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L’Inde dans les négociations internationales sur le climat

Centre for Education and Documentation

08 / 2010

Environ 27% des 1,16 milliards d’habitants de l’Inde vivent sous le seuil de pauvreté et 41,6% avec moins de 1,25 dollar par jour (Banque de Développement Asiatique, 2009). Et pourtant l’Inde possède la onzième économie du monde (Banque mondiale, 2010) et est le cinquième plus grand émetteur de CO2 avec une croissance de 8 à 9%.

Les courants économiques dominants de l’Inde estiment que le pays doit poursuivre son industrialisation et se lancer dans la course à un avenir durable avec l’aide de la technologie et de la finance. C’est dans ce contexte que l’Inde a été un acteur clé et enthousiaste des négociations internationales sur le climat, l’environnement et le développement.

Négocier « notre avenir à tous »

La conférence des Nations unies sur l’environnement humain de Stockholm (Suède) en 1972 a culminé avec la création de la Commission mondiale sur l’Environnement et le Développement et la publication de « Notre Avenir à Tous », ou rapport Bruntland, qui propose la définition suivante du développement durable : « un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ».

Vingt ans plus tard, en 1992, au Sommet de Rio, plus de 170 pays ont adopté l’Agenda 21 et la Déclaration de Rio sur l’Environnement et le Développement, visant à protéger et à conserver l’écosystème de la Terre.

La plupart des pays ont signé le traité international, Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (CCNUCC) destiné à réfléchir à des solutions pour limiter le réchauffement mondial et gérer l’augmentation des températures. Cette Convention est entrée en vigueur le 21 mars 1994.

L’Inde négocie sa position

L’Inde est traditionnellement l’un des leaders du G77, groupe représentant les pays les plus pauvres. Aujourd’hui, elle est fait également partie d’un groupe de pays élites, appelés pays émergents, qui se bat pour ses propres intérêts, ce qui l’aliène de nombreux pays pauvres, en particulier de l’Alliance des Petits États insulaires.

L’Inde a joué un rôle clé au sein du G77 dans la lutte entre les pays riches et les pays industrialisés (pays de l’Annexe I du Protocole de Kyoto). A la première Conférence des Parties de Berlin, grâce aux efforts concertés de l’Inde, le concept d’équité a pu être lié à la notion de durabilité. L’Inde, avec le ferme soutien d’Anil Agarwal du Centre pour la Science et l’Environnement et d’un réseau mondial d’ONG, a défendu le concept d’émissions par tête afin de fonder le principe d’équité dans les négociations internationales.

La campagne menée par les ONG soulignait le fait que les pays du G77 ont un faible taux d’émission par tête, entre moins de 1 tonne équivalent CO2 (TEC) et à peine 2 TEC, comparés aux 6 à 20 TEC des pays développés. Fort de cet argument, le groupe mené par l’Inde et la Chine a refusé de couper et de réduire ses émissions tant que les pays industrialisés ne prendraient pas des mesures vérifiables de réduction de leurs propres émissions. Le mandat de Berlin a clairement fait porter la responsabilité de la réduction aux pays riches.

L’autre enjeu concernait la détermination de l’année de référence utilisée pour mesurer le pourcentage de réduction des émissions. En jouant sur le choix de cette année de base (1990), les pays industrialisés ont cherché à nier leur responsabilité pour les émissions ayant eu lieu durant leurs années de croissance et qui leur ont permis d’atteindre leur niveau actuel de richesses.

Malgré le conflit entre pays développés et en développement, le principe de responsabilité commune mais différenciée a été accepté et a conduit aux négociations du Protocole de Kyoto en 1997, considéré par l’Inde et les pays en développement comme la première étape vers des réductions contraignantes d’émission de gaz à effet de serre.

Le protocole de Kyoto

Ce protocole de la CCNUCC qui est entré en vigueur le 16 février 2005 est un accord légalement contraignant selon lequel les pays industrialisés de l’Annexe 1 du Protocole doivent réduire leurs émissions collectives de gaz à effet de serre de 5,2% par rapport à l’année 1990. La réduction a été calculée comme une moyenne sur la période de 5 ans entre 2008 et 2012, appelée première période d’engagement du Protocole de Kyoto.

De Bali à Copenhague

Le protocole de Kyoto devait poser les fondations d’un système pour de futurs mandats de réduction d’émission. Ainsi les négociations internationales initiées en mai 2007 devaient mettre en place un nouveau traité.

Entretemps le Groupe Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) a publié son nouveau rapport (AR4). Celui-ci propose notamment un calendrier de limitation des émissions de gaz à effet de serre. Sur cette base, le consensus du G77 était que les pays industrialisés devaient réduire leurs émissions de 25 à 40% par rapport aux niveaux de 1990 d’ici 2020 afin d’avoir une chance raisonnable de limiter le réchauffement à 2°C par rapport aux niveaux pré-industriels. Cela était couplé avec une estimation globale d’un pic d’émission mondiale pour 2015. Les émissions devaient être réduites de 50% par rapport à 1990 d’ici 2050, les pays développés devant les réduire de 80% ou plus par rapport aux niveaux de 1990.

Face aux tensions renouvelées entre les pays industrialisés et en développement, les négociateurs ont entamé un processus à deux vitesses à Bali (COP13) :

a) la voie de la Convention (CCNUCC), qui se concentre sur quatre grands thèmes : l’adaptation, la limitation, les transferts et le déploiement de technologie, et le financement

b) la voie du protocole de Kyoto, qui concerne les objectifs de réduction des émissions pour 2009 sur lesquels les pays se sont mis d’accord et les moyens de les atteindre, y compris les mécanismes de marché.

C’était un compromis entre des positions irréconciliables. Les négociateurs espéraient qu’il permettrait des progrès sur certains fronts : la réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts, les actions de réduction des pays en développement, les engagements de réduction des pays développés.

Mais sur ces engagements principaux il n’y a eu guère d’avancées à COP13, 14 et 15, le dernier ayant lieu à Copenhague. L’Inde n’a pas cédé concernant la question de l’équité et de la durabilité. D’un autre côté, l’Inde, la Chine ainsi que d’autres pays, sont de plus en plus considérés comme des économies émergentes dont les émissions devraient augmenter de telle manière, en termes absolus, qu’elles mettent en péril le scénario global des émissions.

Les émissions totales de l’Inde depuis 2005 la placent en 5ème position mondiale, la Chine étant seconde. L’argument des pays émergents est que les émissions par tête demeurent basses alors que les émissions globales et par tête des pays développés restent toujours les plus élevées.

Mais, dans leur offensive, les médias internationaux ont décrit les pays émergents comme des émetteurs dangereux, susceptibles de l’être davantage à l’avenir. D’une certaine manière, ils ont joué le jeu de l’Inde qui souhaite désormais dîner à la table des pays riches.

Après l’échec de COP14 à Poznan, les quatre grands pays appelés BASIC (Brésil, Afrique du Sud, Inde, Chine) ont accordé leurs positions et négocié collectivement leur stratégie. En face, les ONG du Nord exerçaient une pression sur ces nations, en particulier l’Inde, pour les inciter à « construire la confiance » avec les ONG du Nord. De leur côté, les Petits États Insulaires (OASIS) ont commencé à se sentir mal à l’aise, à juste titre, la hausse du niveau des océans mettant d’ores et déjà ces pays en difficulté. Compte tenu de leur faible population, ils n’ont pu obtenir l’attention dont les géants (Chine et Inde) ont bénéficié, même si c’était en l’espèce une attention peu favorable.

Les nations les moins développées, dont de nombreux pays africains, ont également considéré que leurs intérêts n’étaient pas représentés dans les principes d’équité et de durabilité, dans le protocole de Kyoto et dans l’après-Kyoto.

L’accord de Copenhague

Finalement, en décembre 2009, Copenhague a vu la voie de Kyoto aboutir à une impasse alors que le plus gros émetteur mondial, les États-Unis, avec d’autre pays industrialisés importants, s’est montré réticent à réduire ses émissions de manière significative.

D’un autre côté, il y avait la « carotte » des 100 milliards de dollars, d’ici 2020. Mais cette contribution des pays industrialisés était liée au fait que des pays émergents comme l’Inde acceptent des réductions contraignantes. Les Petits États Insulaires du G77 ont eu le sentiment que la position inflexible de l’Inde, de la Chine et d’autres pays, exigeant que seuls les pays industrialisés s’engagent à des réductions contraignantes, était responsable du retard pris dans la mise en place de solutions.

Le Président Obama a alors fait la proposition suivante au Brésil, à la Russie, à l’Inde et à la Chine :

  • les pays industrialisés devront présenter l’objectif de réduction d’émission qu’ils sont prêts ou capables d’atteindre

  • les pays en développement devront présenter les actions spécifiques de réduction des émissions et les soumettre à une vérification.

L’Inde et les autres pays BASIC ont accepté, aboutissant à l’Accord de Copenhague qui reste ambigu sur sa valeur puisqu’il n’a pas été adopté par consensus en raison de la forte opposition de certains pays.

Le fait qu’il n’y ait pas de date limite pour le pic des émissions globales a déçu les scientifiques, les militants et les pays vulnérables. Cela convenait à l’Inde qui était satisfaite du recentrage sur l’équité. Elle a de son côté relâché sa position sur le contrôle et les vérifications internationales de ses actions de réductions nationales.

L’Inde et la Chine ont choisi de faire partie des pays s’engageant unilatéralement en affirmant que leur réduction se ferait en points de PNB, refusant ainsi une réduction absolue des émissions. En mars 2010, plus de 110 pays, dont l’Inde, la Chine et les États-Unis, avaient soumis leurs engagements et accepté de figurer sur le préambule de l’Accord de Copenhague.

L’impasse actuelle

Les pays BRIC, et l’Inde en particulier, ont été soumis à de fortes pressions, à la fois des pays industrialisés et en développement, pour prendre des positions fortes et conflictuelles dans les négociations internationales. Depuis, l’Inde est revenue sur ses propos en affirmant que Copenhague n’était pas un engagement mais une déclaration politique.

Le Premier Ministre Manmohan Singh considère que :

  • la grande majorité des pays ne soutient pas la re-négociation ou la dilution de la CCNUCC,

  • le protocole de Kyoto doit rester un instrument légal valide,

  • tout accord sur le changement climatique doit respecter les besoins en développement et en croissance des pays en développement.

Malgré ses déclarations, l’Inde semble se focaliser sur la responsabilité première des pays industrialisés. Son leadership sur le changement climatique au sein du G77 a été remis en question. En Inde même on craint que le pays n’insinue trop facilement que les pays industrialisés sont soumis à la pression et à la contrainte des États-Unis. Les Petits États Insulaires conduits par le leader charismatique des Seychelles, les nations africaines conduites par le Soudan et les pays d’Amérique latine menés par la Bolivie sont de plus en plus considérés comme les leaders véritablement soucieux des intérêts du G77.

Mots-clés

changement climatique, négociation internationale, gouvernance


, Inde

dossier

L’Inde et le changement climatique

Notes

Lire l’article original en anglais : India in International Climate Negotiations

Traduction : Valérie FERNANDO

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Source

Texte original

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