español   français   english   português

dph participe à la coredem
www.coredem.info

dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Il n’y a plus de place pour pondre

Sayantan BERA

04 / 2011

Les tortues olivâtres se bousculent pour trouver une place sur la petite plage de Gahirmatha à Odisha

Le 26 février, à la tombée de la nuit des milliers de tortues olivâtres se traînaient sur la plage de Gahirmatha à Odisha. Elles utilisaient leurs nageoires postérieures pour creuser un trou dans le sable doux et se mettaient ensuite à pondre les œufs, plus de 100 à la fois. Puis elles recouvraient soigneusement leurs nids et retournaient en zigzaguant vers l’océan pour que les prédateurs ne trouvent pas l’endroit précis du nid.

Deux jours après, un autre groupe de tortues arrivait. Quand elles ont creusé des nids à leur tour, beaucoup parmi elles ont détruit les nids existants. La raison: la plage s’est réduite à moins d’un kilomètre et près de 350 000 de tortues olivâtres ont pondu sur cette petite bande en 10 jours. Le résultat prévu: il y aura moins d’éclosion cette année.

Une plage de 32 km de plage réduite à 950m

Les tortues olivâtres sont connues pour leurs comportements de nidification en masse. Entre décembre et mars elles sortent de l’océan pour se rendre sur les plages plates. Ce phénomène est appelé arribada – ce qui signifie l’arrivée en espagnol. Comme leur habitat disparaît, le nombre de tortues olivâtres, autrefois si abondantes, se réduit rapidement. Les plages tropicales du Pacifique oriental, d’Amérique Centrale et les trois plages limitrophes d’Odisha - à Gahirmatha et aux embouchures des rivières Rushikulya et Devi - sont les derniers sites d’arribadas. Parmi les sites de nidification en Inde, Gahirmatha est sévèrement menacé par l’érosion. Une étude en cour du Wildlife Institute of India (WII) montre que la plage de Gahirmatha – une partie de la réserve naturelle dans le Golfe du Bengale – s’est réduite à 950 mètres en 2010. En 1975 elle s’étendait sur 32 kms. Donc, cela fait que cinq à six tortues se bousculent sur un mètre carré. C’est pourquoi une grande partie des 350 000 tortues qui ont creusé leur nid était incapable de trouver de la place et finissait par creuser dans un autre nid de tortues. Quelles sont les raisons de cette diminution de la taille de la plage de Gahirmatha? Selon les résultats d’une enquête menée par le WII ce sont des cyclones successifs qui ont érodé la plage. En plus, il faut s’en prendre à de nombreux projets industriels.

Essar fait des dégât à Gahirmatha

Par exemple Essar Steel Orissa Ltd a dragué depuis 2008 des quantités de sable du delta du Mahanadi d’un site à huit kilomètres de l’embouchure. Cela a affecté l’alimentation de la plage. Les sédiments venus de l’embouchure du Mahanadi sont déposés sur les plages de Gahirmatha par les courants océaniques qui vont vers le nord huit mois dans l’année – une chose qui n’est pas favorable à la croissance de la plage. Essar utilise le sable dragué pour le remblai d’un terrain à bâtir près du port de Paradip où elle construit une usine pour six millions de tonnes d’acier et une centrale électrique pour celle-ci. On estime qu’environ 2,2 m³ de sables ont déjà été extraits.

Biswajit Mohanty, secrétaire de l’association Wildlife Society of Odisha dit qu’à première vue on peut constater que l’érosion de la plage de Gahirmatha est liée à l’extraction du sable dans le delta du Mahanadi par Essar.

« Nous avons demandé au ministre de l’Environnement d’ordonner des analyses à l’aide d’irradiation d’isotopes (on mélange des isotopes radioactifs avec du sable et on les suit jusqu’à l’endroit où ils se déposent) ce qui montrera combien de sable est emporté du Mahanadi aux plages où se trouvent les nids. » En plus le dragage est illégal. « L’endroit où deux dragues creusent constamment tombe dans la zone de confluence des marées. On exigeait d’Essar qu’elle demande une autorisation dans le cadre Zone Côtière Réglementée (CRZ), ce qu’elle n’a pas fait» se plaint Mohanty.

Essar nie le fait de n’avoir pas respecté les lois. « Nous disposons de toutes les autorisations nécessaires est nous avons demandé la permission auprès du département des ressources hydrauliques et d’irrigation de draguer du sable » prétend Harendra Singh Sethi, le directeur du projet d’Essar Steel. Il ajoute que le gouvernement devrait assouplir les réglementations plutôt que de prêter attention aux plaintes d’ « éléments locaux troubles ». Les « facteurs fourbes locaux » auxquels Sethi se réfère c’est Toofan Swain qui a perdu ses terres à cause du projet d’Essar Steel. Il a accompagné le correspondant de Down To Earth à l’endroit où sera bâtie l’usine et a montré les violations. Essar est en train de construire un convoyeur à bande de quatre kilomètres jusqu’au port. Pour le construire elle a détruit énormément de mangrove sur la côte. La compagnie n’a jamais demandé une autorisation CRZ pour ce convoyeur à bande. Depuis les rives du Mahanadi on peut entendre au loin le bourdonnement des dragues. « A la tombée de la nuit, les dragues se déplacent vers les rives du Mahanadi près de l’usine pour draguer plus de sable. C’est cela qui a érodé les rives; la rivière s’est élargie de plus de 500 mètres» explique Swain. Essar a obtenu l’autorisation pour ces projets du ministère de l’Environnement en mai 2008 sans avoir annoncé que le projet englobait des zones soumises à la CRZ. Après avoir été informé par Paradip Krushak Mancha, une association de paysans, et la Wildlife Society, le ministère réclame un rapport de l’État. Le secrétaire de l’Environnement à Odisha, Bhagirathi Behera, a annoncé que son département a réclamé un rapport des autorités du district de Jagatsinghpur. En janvier 2010 le secrétaire d’État en charge de l’Acier a demandé à Essar de bien vouloir se procurer une autorisation CRZ. Essar est en train de la demander.

Les bébés vont s’égarer

Environ 45 jours après la ponte, les jeunes tortues sortent du sable et trouvent leur chemin vers l’eau grâce au reflet de la lune et des étoiles dans l’eau. Elles pourraient se perdre une fois que les ports de Dhamra et Posco commenceront à fonctionner. La lumière artificielle des ports pourrait distraire et troubler les jeunes tortues. Au lieu de se diriger vers l’océan elles pourraient se diriger vers le port. Et les tortues adultes devront se chercher un autre endroit pour faire leurs nids.

Mots-clés

protection de la diversité biologique, protection de l’environnement, protection des espèces animales, développement industriel


, Inde

dossier

Notre Terre N°37 / Crisla

Notes

Lire l’article en anglais : Nowhere to nest

Traduction : Cédric Labry, stagiaire au Crisla

Source

Sayantan Bera, Nowhere to nest, Down To Earth, Avril 1-15 2011

CSE (Centre for Science and Environment) - 41, Tughlakabad Institutional Area, New Delhi, 110062 - INDIA - Tel. : (+91) (011) 29955124 - Inde - www.cseindia.org - cse (@) cseindia.org

mentions légales