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Paraguay : quand indiens et paysans se rencontrent dans l’arbre

Pierre DE ZUTTER

01 / 1994

Depuis que les Espagnols investirent la contrée il y a près de cinq siècles, jamais indiens et paysans ne s’étaient rencontrés, n’avaient dialogué vraiment. C’est ce qu’assurent aujourd’hui les indiens du Paraguay. Et ils le regrettent.

Pour eux les paysans étaient, aussi bien que les grands propriétaires, des usurpateurs de terres et des ennemis, ceux qui venaient derrière la vache, symbole de la destruction de la forêt.

Pour les paysans, les indiens étaient les accapareurs de grands territoires où il serait bon d’avoir son lopin, des incapables qui vivaient comme des sauvages, des mécréants adeptes de toutes les sorcelleries. Plus récemment, ils étaient devenus des frères exploités mais inférieurs, qu’il conviendrait d’incorporer parmi les travailleurs et les organisations d’exclus.

En septembre 1990, indiens et paysans se sont rencontrés, solennellement, à Caacupé, dans le département de Cordillère. C’est le Centre de Promotion des Paysans de Cordillère (CPCC)qui, avec l’appui de diverses institutions, organisa la réunion. C’est la préoccupation paysanne autour de l’arbre, de la forêt et de la dégradation économique et écologique du milieu qui servit de motivation.

Pendant quatre jours, indiens et paysans ont parlé ensemble, ont marché ensemble dans les champs et les sous-bois, ont partagé beaucoup plus que ce qu’ils avaient imaginé.

Pour d’aucuns il s’agissait de faire front commun entre exploités. Ils découvrirent qu’ils avaient aussi bien des savoirs complémentaires qui pouvaient les aider à créer et améliorer la vie et non seulement à revendiquer la terre et des services publics.

Pour d’autres, il s’agissait d’échanger des pratiques concrètes: les indiens s’intéressaient à la greffe des fruitiers, à l’apiculture, à certaines techniques agricoles; les paysans voulaient mieux connaître la forêt, sa diversité, ses possibilités d’appuyer et d’améliorer l’agriculture. Ils s’ébahirent de voir qu’ils débouchaient sur une véritable communion dans une philosophie de vie que la forêt venait inspirer et guider.

La rencontre des 5, 6, 7 et 8 septembre 1990 n’est que la première. D’autres se poursuivent de bien des manières. Mais nous sommes là devant une date historique, pour le Paraguay et pour toute l’Amérique Latine. Parce que la rencontre a été directe entre les deux groupes. Parce qu’elle s’est faite autour de l’arbre et de la forêt ("De l’arbre ruisselle la vie", disait la convocation; "De l’arbre ruisselle la parole", titrait la transcription des débats)et a donc permis de dépasser les antagonismes (indiens-paysans, agriculture-forêt)pour rechercher ensemble les conditions de la vie rurale sous les tropiques.

Pour les indiens, c’est la possibilité de sortir des ghettos génocide ou indigéniste et d’entrer en groupe-ressource dans la construction du pays.

Pour les paysans, c’est l’occasion de trouver une inspiration dans leur effort pour élargir le rôle de "producteurs" où le développement avait voulu les réduire et pour entrer en acteurs principaux de la vie rurale dans son ensemble.

Mots-clés

changement culturel, développement rural, diversification des productions, écologie, dialogue interculturel, minorité, organisation paysanne, culture et technique, savoir traditionnel, forêt


, Paraguay, Caacupé

Commentaire

Bien qu’elle fut la première, la rencontre de septembre 1990 est peu connue car elle n’entrait dans aucun cadre ni programme ni mode comme ceux qui aident ou brident le développement en général.

Parce qu’elle est la première, cette rencontre mérite d’être connue car elle fait date, car elle motive.

Le CPCC, l’Escuela de Montes et le Proyecto Planificación del Uso de la Tierra (PPUT)ont diffusé sa transcription textuelle au Paraguay. Le livre sur "las experiencias agroforestales del CPCC" (180 pages, N°14 de la "Serie Debates" du PPUT)en a repris en décembre 1993 des extraits et des commentaires. Malheureusement les enregistrements vidéo et les photos de la rencontre ont disparu, appropriés par l’un des collaborateurs extérieurs.

Notes

L’adresse du CPCC=Centro de Promoción Campesina de la Cordilleraest= CPCC - Ruta 2 Mcal. Estigarribia, Km 57 - Caacupé - Paraguay - Tél.: (595)511 - 728. L’adresse de la Escuela de Montesest: Escuela de Montes (Arnulfo Fretes)- Antequera 972 casi Tnte Fariña - Asunción - Paraguay - tél: (595)21 - 444 348

Entretien avec FRETES ESCARIO, Arnulfo

Source

Compte rendu de colloque, conférence, séminaire,… ; Entretien

CPCC, Del árbol fluye la palabra, PPUT, 1992 (PARAGUAY)

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