et ceux qui les accompagnent sont prêtes à relever le défi
Solexine Culture et solidaritétél. 04 76 96 18 18
Texte mis en fiche et diffusé par le CR-DSU=CENTRE DE RESSOURCES SUR LE DEVELOPPEMENT SOCIAL URBAIN, 4 rue de Narvik, BP 8054, 69351 Lyon cedex 08, FRANCE. Tel 78 77 01 43. Fax 78 77 51 79
Entretien avec GROS, Françoise
Document interne ; Entretien
MRIE RHONE ALPES=Mission régionale d'information sur l'exclusion, Agir avec les plus défavorisés, MRIE RHONE ALPES, 1996 (France)
MRIE RHONE ALPES (Mission Régionale d'Information sur l'Exclusion) - 14 rue Passet, 69007 Lyon, FRANCE - Tél. 33 (0)4 37 65 01 93 - Fax 33 (0)4 37 65 01 94 - France - www.mrie.org - mrie (@) mrie.org