A Madagascar l’autoévaluation d’un projet de reboisement par ses bénéficiaires
07 / 1994
"Le projet suisse PARV "Projet d’Appui au Reboisement Villageois", débuté en 1984 à Madagascar, visait en premier lieu l’intégration de l’arbre dans l’exploitation paysanne. Mais rapidement, il a centré son action sur la mise en valeur organisée des terres domaniales encore libres. Le PARV désirait également que les paysans malgaches prennent en charge les activités d’aménagement de leurs terroirs. Il ne voulait que les appuyer sans avoir à les insérer dans un encadrement technique. Enorme défi dans un milieu social se caractérisant justement par sa faible capacité d’organisation. Les paysans étaient, en effet, dans l’attente de propositions émanant des services techniques des projets plutôt que des demandeurs ou des négociateurs d’appui externe pour des actions dont ils avaient pris l’initiative. Le PARV se devait donc de les aider à se sortir de cette situation.
Son objectif fut alors d’inciter l’émergence du pouvoir des responsables paysans en les aidant à augmenter leurs propres capacités d’être des acteurs. Il fallait également intéresser des communautés d’habitants à une réflexion et à une évaluation participative pour resituer la resforestation parmi leurs premières priorités. Vu la situation sociale dégradée à Madagascar, ce virage ne pouvait se faire qu’à partir de réflexions et questionnement entre paysans sur l’action en cours et ses conséquences pour le milieu. Le PARV devait aussi trouver des lieux d’expression qui ne soient occupés ni par lui, ni par l’administration. Ces seules conditions pouvaient amener à réduire la place du projet et à enclencher une dynamique paysanne. Les réflexions furent menées entre les paysans et parallèlement, les autres catégories d’acteurs (agents locaux de vulgarisation et équipe technique du projet)ont mené une analyse des activités menées et des méthodes de travail. Ces trois séries de questionnements ont donné lieu à un processus d’évaluation participative qui a enclenché la dynamique du changement.
Les principales difficultés de réalisation de ces objectifs ont été la difficile acceptation, par les membres du projet, que des paysans examinent, entre eux, les résultats et les méthodes de travail du projet. Il est donc apparu nécessaire que ce ne soit pas simplement ceux qui avaient reboisé qui participent, mais que viennent travailler à ce processus de réflexion, des groupes très divers comme par exemple les paysans sans terres, des propriétaires et mêmes des gens extérieurs aux opérations forestières. Une des difficultés fut aussi de vaincre la peur des paysans-vulgarisateurs face à cette évaluation. Ils considéraient qu’entraînant automatiquement des changements, elle remettrait en cause leur statut "privilégié". C’est pourquoi le coresponsable suisse se porta-t-il garant qu’ils "ne couraient aucun risque". Et contrairement aux prévisions, l’autoévaluation a permis à nombre d’entre eux de progresser.
Le projet se demanda alors comment favoriser cette large expression. D’abord en formant de petits groupes de réflexion qui se sont effectivement réunis à la suite d’un travail d’animation et ont réfléchi aux six années du projet passées dans leur région. Suite à ce travail, le PARV a alors proposé que des délégués de ces différents groupes informels viennent participer à une rencontre de trois jours. Rencontre à laquelle les techniciens du projet n’ont pas participé, ne voulant pas inconsciemment "diriger" par leur simple présence les participants. Cette réunion a mis en évidence nombre de points de vue communs ou contradictoires et à les formuler par écrit. Il s’est avéré que le succès de cette rencontre d’autoévaluation a été marqué par la qualité des tableaux et des textes élaborés par les paysans malgaches reprenant les 3 jours de cette réunion. Ils y décrivaient leur situation, leurs problèmes et leurs aspirations. Ces écrits montraient clairement l’apport du projet par rapport à leurs interrogations et leurs priorités, sans aucune précaution oratoire. Et après plusieurs mois, a eu lieu une nouvelle rencontre entre ce groupe-ci et les deux autres groupes (paysans-vulgarisateurs et équipe du projet).
Ce travail réussi d’évaluation a mis fin au PARV, lequel s’est vu remplacé par un programme différent appelé "Programme de Foresterie et Développement Paysan" ayant les mêmes finalités et l’objectif de poursuivre les activités commencées. Il fut rapidement confronté à l’inertie née à la suite de toutes ces rencontres et se devait d’en poursuivre l’action. Pour ce faire, son équipe a décidé d’animer des réunions d’expression villageoises dans toutes les collectivités décentralisées malgaches. Ce fut un succès; les paysans étaient très intéressés de pouvoir s’exprimer librement et ensemble pour la première fois au sein de leurs villages".
méthodologie, vulgarisation agricole, organisation paysanne, ONG, autonomie, autoévaluation, formation, projet de développement
, Madagascar
Grand intérêt de constater que l’autoévaluation d’un projet par ses bénéficiaires peut réussir à transformer celui-ci. Mais d’autres conditions sont nécessaires elles aussi.
Entretien effectué par LECOMTE, Bernard. Voir aussi la fiche intitulée : "Promouvoir la maîtrise locale et régionale du développement : 2. Passer de l’approche-projet à un système de programmation concertée"
Littérature grise
RHAM, Philippe de, OCDE, OCDE, 1994/06 (France), 96
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