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Question énergétique et développement à faible bilan carbone en Inde

Centre for Education and Documentation

08 / 2010

L’Inde est le 6ème plus grand consommateur d’énergie du monde, représentant 3,4% de la consommation énergétique mondiale. En mars 2009, sa capacité de production électrique était de 147.000 MW. Malgré ce chiffre, la consommation électrique par tête est l’une des plus faibles du monde, estimée à 600 kWH.

D’après la Commission au Plan, l’Inde aura besoin d’une croissance économique soutenue de 8 à 10% sur les 25 prochaines années si elle veut éradiquer la pauvreté et atteindre ses objectifs de développement humain. Un tel taux de croissance signifie qu’elle devra augmenter sa capacité totale de production électrique de 148GW à 800GW d’ici 2030.

Malgré sa forte croissance, l’Inde accuse un déficit énergétique de 9 % et un pic de déficit de 17 %. D’après les estimations de l’Autorité Centrale de l’Électricité (CEA), en 2007, les systèmes de transmission et de distribution ont perdu environ 29% de l’électricité produite. Le CEA estime aussi que les pertes techniques et commerciales, dues aux vols d’électricité ou à des factures non recouvrées, sont supérieures à 32%, parmi les plus élevées dans le monde.

Analyse du secteur de l’électricité

Nos besoins énergétiques globaux sont satisfaits à 78% par les combustibles fossiles, 18% par les ressources renouvelables et 4% par l’énergie nucléaire. En Inde, le charbon et le pétrole comptent pour 3/5ème et les grands barrages hydroélectriques pour un quart de l’électricité produite. Le potentiel estimé de l’Inde pour la production d’énergie éolienne, de petite hydroélectricité et de biomasse est d’environ 80.000 MW.

Les émissions totales de CO2 par le secteur de l’énergie sont de 1,3 milliards de tonnes ce qui représente 4% des émissions mondiales. Ramenées aux émissions par tête, cela correspond à 1,5 tonnes, à comparer à la moyenne des États-Unis qui est de 25 tonnes. Dans ce contexte, l’Inde s’est opposée à la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre (GES) au détriment de son développement qu’elle considère essentiel pour sortir la majorité de sa population de la pauvreté.

L’Institut de l’Énergie et des Ressources (TERI) a évalué l’évolution de la demande énergétique commerciale de l’Inde à la Conférence des Parties (COP) de Poznan : si le même mode de développement est conservé, elle devrait être sept fois plus élevée d’ici 2032, le charbon représentant 60% de l’énergie totale. Selon ces prévisions, les émissions de CO2 par tête atteindront 5 tonnes par an. Cette estimation a été considérée comme très exagérée dans beaucoup de cercles officiels et par certaines ONG telles que le Centre for Science and Environment (CSE), qui luttent contre l’assaut des pays industrialisés contre des pays comme l’Inde en exigeant qu’ils soient aussi soumis à des réductions contraignantes d’émissions de GES. L’estimation est néanmoins révélatrice de cette croissance aveugle à laquelle participent de nombreux secteurs tels que les mines, les infrastructures et la construction.

TERI a dans tous les cas posé les termes d’un scénario de référence afin d’attirer plus d’attention, et de financements, sur le développement d’énergies alternatives. L’institut propose parallèlement un scénario ambitieux, mais dans lequel les émissions de l’Inde doubleraient de toutes façons d’ici 2032. Selon ce scénario, l’Inde devrait développer l’énergie solaire pour 700.000 MW (contre à peine 100MW à l’heure actuelle), l’énergie nucléaire pour plus de 50.000 MW (contre 500 MW aujourd’hui) et l’énergie hydroélectrique pour 150.000 MW (5 fois la capacité actuelle et alors que les communautés locales s’opposent à tous les grands projets hydroélectriques du pays). L’Inde aurait besoin de 10.000 milliards de dollars (10 fois son PIB actuel) pour mettre en place de telles infrastructures d’ici 2037. En cas de succès, ce plan permettrait de limiter les émissions par tête de GES à seulement 1,2 tonne par an.

TERI recommande cependant un scénario dit de Résolution, sous lequel les émissions de CO2 de l’Inde tripleraient pour atteindre 3 milliards de tonnes en 2032, et les émissions par tête 1,9 tonnes par an. Selon le scénario 75% de l’énergie commerciale proviendraient des combustibles fossiles et le reste des énergies renouvelable (principalement solaire), nucléaire et hydroélectrique. Ce scénario coûterait 6000 milliards de dollars pour sa mise en œuvre. Une telle somme sera-t-elle rendue disponible par le financement des mécanismes de développement propres (MDP) et les transferts de technologie ?

Officiellement, l’Inde a lancé sa Mission nationale pour l’Amélioration de l’Efficacité Énergétique (National Mission for Enhanced Energy Efficiency, NMEEE), qui vise à créer un marché pour l’efficacité énergétique estimé à 740 milliards de roupies en créant un nouveau régime de régulation qui encouragerait les modèles de production innovants et durables et un usage plus efficace de l’énergie. D’ici 2015, près de 23 millions de tonnes d’équivalent pétrole de combustible (charbon, gaz et produits pétroliers) seront économisés chaque année avec une capacité supplémentaire attendue de plus de 19.000 MW. La réduction d’émission de CO2 attendue est estimée à 98,55 millions de tonnes annuelles.

Le Plan d’action est fondé sur des initiatives proches des MDP du protocole de Kyoto qui tendent à offrir une échappatoire aux pollueurs leur permettant de continuer avec de vieilles technologies inefficaces si le coût du changement est trop important. L’initiative Perform, Achieve and Trade (PAT) est un mécanisme de marché visant à augmenter l’efficacité, en termes de coûts, des améliorations énergétiques dans les grandes industries et infrastructures fortement consommatrices d’énergie, à travers des certificats d’économie d’énergie pouvant être commercialisés. Les unités qui ont pu économiser plus que leur objectif auront des Certificats d’Économie d’Énergie. Celles qui seront en deçà de leurs objectifs pourront acheter ces certificats pour atteindre leurs objectifs. La seule différence avec les MDP est que le Bureau d’Efficacité Énergétique décidera probablement d’une norme d’efficacité. Mais tout dépendra de la base qu’il utilisera pour la fixer. Sera-t-elle en phase avec l’efficacité requise dans ce secteur au niveau mondial pour atteindre les objectifs de réduction d’émission, ou le Bureau continuera-t-il à se cacher derrière les faibles chiffres par tête, de l’Inde (une indulgence empruntée aux pauvres de ce pays) ?

Deux instruments financiers doivent soutenir cette initiative :

Le Fonds de Garantie Partielle du Risque, offrira aux banques commerciales une couverture partielle du risque contre les prêts contractés pour des projets d’efficacité énergétique. Il devrait encourager les banques à financer de nouvelles technologies et de nouveaux modèles économiques associés à des projets d’efficacité énergétique.

Le Fonds de Capital Risque pour l’Efficacité Énergétique doit couvrir la disponibilité de capital risque pour les entreprises qui investissent dans l’approvisionnement de biens et services efficaces. Le problème est que toute couverture de risque pour les prêts augmente l’activité délictueuse innovante, dans une économie de plus en plus tirée par les dérivés, et dans laquelle le capital risque, aux voltes faces rapides en collusion avec les fonds de pension, se spécialise.

Le Bureau de l’Efficacité Énergétique a lancé des programmes de normes et labels pour les appareils, les codes de construction et les processus industriels. Une initiative importante vise à développer des rapports de projets pour certains groupes de petites et moyennes entreprises, destinés à augmenter leur efficacité énergétique. Face à l’augmentation des coûts de l’énergie, il s’agit d’aller au-delà des incitations fiscales normales et du soutien technologique pour augmenter les performances et promouvoir l’efficacité énergétique.

Les groupes choisis couvrent des industries nouvelles dans des domaines tels que :

  • les industries chimiques à Ahmedabad et Vapi

  • les usines d’huile à Alwar et Sawai Madhopur

  • les usines textiles à Surat, Sholapur et Pali

  • les industries techniques comme la galvanisation, le caoutchouc à Howrah, la fonte et la forge à Batala, Jalandhar et Ludhiana, les outils mécaniques à Bangalore et les produits réfractaires dans les districts Godavari Est et Ouest

  • la manufacture comme la céramique à Morvi, le bronze à Jamnagar, les ustensiles en bronze et aluminium à Jagadiri et Bhubaneshwar

  • les fours à briques à Varanasi.

Intensité énergétique

Le Groupe Énergétique Prayas, qui a présenté avec succès des modèles alternatifs pour réduire la consommation électrique dans les zones rurales grâce à une meilleure distribution et une plus grande efficacité des équipements, rapporte que l’intensité énergétique industrielle est en baisse. Ce sont donc ces tendances, plutôt que les mécanismes monétaires de marché, qui doivent être encouragées. Le groupe considère également que la consommation d’énergie dans les secteurs résidentiels et les transports est relativement faible comparée aux États-Unis, à l’Europe et à la Chine.

La baisse de l’intensité énergétique industrielle est liée à un certain nombre de facteurs, dont un changement structurel de l’économie vers des activités moins intensives en énergie et des améliorations dans les industries à forte consommation d’énergie. En raison de la croissance rapide des services à un taux très au-dessus de la croissance industrielle et du PIB, leur contribution à l’économie est passée de 44% à 52% entre 1990 et 2005. Si elle continue à dépasser la croissance de l’industrie, l’intensité énergétique continuera à diminuer.

D’après Prayas, les prix relativement élevés de l’électricité et de l’énergie industrielles ont également restreint la croissance énergétique, conduisant à une réduction constante de l’intensité énergétique dans l’industrie.

Dans son rapport « Une vue d’ensemble des tendances énergétiques en Inde : croissance faible en carbone et défis du développement », le Groupe conclut :

  • les émissions de l’Inde liées à l’énergie doivent augmenter pour lutter contre la pauvreté et augmenter les niveaux de vie. Ils mettent cependant en garde contre la tendance du business as usual, qui ne favorise pas le développement des pauvres ni n’exploite suffisamment les opportunités de co-bénéfice entre la lutte contre le réchauffement climatique et un développement équitable

  • malgré sa dépendance au charbon, l’Inde est sur un chemin de croissance faible en carbone en raison d’une intensité énergétique faible et en baisse, et d’une capacité de production électrique sans carbone en hausse

  • dans un futur proche, les tendances à la baisse de consommation d’énergie et d’intensité en carbone semblent devoir se poursuivre. Elles sont cependant affaiblies par des modèles de développement non durables comme la forte croissance des véhicules privés.

Les politiques gouvernementales offrent des soutiens mitigés à ces tendances. Par exemple, elles promettent des initiatives pour réduire la demande et pour encourager les énergies renouvelables d’un côté, mais elles continuent de passer outre l’inefficacité persistante du réseau de distribution de l’électricité de l’autre.

Énergie rurale

Tout l’édifice de la politique du changement climatique est fondé sur l’hypothèse que le développement est nécessaire pour lutter contre la pauvreté. Mais Prayas montre qu’il n’y a aucune preuve que les pauvres bénéficient directement du nouveau programme, sauf par effet de percolation.

La réalité est que plus de 20 millions de foyers dans l’Inde rurale n’ont toujours pas d’électricité. Le Gouvernement central avait exposé un plan pour une électrification à 100% des villages d’ici la fin 2007 et l’électrification totale des foyers d’ici 2012. Pour cela le Gouvernement a cherché à renforcer le réseau électrique national en ajoutant plus de 60.000 kilomètres de circuit de nouvelles transmissions à un coût de 75 milliards de roupies.

Le défi principal aujourd’hui est d’assurer l’accès à l’énergie à la vaste population rurale sans que cela conduise à la prolifération d’émissions dans l’atmosphère et en assurant un développement durable particulièrement aux populations marginalisées.

Les sources d’énergie renouvelables comme le solaire, l’éolien, la petite hydroélectricité et la biomasse sont indigènes, n’épuisent pas les ressources et sont écologiques : elles peuvent jouer un rôle important pour assurer les besoins énergétiques de l’avenir. En 2007, l’énergie renouvelable fournissait plus de 18% de l’approvisionnement énergétique final. Ces technologies renouvelables ont connu des taux de croissance annuels à deux chiffres depuis plus de dix ans. La part du renouvelable dans la production globale supplémentaire (sans compter les grands barrages hydroélectriques) est montée de 5% en 2003 à 23% en 2008, ce taux étant plus élevé que dans de nombreux pays.

Cependant, la grande question qui préoccupe les organisations de la société civile est de savoir comment cette recherche d’énergie propre et renouvelable peut être atteinte sans effets négatifs sur l’équité et la démocratie. Une affiche du projet de micro hydroélectricité Putsil (Orissa) indique : « Nous dédions notre usine micro hydroélectrique communautaire à ceux qui ont sacrifié leurs vies et leurs ressources au soi-disant développement de quelques uns. […] Notre village se situe à 200 km de quatre grands projets hydroélectriques qui ont déplacé 250.000 personnes pour produire 1.020 mégawatt d’électricité. La proximité de ces mégas centres de production électrique ne nous a été d’aucune utilité. Comme nombre de villages dans la région, nos villages n’ont pas eu d’électricité. Maintenant nous jouissons des bénéfices de l’électricité, une électricité que nous produisons, utilisons, gérons et possédons ».

Mots-clés

production d’énergie, énergie renouvelable, changement climatique, électricité, consommation d’énergie


, Inde

dossier

L’Inde et le changement climatique

Notes

Lire l’article original en anglais : Energy and the Low carbon Path to Development

Traduction: Valérie FERNANDO

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Texte original

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