Consolider les acquis et innover
10 / 1994
Le 19 octobre 1994, s’est tenue à Kabate, la réunion de préparation de la campagne d’alphabétisation 1995 menée par l’ORDIK (Organisation Rurale pour le Développement Intégré de la Kolimbine)dans les neuf villages adhérents. Cette rencontre a rassemblé sept des huit membres de la commission Animation en charge de l’alphabétisation à l’association ainsi que les deux techniciens spécialistes de l’équipe projet, Harouna Samassa et Barka Fofana. Après un bilan critique des résultats de la campagne 1994, deux décisions importantes ont été prises. Il s’agit tout d’abord de construire quatre nouveaux centres en dur dans des villages qui ne disposaient jusqu’alors que de simples paillottes et de réhabiliter l’ancien magasin coopératif de Kabate afin qu’il puisse abriter des cours. Les villages finalement choisis (Banaya, Kanamankounou, Kouroukoula)devaient répondre à quatre critères précis pour bénéficier de la nouvelle infrastucture : avoir au moins 40 auditeurs réguliers ; pouvoir faire appel à des moniteurs issus du village même ; posséder un comité villageois d’alphabétisation actif, celui-ci devant bénéficier du soutien de tout le village. Quant à la construction du centre lui-même, elle est l’affaire de tous. Si l’association fournit les matériaux et le mobilier, les habitants doivent fabriquer les briques et monter les murs suivant un plan établi conjointement. Le coût total d’un centre s’élève ainsi à 982 500 FCFA (9 825 FF)dont 175 000 FCFA (1 750 FF)de participation villageoise. La seconde décision concerne la mise en place de cours d’alphabétisation en khassonke dans des villages qui étaient jusque là condamnés à l’apprentissage du bambara. A cet effet, l’ORDIK va accueillir à sa base de Kabate une formation de trois semaines, dispensée par la DNAFLA (Direction Nationale de l’Alphabétisation Fonctionnelle)destinée à de futurs moniteurs en khassonke. Plusieurs femmes devraient en faire partie. Quant aux objectifs 1995, ils ont également été précisés lors de cette séance de travail. L’équipe en charge de l’alphabétisation dans la zone ORDIK ambitionne tout d’abord de dépasser et d’améliorer les résultats obtenus en 1994 : 803 inscrits, 603 évalués, 325 admis (la population des neuf villages s’élève à environ 10 000 habitants). D’autre part, il faut également se préoccuper de renforcer la fréquentation du centre par les femmes. En effet, elles sont peu nombreuses à suivre l’ensemble du programme annuel, encore moins tout le cursus de trois ans pour cause de mariage et parfois de départ ou d’occupations quotidiennes trop lourdes. L’idée d’organiser un stage intensif de 15 jours à Kabate, afin d’assurer au moins un niveau minimum à quelques femmes a été avancée. Quant aux difficultés, elles concernent principalement les moniteurs tous bénévoles (ils ne sont qu’indemnisés par les villageois)qui ne s’impliquent pas suffisamment ou font parfois le choix de la migration vers le Congo ou la France, plus rémunératrice. L’équipe projet a décidé de mieux les préparer à la tenue des différents documents sur la fréquentation, les motifs des absences, la vie du centre... Après la construction en octobre-novembre des nouveaux bâtiments et le recyclage des formateurs, la campagne devrait pouvoir débuter en janvier, après les récoltes. Elle sera lancée par la remise des prix aux meilleurs élèves de 1994, ceux qui ont obtenu les notes les plus élevées aux tests de lecture, dictée, calcul. Les moniteurs les plus méritants seront pour la première fois également distingués. Les résultats vont, pour la deuxième année consécutive, être diffusés le jour même à la radio rurale de Kayes. Parmi les cadeaux, des maillots révélateurs du dynamisme militant mais raisonnable de l’alphabétisation à l’ORDIK : ils porteront l’inscription "Apprends ta langue", "Ecris ta langue" en soninke ou khassonke.
alphabétisation, communauté paysanne, construction communautaire, développement autonome, langue nationale, organisation communautaire
, Mali
L’alphabétisation menée par l’association intervillageoise ORDIK se caractérise par le pragmatisme de sa démarche. Il s’agit de rendre accessible à un maximum de personnes les cours d’alphabétisation mais en s’assurant du respect de certains critères concernant la réelle volonté villageoise d’organiser l’activité et d’assumer la gestion du centre et des moniteurs. Ces précautions sont le gage d’une prise en charge future totale de l’alphabétisation par le village. Cela signifie aussi que l’ORDIK accepte que, faute de motivations suffisantes, certaines communautés ne bénéficient pas de cours. A l’avenir, l’accent devrait être mis sur les moyens d’entretenir les acquis de l’alphabétisation. Dans deux villages, quelques livrets de lecture sont disponibles. Cette mesure gagnerait à être étendue à tous les centres.
Entretien
FONTENEAU, Anne