Quelle statégie de communication afin d’être à la fois un outil de développement pour les associations et le porte-voix de la parole paysanne ?
05 / 1994
Lancée en 1988 par la coopération italienne, la RRK est aujourd’hui prise en charge par un regroupement de treize associations, l’ARKDR (Association des Radio-diffuseurs de Kayes pour le Développement Rural). Elle emploie sept nationaux (deux gardiens, deux animateurs, deux techniciens, un administrateur)et possède, en termes techniques, une portée de 50 à 60 km. Mais sur le terrain, grâce à des antennes qu’ils bricolent, les paysans parviennent à la capter jusqu’à 110 km. La population auditrice est donc évaluée, très approximativement, à plus de 150 000 personnes. Trois langues se cotoient sur les ondes : 80% des émissions se font en soninké et bambara, 20% en poular. La radio émet de 9h à 15h et de 20h à 22h30. Le journal de la radio nationale, seule émission en français, inaugure la reprise en soirée. La radio couvre quatre secteurs thématiques. Pour le domaine économique, il s’agit de diffuser certaines techniques et de faire connaître les expériences réussies. En santé, l’accent est mis sur l’hygiène et la prévention des maladies courantes. Le socio-culturel est consacré à la valorisation des contes populaires, des musiques traditionnelles et de l’histoire locale. Enfin, l’alphabétisation se résume désormais à des émissions de sensibilisation alors qu’à ses débuts, la RRK assuraît des cours d’alphabétisation dans les trois langues. Professés dans les studios mêmes de la radio, ils étaient diffusés en direct dans les centres d’alphabétisation où des animateurs veillaient à leur bonne assimilation. Par cette programmation diversifiée et adaptée aux besoins des ruraux, la RRK a réussi à tisser des liens très étroits avec ses auditeurs. A l’origine du projet italien, lorsque les moyens financiers étaient plus conséquents, plusieurs véhicules partaient quasi quotidiennement recueillir dans les villages, avis, réactions, récits divers alimentant ainsi de futures émissions. Aujourd’hui, la production se fait, en théorie, par l’intermédiaire des associations mais celles-ci ont des difficultés à respecter leurs engagements. Un lien direct fort avec les auditeurs est constitué maintenant par les lettres que ceux-ci envoient à la radio. Or, ce courrier suscite actuellement un vif débat au sein de l’ARKDR. D’un côté, les partisans de "l’utile" pour lesquels une lettre ne doit être diffusée que si elle relate une expérience de développement susceptible d’être profitable à tous. Or ces lettres ne comportent généralement que de simples messages dee salutations adressés aux animateurs ou à la famille. De l’autre, ceux qui estiment que même ainsi, ces messages doivent être communiqués au nom de ce qui fait la raison d’être de la RRK : une radio pour et par les paysans. Cette divergence de vues se traduit concrètement par la réduction du temps d’antenne consacré à la lecture des lettres. Filly Keita, administrateur exprime ainsi son opinion à ce sujet : "Certains veulent que les lettres soient écrites dans un esprit de développement pur et simple. J’ai un jardin, j’ai tel ou tel problème, voilà une lettre utile. Or, les auditeurs, surtout ceux nouvellement alphabétisés, ont du mal à écrire, même s’ils ont des idées mures. Il leur est plus facile de s’exprimer face à un micro que par lettre. Plantons des arbres, c’est utile, c’est un message qu’on veut porter à nos auditeurs. Pour les attirer à la radio, il faut passer leurs lettres avant cela. Si cette politique de communication, nous ne la comprenons pas et que nous voyons le tout en termes d’utilité, cela peut aussi tuer la radio malheureusement." Depuis cette nouvelle orientation, le nombre de lettres reçues chaque jour a fortement diminué : de 35 à quelques unes aujourd’hui.
audiovisuel, communication, culture populaire, langue nationale, processus de développement, radio, valorisation de l’expérience, valorisation des savoirs traditionnels
, Mali, Kayes
La RRK est actuellement confrontée à de sérieuses difficultés : problèmes financiers mais aussi crise de vocation. Comment être à la fois l’outil de développement des associations qui la gèrent et le porte-voix de la parole paysanne ? L’option actuelle risque de l’éloigner des populations rurales pour lesquelles elle devait initialement assurer une communication améliorée.
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