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Un projet de construction de bâtiments en bois de cocotier dans le Kerala, dans le sud de l’Inde

La construction d’une école, un projet long, audacieux mais probant

Véronique WILLEMIN

02 / 1995

En 1991, une convention est établie entre deux ONG : TWH (Tropical Wood Housing, ONG française)et TSSS (Trivandrum Social Service Society), qui définit et rend compte des rôles et responsabilités de chacun, tant sur le plan humain que technique et financier : sur le plan opérationnel, TSSS propose à TWH plusieurs sites possibles en milieu rural pour construire un bâtiment démonstratif en bois de cocotier. TWH s’engage à définir un programme architectural en accord avec l’équipe d’architectes et d’ingénieurs du TSSS. Le bâtiment sera une preuve de la faisabilité technique et économique de la "filière cocotier" et de ses possibles utilisations. D’autre part, TWH s’engage à proposer une formation aux charpentiers et villageois locaux pendant la construction du bâtiment.

Sur le plan financier, TSSS apporte le budget qui serait consacré à la construction d’une crèche construite avec des matériaux classiques.

En février 1991, Tropical Wood Housing fait appel à un homme de tradition, un ashari, pour choisir le terrain où construire en relation avec les Vastushastra (le grand commentaire de l’habitat). Peu de temps après, le prêtre de la paroisse de CHEMBOOR décide, seul, de changer l’implantation du bâtiment délimitée par l’ashari. Il le déplace de plusieurs mètres vers le nord pour éviter la coupe de trois hévéas; le relief est différent. Les plans, en France, ont été dressés en tenant compte de la pente importante. Maintenant, le bâtiment doit être posé sur une butte. En novembre 1992, mis devant le fait accompli ( les fondations ont été creusés à un emplacement non prévu), TWH envisage de tout arrêter.

Un bras de fer s’instaure, accompagné d’immobilisme et de silence. TWH doit s’accommoder de la situation et s’adapter. Le charpentier local, responsable de la mise en oeuvre de la charpente, semble très satisfait des plans. Il affirme n’y voir aucune difficulté. Mais il préfère redessiner les plans, mettant en avant que la pente n’est plus la même. La hauteur du bâtiment change, trois poteaux centraux sont supprimés. L’architecte français accorde toute confiance au charpentier. Il se révélera plus tard que le charpentier a redessiné les plans parce qu’il ne savait ni les lire ni les interpréter et qu’il n’avait pas osé le dire. D’autre part, il avait envie de réaliser cette charpente "à sa main". Habitué à concevoir des charpentes pour des maisons de 30 à 50 m2, il n’a pas su s’adapter au travail sur un bâtiment de 200 m2.

Courant 1992, les rituels de pose de la première pierre, pose du premier poteau, ... sont respectés. Le bâtiment avance. L’inauguration est prévue pour la fin mars. Il ne manque plus que les portes, les fenêtres et le sol à achever. Mais la charpente montre de graves signes de faiblesse. Or la mousson arrive fin avril et la rentrée des classes commence en juin.

Après examen précis de la situation, TWH demande conseil au Centre Technique du Bois en France. Le responsable du secteur charpente répertorie un certain nombre de faiblesses et d’erreurs dans la conception et la mise en oeuvre de la charpente de l’école. Avec l’aval du Centre Technique du Bois et grâce à une subvention inespérée de la Fondation de France, TWH demande à un expert en charpentes de partir dans les plus brefs délais vérifier la fiabilité du bâtiment. Extrait du courrier de l’expert charpentier à son arrivée :

"1. Etat de la charpente : hormis les chevrons et les poteaux qui étaient récupérables, tout le reste est défectueux.

2. Conception de structure mauvaise.

3. Assemblages souvent mal faits.

4. Boulonnage défectueux.

5. Etat du bois de qualité souvent médiocre.

6. L’architecte qui effectuait le suivi du chantier aurait dû tout refuser en bloc, bois à la livraison et charpente."

Après 15 jours de travail intensif, le bâtiment est réparé et consolidé. Une nouvelle inauguration avec couverture médiatique signe la fin des travaux. Les élèves pourront entrer dans leur nouvelle école en toute sécurité.

Dans le courant de l’été 1992, un cyclone touche les côtes kéralaises et de nombreux bâtiments sont détruits. La crèche restera intacte; seules quelques tuiles auront souffert. Puis le bâtiment fera référence au Kerala et en France. Les difficultés en coulisses ne resteront qu’un souvenir.

Les objectifs du programme de Tropical Wood Housing.

En 1992, les grands objectifs semblent atteints :

- Observer, écouter, diagnostiquer. Décoder les possibles innovations en fonction des conditions locales (climat, politique, traditions, ressources économiques, religions, ...)

- Démontrer les potentiels de l’utilisation du bois de cocotier tout en respectant le programme Tradition et Modernité (respecter les rites et coutumes tout en innovant).

- Sensibiliser les Kéralais à l’utilisation du bois de cocotier.

- Sensibiliser puis convaincre les institutions gouvernementales de la gravité et de l’urgence du problème par les voies médiatiques (conférences de presse, articles dans la presse locale, émissions de télévision et de radio, expositions à l’Alliance Française, ...).

En 1992, un arrêté ministériel a mis en application au Kerala une décision de 1987 : indemniser les propriétaires qui acceptent (malgré la valeur sacrée de l’arbre)de couper les cocotiers séniles ou malades. Afin d’enrayer la maladie, des pieds de variétés hybrides sont fournis gratuitement pour la régénération de la cocoteraie

Une technologie appropriée est mise au point sur le terrain (scierie, séchage, traitement naturel et chimique, ...)

L’école de CHEMBOOR. Réactions un an après l’ouverture.

Pour l’ONG kéralaise, Trivandrum Social Service Society, l’opération a été bénéfique. Le bâtiment donne entière satisfaction, il entre dans la grille du coût des bâtiments publics à faible coût tout en étant un bâtiment expérimental (351 francs/m2). Le directeur du Nirmithi Kendra (agence HUDCO locale)et secrétaire de cabinet du premier ministre kéralais, soutient vivement l’initiative de TWH. Des sessions de formation par des charpentiers français sur la mise en oeuvre du bois de cocotier sont prévues. A Trivandrum, cinq personnes intéressées et passionnées par le projet mené au Kerala depuis 1988 par l’association française TWH, ont décidé de se réunir et de créer une association locale : KERALA WOOD HOUSING.

Mots-clés

construction de logement, matériau local, habitat et économie, architecture, tradition et modernité


, Inde, Inde du Sud, Kerala

Commentaire

La construction de l’école de CHEMBOOR aura été accompagnée d’émotions, de joies, de peurs, d’émerveillements. Malgré, au début, une collaboration souvent houleuse et difficile, aucun de nous n’a jamais lâché prise. Les intervenants kéralais nous testaient dans les épreuves et passages difficiles. Devant notre obstination et notre foi dans ce projet, au moment où le bâtiment était en péril, ils ont choisi non plus de nous suivre mais de se positionner comme des membres actifs du projet pour le faire réussir.

Notes

Véronique WILLEMIN est architecte, consultante indépendante, écrivain.

Cette fiche a été réalisée dans le cadre d’une mission d’évaluation de TWH, en partie financée par la FPH.

Possibilité, pour ceux qui sont intéressés, d’organiser une exposition de photos.

L’adresse de KERALA WOOD HOUSING: Ayswarya Building, Press Road, Trivandrum, 695001 KERALA, INDE. Tel (471)33 04 17. Fax (471)777 02

Source

Récit d’expérience ; Texte original

Tropical Wood Housing - 69 rue du Montparnasse, 75014 PARIS. FRANCE. Tel 40 44 68 71. Fax 40 44 58 34 - France

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