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La déclaration de Caracas

Reconnaissance et renforcement des dynamismes des quartiers et consolidation des statuts d’occupation

Lydia NICOLLET

08 / 1994

La rencontre de Caracas (25-29 novembre 1991), dont l’idée est née au Venezuela, dans le contexte d’un pays confronté à une grave crise de logements urbains, a réuni de nombreux chercheurs, universitaires, fonctionnaires et militants de divers pays. Un séminaire restreint de responsables administratifs et politiques, réunissant 15 Vénézuéliens et 15 personnes venant d’autres pays et continents s’y est également tenu. L’un des points forts de cette rencontre concerne la reconnaissance et le renforcement des dynamismes des quartiers

* Les quartiers d’habitat précaire sont des milieux de vie très dynamiques qu’il faut se garder de croire uniformes, comme pourrait le laisser penser l’homogénéité de leur aspect physique.

En effet, le degré et le mode d’organisation de ces quartiers sont toujours le fruit d’une culture et d’une histoire plus ou moins longue. Le fait d’avoir à relever des défis communs, l’homogénéité culturelle ou ethnique, les événements qui ont conduit au regroupement en un même milieu, l’apprentissage de la survie en ville, le mode d’émergence des dirigeants écoutés dans les quartiers, la qualité de ces dirigeants, tout ceci intervient pour faire de chaque situation un cas spécifique. La prise en compte de cette spécificité est indispensable à la conception et à la mise en oeuvre de stratégies d’amélioration des quartiers d’habitat précaire.

* Le renforcement des dynamiques sociales internes à ces quartiers est une condition nécessaire à la participation des populations.

La conception habituelle de la participation comprise comme la mobilisation de la main-d’oeuvre à bon marché dans les quartiers pour la réalisation de projets conçus par d’autres, ou comme la consultation des habitants sur leurs souhaits, sans qu’ils aient à se prononcer sur les priorités et leur processus de réalisation, cette conception ne peut mener qu’à des échecs.

Pour qu’il y ait une participation véritable des populations des quartiers d’habitat précaire, il faut qu’il y ait contrôle par les habitants eux-mêmes du processus de production et de réalisation des "projets". Les organisations populaires et les organisations gouvernementales qui les appuient ne sont pas des substituts à l’intervention de l’Etat, mais sont des acteurs constitutifs du processus de consolidation et d’amélioration des quartiers dégradés.

* Pour des gens de l’extérieur, apprendre à reconnaître les dynamismes à l’oeuvre dans les quartiers d’habitat précaire demande du temps.

Cependant il faut éviter de passer de l’ignorance à l’idéalisation de "l’organisation populaire" ou du travail communautaire" : les quartiers ne sont pas homogènes; les intérêts et les solidarités peuvent être divergents; les dirigeants qui émergent peuvent être absorbés dans les jeux politiques et des compétitions fortes existent pour le contrôle politique de ces quartiers.

La participation aux activités associatives n’est pas permanente; elle ne mobilise de façon régulière qu’une minorité d’habitants et ne peut pas se maintentir constante sur une longue période. On note cependant que dans ces dynamiques changeantes, les femmes et les jeunes jouent un rôle stabilisateur dans l’enracinement des mouvements de quartier. Leurs préoccupations et projets devraient faire l’objet d’une attention particulière.

* Pour renforcer les dyamiques existantes, il faut inverser la perspective des agences de développement : le développement c’est avant tout l’affaire des communautés concernées; ce sont elles qui doivent hiérarchiser les priorités, les agences devant se considérer comme des moyens d’appui et faire plutôt avec les communautés que pour les communautés.

* Les habitants des quartiers précaires sont souvent en situation de marginalité économique, ce qui explique et renforce leur marginalité sociale. C’est pourquoi tout projet d’amélioration de ces quartiers doit viser non seulement l’amélioration des conditions d’habitat, mais également celle des conditions de vie. En d’autres termes, l’argent alloué au projet d’amélioration doit pouvoir en priorité stimuler l’activité économique dans les quartiers, notamment par le biais de la réalisation des équipements.

* Les projets d’amélioration des quartiers doivent également être des occasions de formation et d’apprentissage. Ainsi peut-on allouer l’argent de préférence aux groupes qui s’organisent pour le gérer. De même peut- on associer directement les populations des quartiers aux actions à entreprendre. Par exemple, les femmes pour les actions concernant les enfants; les jeunes pour les actions culturelles ou sportives. De la sorte, on favorise un apprentissage et une maîtrise interne de savoir-faire qui vont permettre la pérennité des actions au-delà de la période du projet.

* La légalisation de ces quartiers est au centre de la problématique de leur amélioration. Elle nécessite la consolidation des statuts d’occupation, gage de sécurité. Il s’agit d’un acte prioritaire. Les modalités de cette consolidation peuvent être diverses compte-tenu de la diversité des situations. Dans certains pays, elle se fait sous la forme de l’octroi gratuit de terrains aux occupants; mais certains effets pervers de cette solution ont été signalés. Dans d’autres, la formule d’un paiement échelonné des terrains par les occupants a été adopté; les sommes ainsi recouvrées peuvent alimenter un fond de développement du quartier. L’expérience philippine est également intéressante : dans ce pays, la Banque Hypotécaire conditionne son intervention dans les barrios à la légalisation du statut des occupants regroupés en associations de voisinage, au sein desquelles des péréquations peuvent jouer dans l’octroi des crédits.

Dans tous les cas, la sécurité du statut d’occupation conditionne aussi bien la volonté d’investir sur les quartiers que l’accès au crédit pour ses habitants. C’est aussi l’acte politique par lequel les habitants des quartiers illégaux se voient reconnaître l’existence légale et la citoyenneté.

* Dans la conception des politiques et projets d’amélioration des quartiers précaires, il faut se défaire de la tendance technocratique à vouloir à tout prix leur définir une vocation permanente. L’intégration de ces quartiers au système urbain suppose que leur situation n’est pas figée. Les gens bougent, les différentiations se développent, les marchés fonciers et du logement s’établissent. Un projet de développement des quartiers et sa réussite même auront des effets d’éclatement de la communauté : solidarités de voisinage en crise, augmentation des valeurs foncières et des taux des loyers, émergence d’une classe de rentiers parmi les premiers occupants, etc.

Les dispositions règlementaires et juridiques sont inopérantes pour freiner ces conséquences inévitables de la réussite et de l’intégration.

Mais chaque fois que les interdictions prescrites correspondent à une volonté de contrôle social de la communauté sur elle-même, à la suite d’un débat, on note une grande adhésion et une disponibilité des gens à faire respecter les règles édictées.

Mots-clés

Etat et société civile, habitat, participation populaire, participation des habitants, régulation foncière, urbanisme


, Venezuela

Notes

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