Centre Vicente Cañas, Bolivie
05 / 2010
Le Centre Vicente Cañas est un centre social né en 1999 dans la zone Sud de Cochabamba, à l’initiative de la paroisse de Santa Veracruz tenue par des prêtres issus de la mouvance progressiste de l’Église. Dès le départ, son objectif est d’offrir un appui multidisciplinaire et intégral aux populations de ce territoire, où 95% de la population vit sous le seuil de pauvreté.
La zone Sud est marquée par la présence d’anciens mineurs qui se sont massivement repliés vers Cochabamba après la fermeture des mines de la région de Potosi et de La Paz dans les années 80, improvisant des quartiers sur des terrains périurbains constructibles. On recense également un grand nombre d’habitants arrivés à cause de l’exode rural. Aujourd’hui, la plupart des habitants sont des occupants sans titres. Beaucoup d’entre eux souhaitent partir vers l’Espagne, le Brésil et l’Argentine. Dans cette zone, la majeure partie de la population n’a pas accès à l’eau, ni aux services de collecte des déchets ; les équipements publics sont très déficients, l’accès à l’électricité partiel, la sécurité des populations autogérée et la pollution est criante.
Les activités du centre Vicente Cañas se répartissent en deux axes :
un axe de programmes sociaux et familiaux (Programme Migrations, Programme d’éducation juvénile, Programme de lutte contre les violences intrafamiliales et Programme d’attention aux personnes handicapées) ;
un axe d’appui aux organisations sociales et de quartier (micro-crédit, pouvoir local et formation).
Le programme Pouvoir local : appuyer la revendication collective des droits des habitants de la zone sud
Le programme Pouvoir local s’inscrit dans le cadre d’un programme national appuyé par OXFAM Hollande et le Secours Catholique France et coordonné par l’Union Nationale d’Institutions pour le Travail social (Unitas). Il vise au renforcement des organisations de quartier et locales afin qu’elles puissent participer à la vie de la communauté à travers la définition et le contrôle de l’action publique.
Dans des logiques de peuplement urbain qui obéissent à des stratégies de conquête du droit à la ville, le programme Pouvoir local restitue aux habitants leur capacité d’action collective.
Le Centre Vicente Cañas, à travers ce programme, appuie les populations pour la résolution de leurs problèmes à travers toute une série d’outils d’accompagnement qui vont de la formation à l’investigation participative et, surtout à la communication.
Les outils utilisés par le Centre Vicente Cañas
Trois outils sont utilisés :
La communication éducative, afin de développer une information critique ;
L’investigation participative, afin de permettre aux populations concernées de développer leur propre connaissance de leur environnement pour le changer ;
L’éducation et la formation.
La communication au service des droits : les NICOPs (1)
Afin de repérer les problèmes des quartiers Sud, de les faire connaître auprès de l’ensemble des habitants de la ville, et de renforcer le sentiment d’appartenance à un quartier parmi les habitants, le Centre Vicente Cañas a créé un département de communication très performant. Journal, internet, diffusions radio, petits films sont autant de canaux pour exprimer les mécontentements, dénoncer les violations de droits, diffuser les luttes collectives, interroger les responsables de ces violations… Souvent les moyens de communication servent d’outils de médiation avec les pouvoirs publics ou les entreprises municipales en charge de la gestion des services publics.
Le Centre Vicente Cañas a également formé des « communicateurs populaires », les NICOPs, qui sont des jeunes issus du quartier. Leur objectif est d’influer sur la prise de conscience des personnes des quartiers, notamment des autres jeunes, essentiellement par le biais du théâtre populaire ou du théâtre radio.
Les NICOPs ont été constitués en 2004, dans le cadre du programme Pouvoir local à partir d’une proposition faite aux jeunes volontaires qui faisaient du soutien scolaire dans le cadre du programme jeunesse du Centre Vicente Cañas. Au fur et à mesure, d’autres jeunes ont rejoint le groupe, souvent à la suite d’interventions faites par les NICOPs dans les collèges. Pour assurer l’intégration fréquente des nouveaux membres, ils se forment entre eux de façon systématique. Ils sont en général une douzaine de jeunes du quartier. Les membres se sont renouvelés assez fréquemment. Pour formaliser leur engagement et les aider à subvenir à leurs besoins, ils reçoivent une petite rétribution. Leur autonomie s’est renforcée depuis 2007 car ils ont créé une « table directive » propre à leur organisation qui définit elle-même ses objectifs annuels et ont rédigé des statuts. Ils reçoivent une formation au théâtre, à la vidéo, etc.
Les NICOPs créent leurs propres supports pour dénoncer et créer du débat.
Le Centre Vicente Cañas utilise aussi beaucoup l’outil radio. Trois émissions par semaines ont lieu sur des programmes locaux ou nationaux. L’idée est de porter la voix de la zone Sud, mais aussi d’inviter les responsables, notamment de l’entreprise municipale des services d’eaux, à répondre à des questions concrètes.
L’auto-diagnostic participatif
Un autre outil fort intéressant est l’auto-diagnostic participatif. Il s’agit d’une méthode de recherche-action qui permet aux habitants de la zone Sud, appuyés par des chercheurs et par les animateurs du Centre Vicente Cañas, de créer leur propre savoir sur les problématiques du quartier, à partir de la mise en commun de leurs expériences.
Ces études sont réalisées à partir de réunions et d’enquêtes de terrain, où les habitants sont amenés à se prononcer. Ils participent à la construction des problématiques mais aussi à la restitution des conclusions. Les enquêtes donnent souvent lieu à des publications, comme celles de l’étude qui a été faite dans le quartier Minero de San Juan, intitulé « Connaître mon quartier ». Ces publications sont présentées de telle forme que les habitants peuvent se les approprier aisément et y réagir.
L’investigation est conçue comme un processus de création des savoirs qui a pour objet la mobilisation à partir du partage d’expériences et de la construction collective d’un socle de connaissances qui revalorise l’identité des habitants et les invite à l’action collective. La construction collective se fait dès le départ. Les personnes concernées participent à la planification. Le travail des chercheurs consiste principalement à mettre à la disposition des habitants des outils qui puissent leur permettre de faire des propositions (des schémas, des cartes communautaires qui permettent recenser par exemple les services publics ou les carences identifiées par les habitants…).
L’accompagnement vers l’autonomie : la formation collective pour les droits
La position du CVC consiste à dire que les personnes concernées doivent s’approprier leurs droits et savoir où et comment les revendiquer. Pour cela, les animateurs assurent un appui technique destiné à leur faciliter l’acquisition des outils pour une meilleure organisation (démocratie….). Il s’agit de construire la mobilisation pour avoir plus de poids au niveau politique et non de répondre directement aux demandes.
Si les personnes concernées décident de construire une mobilisation plus directe (blocage….), le CVC ne se met pas au premier plan de l’action.
L’exemple de la mobilisation des habitants du quartier Lomas de Santa Barbara : à la conquête des droits
Dans le quartier Lomas de Santa Barbara, où vivent environ 1 200 familles, le Centre Vicente Cañas appuie le comité de quartier par la formation politique, la formation à la gestion de projets, et, à travers son département de communication, fait le relais des informations qui concernent le quartier. L’appui du centre Vicente Cañas s’inscrit dans la durée, à travers l’accompagnement aux actions collectives menées par les habitants, en privilégiant toujours des solutions pacifiques, quand elles sont possibles. Les demandes des habitants de ce quartier portent essentiellement sur l’accès aux services de base.
Grâce à l’organisation collective de l’assemblée des voisins de Lomas de Santa Barbara, ceux-ci ont obtenu du gouvernement bolivien d’Evo Morales qu’il construise une superbe école dans le quartier, avec les fonds apportés par la coopération vénézuelienne. L’école étant construite sur un terrain sans titre, l’occupation des habitants se trouve donc légitimée de fait. La mobilisation se poursuit cependant actuellement puisque les parents d’élèves doivent exiger que la Préfecture mette à disposition des professeurs dans cette école !
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, Bolivie, Cochabamba
Participation : comment les populations deviennent actrices de droit(s)
Texte original
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