Aborder la question de la place du droit dans la pratique des travailleurs sociaux renvoie aux fondements du droit et du travail social. Après un rappel des définitions ("droit": ensemble de règles qui imposent un certain ordre pour la vie en société; "travail social": plutôt du côté de ce qui résiste à toute forme d’ordre), l’auteur explique que droit et travail social participent tous deux à la régulation des rapports sociaux. Par exemple, lors d’un colloque de l’ADICOD (Association pour la diffusion de la connaissance du droit dans le secteur social, médico-social et éducatif)en octobre 1990, des professionnels observaient que le travail social intervient souvent dans les situations extrêmes auxquelles le droit adhère mal.
a)La demande des usagers:
- Le droit des personnes. L’évolution de l’institution familiale et des rapports individu-société conduit au pluralisme des droits de la famille et leur judiciarisation, facteur que les travailleurs sociaux doivent prendre en compte. Ainsi, en matière de filiation, une connaissance exacte des effets du droit est nécessaire au travailleur social pour clarifier les situations et proposer la réponse adaptée au parent demandeur d’aide ou à celui qui revendique l’exercice d’un droit à l’égard de l’enfant. Le pluralisme des causes du divorce et ses effets sur la famille, son impact sur les situations personnelles, doit être intégré dans l’objectif d’autonomie des travailleurs sociaux.
- Les droits sociaux. La crise économique, l’installation d’une société duale nécessite que le travail social appréhende, non seulement des éléments du droit du travail, mais aussi la diversité des mesures de traitement social du chômage, de la formation et de l’insertion sociale et professionnelle, du revenu minimum d’insertion et s’implique dans la liaison entre secteur social et secteur économique. L’implication des travailleurs sociaux apparaît essentielle en termes d’évaluation et d’accompagnement social dans l’application des textes.
b)Evolution des pratiques en travail social: si dans les années 70 le développement des termes de "travail social, contrôle social" a amené les travailleurs sociaux à se méfier des institutions et à faire corps avec les usagers, l’apparition dans les années suivantes de nouveaux textes législatifs protecteurs des droits et libertés des personnes (médiateur, informatique et libertés, famille et enfance...)a contribué à repositionner le client du service social en usager, sujet de droit, en instaurant des régulations externes formalisées dans les rapports entre institutions, professionnels et usagers.
c)Attentes et réponses en matière de formation: le programme de formation des assistants du service social prévoit un enseignement de 160 heures sur le cadre institutionnel de l’action sociale, afin de permettre aux stagiaires d’acquérir les connaissances juridiques nécessaires pour analyser les situations sociales. Dans la réforme de la formation d’éducateurs spécialisés en 1990, l’unité de formation juridique passe de 60 à 180 heures. L’étude de l’ADICOD (octobre 1990)conforte le souhait d’y voir aborder plus de questions liées à l’actualité (RMI, surendettement, décentralisation)ou aux pratiques (droit de l’enfant et de la famille, droit du travail, aide sociale). Néanmoins, contenu et pédagogie demandent à être mieux adaptés.
Donner aux travailleurs sociaux une culture juridique est un objectif important en vue d’une connaissance et d’une appropriation des principes, de la maîtrise des principaux concepts, de la conscience de l’effectivité (ou non)du droit, de l’acquisition du raisonnement juridique.
Le "découpage du droit" devrait être repensé pour les formations sociales, afin de permettre aux professions sociales le plein exercice de leur fonction de médiation entre la loi et l’usager, d’interaction entre celui-ci et les institutions. La pédagogie devrait exiger des intervenants - généralistes et spécialistes - un travail d’équipe avec une stratégie pour que soit assurée dans ces formations une véritable complémentarité du droit et des sciences humaines et sociales.
droits humains, formation, travail, régulation sociale, sensibilisation au droit, formation juridique, pratique sociale, médiation, droit à l’information, analyse
, France
Ces préoccupations ne sont pas spécifiques à la France. En effet, la 24° conférence de l’International Council on Social Welfare, à Berlin en août 1988, avait pour thème "Droit et législation, action sociale, développement social". Les participants de tous les continents ont abordé plusieurs des questions évoquées ci-dessus, notamment la fonction de médiateur des travailleurs sociaux entre l’usager et la loi, mais aussi celle d’interprète des revendications concernant le respect des droits fondamentaux et un "meilleur droit".
Numéro spécial intitulé "La demande de droit", regroupant une douzaine de textes: un droit peut en cacher un autre, droit et médiation, justice négociée, boutiques de droit... (Version espagnole de cette fiche: MFN 3025)
Articles et dossiers
LALIRE, Marie Colette, CAISSE NATIONALE DES ALLOCATIONS FAMILIALES in. INFORMATIONS SOCIALES, 1992/10/00 (France), N°22
Juristes Solidarités - Espace Comme vous Emoi, 5 rue de la Révolution, 93100 Montreuil, FRANCE - Tél. : 33 (0)1 48 51 39 91 - France - www.agirledroit.org/fr - jur-sol (@) globenet.org