07 / 1993
Le bidonville de Chetla Road, c’est à Calcutta le pire des enfers. Des mères sont assises sur le sol de terre battue de leurs masures, en bordure d’une voie ferrée, chassant les mouches de leurs bébés. Des hommes défèquent près du puits utilisé par la communauté. Des chiens estropiés, malades, boitent le long de la route. Des enfants nagent dans un canal pollué tandis qu’un animal mort, raide de la rigidité des morts, flotte à côté d’eux.
A Chetla Road, la majorité des familles survit avec moins de 1 000 roupies (US$ 45 par mois), d’autres doivent se contenter de la moitié.
Comme la plupart des 30 millions de familles indiennes qui survivent sans abri adéquat, les squatters de Chelta Road manifestent une capacité remarquable, si ce n’est douloureuse, à tenir bon. Ils récupèrent des morceaux de bois et de bâches pour leurs logements et, quand les rations de nourriture touchent à leur fin, il "écrèment" le canal de ses algues pour en faire une soupe. On comprend que la communauté ait édifié un temple à Sitala, la déesse de la bonne santé.
En janvier 1993, une centaine de ces familles a reçu un mandat d’expulsion, un bout de papier qui va chasser la plupart d’entre elles de leurs masures, les laissant sur le trottoir.
Le processus et les acteurs de l’exclusion
L’Autorité portuaire de Calcutta (The Calcutta Port Authority)-sous contrôle de l’Etat- est en faillite complète : elle a loué le terrain occupé par les squatters à une autre entreprise gouvernementale qui compte y construire des appartements et des bureaux. Les squatters n’ont appris leur expulsion imminente que par hasard, lorsqu’un policier du quartier a laissé filtrer les nouvelles. Depuis lors, ils ont relevé la présence alentour, presque quotidienne, d’agents de sécurité employés par l’Indian Road Construction Corporation, un service rattaché au gouvernement central.
Les squatters ont d’abord pensé que le gouvernement communiste de l’Etat, pour lequel ils avaient voté en bloc aux précédentes élections, allait les assister, si ce n’est en sauvant leur colonie, tout au moins en leur offrant un nouvel emplacement. Puis ils ont dit que, si la section locale du parti avait extirpé de la colonie le crime organisé et la corruption policière, en fait ce n’était pas pour stopper l’expulsion.
Les squatters ont déposé une pétition devant la Cour locale de justice en utilisant des listes d’électeurs, des formulaires de crédits bancaires et des cartes de rationnement comme preuves de leur statut de résidents permanents.
Pour construire des appartements destinés aux classes moyennes, l’autorité portuaire veut, d’ici à 1994, avoir dégagé quelque 22 hectares pris sur la colonie de squatters et sur des marécages écologiquement riches.
De nombreux squatters avaient économisé pour pouvoir faire des sols en béton pour protéger leurs habitations de la mousson et acheter du bambou robuste à 60 roupies pièce ($ 2.75)pour les murs.
La majorité des résidents n’a jamais eu d’autre foyer que cette colonie de Chetla Road, établie sous un pont le long du canal jusqu’à l’enceinte d’une usine d’huile végétale.
Réactions et positions des différents groupes
Les représentants de l’Autorité portuaire et de l’entreprise de construction disent que la construction commencera après la mousson de l’été, quand bien même ils refusent de discuter des procédures d’expulsion.
"Nous avons possédé ce terrain pendant plus d’un siècle. Nous n’en avons pas besoin. Bien d’autres entreprises en ont besoin", a déclaré A. Chaktavarty, directeur de l’Indian Ports Association.
La Calcutta Municipal Development Authority est chargée d’aider les pauvres de la municipalité ; mais, les factures qu’elle reçoit n’étant plus payées, elle dépend pour le moment de l’aide étrangère pour rester à flot. D’autres services administratifs, telle l’Autorité portuaire, ont commencé à vendre ou louer leurs biens -dont des terrains- pour faire face à leurs obligations.
Pour les squatters de Chetla Road, le centre de M. Bhattacharya, membre de Habitat International Coalition (HIC)avait récemment aidé à financer une école d’une pièce, un dispensaire, des W.C., des pompes à eau et l’achat de tuiles pour les toits. Ces modestes améliorations semblent maintenant être condamnées à la destruction.
Aucune proposition alternative n’a été offerte aux squatters, avant ou après leur expulsion, par la Calcutta Municipal Development Authority.
habitat, bidonville, expulsion de logement
, Inde, Calcutta
Fiche traduite de l’anglais par Sally Rousset (RITIMO-IRFED).
Articles et dossiers
STACKHOUSE, John in. THE GLOBE AND MAIL, 1993/03 (CANADA), N° 1-12
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