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La pêche artisanale au Brésil

Pierre GILLET

05 / 1995

La production de la pêche au Brésil entre 1980 et 1990 a monté de 800.000 à 900.000 tonnes de pêche annuelle. Selon les statistiques officielles, au moins 50% de ce total correspond aux captures de la pêche à petite échelle pratiquée par les pêcheurs riverains et côtiers, que ce soit à un niveau de subsistance ou dans le cadre de la petite production mercantile.

Au cours de l’année 1988, les débarquements contrôlés de poissons prevenant du secteur de la pêche artisanale ont atteint environ 625.000 tonnes. La pêche artisanale a assuré 25% des captures dans la région SUD-EST-SUD (118.000 tonnes), 85% dans la région du Nord-Est (94.000 tonnes)et un peu plus de 85% dans le nord (94.000 tonnes). Dans les eaux intérieures, elle a participé à environ 92,2% des pêches contrôlées (190.000 tonnes). Le critère de différenciation entre pêche artisanale et pêche industrielle, tel que repris dans les statistiques officielles, réside dans le tonnage les embarcations. Est prise pour artisanale la pêche pratiquée par les bateaux ne dépassant pas 20 TJB (tonnage de jauge Brute).

Parmi l’appareillage utilisé, on retouve surtout les palanques, les filets à mailles, les sennes tournantes, les sennes de plage et les engins de pêche fixes. Quant aux embarcations, ce sont en général des canoës, canots, radeaux, et autres. La variation relative aux types d’embarcations et à l’appareillage de pêche utilisés, est très significative de région à région, et ce, en raison de l’extension territoriale de la côte brésilienne, des différences physiogéographiques du littoral, de la distribution inégale des ressources et des écosystèmes différents selon qu’ils sont côtiers ou océaniques.

On a estimé à environ 553.000, le nombre de pêcheurs artisanaux. Dans certaines régions du pays, la pêche artisanale représente la principale activité des communautés, porteuse d’un patrimoine culturel inestimable. Les populations riveraines de l’Amazone, les aiçaras et açorianos, du Sud-Est et du Sud du pays, les jangandeiros et collecteurs du Nord-Est démontrent la grande variété culturelle qui caractérise les pêcheurs artisanaux du Brésil. Ces cultures sont en possession d’un arsenal de connaissances de la plus haute importance en termes de conservation du milieu, d’adéquation technologique et de maniement soutenu des ressources naturelles.

Une série de facteurs vient, cependant, affecter l’activité de la pêche artisanale. Le modèle de développement instauré par l’Etat brésilien, et qui se base sur la concentration des richesses, entraînée à une spoliation croissante de l’espace réservé aux pêcheurs artisanaux, tant sur terre que sur mer.

L’avancée de la spéculation immobiliaire dirigée vers les terrains en bord de mer, les graves conflits fonciers présents sur l’ensemble du territoire national, la création des pôles et complexes industriels situés en bordure d’écosystèmes à haute productivité, l’expension des villes et du tourisme en bordure de mer, et la croissante dégradation des ressources hydriques par l’intermédiaire de la pollution urbaine, minière, agricole et industrielle, tout cela signifie la présence de problèmes tout au long de la côte brésilienne et provoque la destruction de l’activité de la pêche artisanale.

A titre d’exemple, certaines régions telles l’estuaire de Santos-Cubatao (Sao-Paulo), les baies de Guanabara (Rio de Janeiro)et de Todos os Santos (Etat de Bahia), les lacs comme La Lagoa dos Patos (Rio Grande do Sul)et Mundau-Maunguaba (Alagoas)présentent déjà de graves problèmes de pollution, ce qui, à son tour, entraîne une qualité inférieure du poisson et dans certains cas, la réduction des réserves exploitées, obligeant le pêcheur artisanal à diversifier ses activités, à mettre en oeuvre de nouvelles stratégies de subsistance ou même parfois à abandonner l’activité de la pêche.

Sur le plan général, le modèle brésilien de développement économique a exclu des pans entiers de la société brésilienne, dans le cas spécifique de la pêche, les politiques de l’Etat s’acheminent dans la même direction. La création de la SUDEPE (Surintendance du développement de la Pêche)en 1962 et l’implantation d’une politique de stimulation fiscale destinée aux industries de pêche à partir de 1967, eurent pour résultat, une expension et une capitalisation sans précédent du secteur industriel de la pêche.

La multiplication des flottes de pêche et des unités de transformation ainsi que l’augmentation de la pression exercée sur les stocks destinés aux industries, ont généré des graves conflits entre pêcheurs artisanaux et industriels. L’invasion des territoires de pêche traditionnellement exploités par la pêche artisanale, la dégradation de l’environnement provoquée par l’emploi de techniques déprédatrices de pêche et la destruction de bateaux et d’appareillage de pêche artisanale, ne sont que quelques exemples des conflits dérivant de l’expansion et de la modernisation, sans planification, du secteur de la pêche industrielle.

Dans le même temps, on assiste à une intégration entre les deux sous-secteurs, intégration dans laquelle la pêche artisanale agit en tant que fournisseur de force du travail pour les industries de pêche, outre le fait qu’elle vende une partie de sa production aux industries de transformation de poisson, dont le chiffre figure dans les statistiques comme pêche provenant du secteur de la pêche industrielle.

Les pêcheurs artisanaux brésiliens doivent en outre affronter un autre type de problèmes en relation avec les organismes de représentation de la catégorie. Créés par le gouvernement entre 1919 et 1923, les organes de représentation des pêcheurs artisanaux consistent en Colonies de Pêcheurs, au niveau local, Fédérations par Etats et une Confédération nationale. Vu le caratère d’assistance et le côté autoritaire de ces organismes, déjà sensibles à l’origine, une grande partie des mouvements des pêcheurs artisanaux s’était réalisée et se réalise d’ailleurs toujours en dehors du cadre du système officiel de représentation.

Les premières luttes datent du début des années 80. Elles vont dans le sens d’une conquête des Colonies par de véritables représentats de la catégorie, dans le but de transformer les orgaismes en outils de défense des intérêts des pêcheurs artisanaux. C’est également des années 80 que date le mouvement de la Constituante de la Pêche, où à l’occasion de l’élaboration de la nouvelle Charte Constitutionnelle, les pêcheurs artisanaux de plusieurs régions du pays se sont mobilisés pour voir garantir leurs droits par la Constitution de 1988.

Dans ce processus, il est important de relever l’action des entités d’appui au mouvement des pêcheurs et parmi celles-ci, le Conseil Pastoral des pêcheurs, qui avait débuté ses activités déjà dans les années 70.

La poursuite des luttes des pêcheurs artisanaux, après le processus de la Constituante, par lequel fut garanti le droit de libre association, la comparaison des Colonies des Pêheurs aux syndicats urbains, parmi d’autres conquêtes, s’est réalisée sous diverses formes. De la discussion pour savoir quel était le meilleur organisme de représentation: Colonies ou Syndicats; ainsi que de la lutte pour étendre les victoires de la Constitution à tout le système a surgi en 1988, le Mouvement National des Pêcheurs dont les premiers pas vont se diriger vers une expension du mouvement des pêcheurs artisanaux.

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